Rabbi Moché Rivkache fut un contemporain plus âgé de Rabbi Chabtaï Cohen, et comme lui, il naquit à Vilna (auj. Vilnius, en Lituanie). Tous deux devinrent célèbres grâce à leurs commentaires sur le Choul'hane Aroukh. Celui de Rabbi Moché Rivkache, intitulé Beer Hagolah, comprend des citations des origines talmudiques et halakhiques des lois.

Rabbi Moché naquit dans une famille aisée. Son père s'appelait Naftali Hirsch Sofère. La grande piété de Rabbi Moché lui valut le titre de « 'Hassid ». Il fut surpris par la grande catastrophe qui s'abattit sur la communauté juive de Vilna le 24 Tammouz, en l'an 5415, conséquence de la révolte de Chmielnicki connue sous le nom de « Calamité de l'an 5408 » (Gzérath Ta'H) et qui dura pas moins de dix ans. Ce jeudi-là, le 24 Tammouz, Vilna fut envahie par des hordes de Tartares et de Cosaques, débris de l'armée en déroute de Chmielnicki. Ils saccagèrent la florissante communauté juive, en massacrèrent 25 000 paisibles habitants et mirent le feu à la ville. L'incendie dura dix-sept jours ; quand il fut éteint, Vilna n'était que ruines.

De nombreux Juifs, prévoyant l'invasion, avaient réussi à fuir à temps. S'étant procuré des chevaux et des charrettes, ils partirent avec femmes et enfants, emportant ce qu'ils pouvaient de leurs biens. D'autres fuirent à pied et cherchèrent refuge dans les bois environnants, portant leurs petits enfants dans leurs bras.

Rabbi Moché Rivkache put faire partir, la veille de son départ à lui, sa femme et ses enfants. Le lendemain, il quittait la ville à pied. Parmi les réfugiés célèbres de Vilna, citons aussi Rabbi Chabtaï déjà mentionné, Rabbi Ephraïm Cohen (auteur de Chaar Ephraïm), Rabbi Aaron-Chmouel Kaïdanover (auteur de Birkath HaZéva'h) et d'autres érudits éminents.

À Amsterdam

Dans l'introduction de son œuvre, Rabbi Moché Rivkache décrit les terreurs éprouvées lors de ce désastre. « Je fuyais Vilna avec rien d'autre que mon bâton dans ma main droite et mon sac de Tefiline dans ma main gauche », écrit-il, pleurant la perte de sa maison « pleine de tout ce qui était bon », et par-dessus tout de sa précieuse bibliothèque héritée de son père, et qu'il avait augmentée avec ses propres acquisitions. Parmi les livres sacrés qu'il possédait étaient de nombreux traités talmudiques, qu'il avait enrichis de notes et de commentaires marginaux, fruit de tant d'années d'étude acharnée du Talmud.

Il erra avec les autres réfugiés à travers la province de Zamut jusqu'aux abords de la frontière prussienne. Mais leur malheur semblait n'avoir pas de fin ; car les troupes suédoises ayant envahi la région, les réfugiés finirent par perdre le peu qu'ils avaient réussi à sauver.

Finalement, Rabbi Moché, une partie de sa famille et un certain nombre de réfugiés réussirent à s'embarquer sur un bateau à destination d'Amsterdam. Là, ils furent accueillis avec beaucoup de chaleur par leurs frères séfaradites qui les nourrirent et les vêtirent. D'autres bateaux continuèrent à arriver avec de nouvelles cargaisons de réfugiés ; ils reçurent le même accueil et on les entoura de soins et de prévenances. Mais ces réfugiés dont le nombre ne faisait que croître finirent par créer à Amsterdam une pénurie sérieuse de logements, accompagnée d'une montée en flèche des prix des produits alimentaires et des vêtements. Aussi les Juifs de la communauté amsterdamoise firent-ils preuve de la même bonté que précédemment et assurèrent le transport de nombreux réfugiés jusqu'à Francfort, où la communauté juive de cette ville à son tour les prit en charge.

Rabbi Moché fut retenu toutefois à Amsterdam où Rabbi Chaoul Halévi Mourtira et Rabbi Yits'hak Abouhav, qui étaient à la tête de la communauté, d'accord avec quelques notables, considérèrent comme un privilège de subvenir aux besoins de Rabbi Moché Rivkache et de sa famille. Avec leur concours financier, ce dernier entreprit la tâche de préparer une nouvelle publication du Choul'hane Aroukh enrichi du commentaire de Rabbi Moché. C'est donc là que l'ouvrage vit le jour, accompagné de Beer Hagolah (« La Fontaine de l'Exil »), commentaire des quatre sections dont se compose l'œuvre. C'était en l'an 5421 (1661), une nouvelle édition ayant eu lieu en l'an 5424 (1664).

Retour à Vilna

Plus tard, la paix revenue, Rabbi Moché regagna Vilna. C'est là qu'il mourut à la fin de l'an 5431 ou au début de l'an 5432 (1672). Son Tsavaah (testament) porte la date du 13 Tammouz de l'an 5431.

Rabbi Moché Rivkache légua une part importante de ses biens à une institution chargée de les gérer en vue de venir en aide à des œuvres charitables. Le revenu continua à être versé à celles-ci par les descendants de Rabbi Moché jusqu'à une période très récente.

Cet éminent érudit écrivit d'autres œuvres sur la Halakhah et des commentaires sur la Michna et le Talmud, mais il ne put les achever à temps. Dans son testament, il exprimait l'espoir que ses fils Rabbi Peta'hiah et Rabbi Joseph pussent les compléter et en assurer la publication. Mais cet espoir ne semble pas s'être réalisé.