Rabbi Joseph ben Abba Mori Caspi naquit à l'Argentière, dans le midi de la France, il y a presque sept siècles. Son nom, Caspi (de kessef : argent, en tant que métal précieux) dérive de celui de sa ville natale.

Dès ses jeunes années, il se distingue par des facultés mentales peu communes, aussi bien que par sa diligence et le grand sérieux avec lesquels il étudie la Torah. À l'âge de dix-sept ans, il commence à compiler des ouvrages et écrit un commentaire sur le commentaire de Rabbi Abraham Ibn Ezra sur la Torah. Il rédige aussi un commentaire sur le Sefer HaRikmah, œuvre de Rabbi Yonah Ibn Janah.

Il quitte sa ville natale et voyage pendant des années à la recherche des rabbins dont il puisse apprendre plus de Torah et plus de sagesse.

Il visite aussi l'Égypte où vivent les arrière-petits-enfants du grand Rambam. Rabbi Abraham Maïmon (le second), petit-fils d'Abraham, fils lui-même du Rambam, ainsi que les autres arrière-petits-fils de ce dernier sont des rabbins remarquables aussi bien pour leur érudition que pour leur grande piété. Rabbi Joseph demeure en Égypte cinq mois, puis il retourne en France et s'établit à Tarascon.

C'est à cette époque qu'éclatent dans le midi de la France les terribles attaques antisémites connues sous le nom de « soulèvements des bergers ». Un berger fanatique, s'illusionnant d'une « mission divine », avait rassemblé autour de lui un groupe d'autres bergers et de bandits dans le but d'entreprendre des massacres massifs de Juifs.

Ce tragique épisode avait à peine pris fin que la peste noire éclatait, avec pour conséquence immédiate que les Juifs furent faussement accusés d'empoisonner les puits afin d'anéantir les populations non juives. Beaucoup de Juifs furent, comme les autres, victimes de cette épidémie. L'accusation n'en devenait que plus absurde et cruelle ; elle servit néanmoins d'excuse pour les tueries et le pillage d'un grand nombre d'innocents. Le jeune érudit Rabbi Joseph Caspi tomba aux mains de ces assassins et fut obligé de choisir entre la conversion religieuse et la mort. Il était prêt à se sacrifier et à mourir Al Kiddouche Hachem, mais au dernier moment, par miracle, il eut la vie sauve. À partir de ce jour, il se plonge encore davantage dans l'étude de la sainte Torah, et se fixe pour but d'écrire un commentaire sur le TaNaKh entier. Il consacre aussi une bonne partie de son temps à l'étude des œuvres philosophiques du Rambam et d'autres éminents érudits juifs, et ne cesse de composer ouvrages et interprétations.

Un grand esprit méconnu

Afin de satisfaire son désir toujours plus grand de connaissance de la Torah et de ses secrets, il se remet à voyager. Il visite la Castille, l'Aragon et Valence en Espagne, de même que l'île de Majorque en Méditerranée, non loin de la côte ibérique. Partout où il passe, il se nourrit avec passion aux sources du savoir, personnifiées par les grands érudits en Torah du temps.

Il passe six mois à Majorque, et y rédige son ouvrage intitulé Gliléi Kessef en l'an 5091 (1331), en signe de gratitude envers les chefs de la communauté de l'île, qui l'ont accueilli avec beaucoup de chaleur. Un an après, à Valence, il achève son Sefer HaMoussar qu'il envoie à son fils Salomon – un garçon de douze ans qu'il a laissé à Tarascon – en guise de « Tsavaah » (testament spirituel) pour lui enseigner la conduite à suivre dans la vie.

Rabbi Joseph Caspi connut surtout des temps difficiles ; les soucis et les tribulations ne lui manquèrent pas, tant à travers ses nombreuses pérégrinations qu'à propos de certains de ses ouvrages qui rencontrèrent une vive opposition de la part de quelques érudits. Il y avait à celle-ci deux raisons ; la première : Rabbi Caspi ne ménageait pas ses attaques contre les intellectuels juifs de son époque ; il leur reprochait de consacrer trop de temps aux études séculières aux dépens de celle de la Torah. Et la seconde : certains éminents érudits lui faisaient un grief d'exprimer certaines idées philosophiques dont ils craignaient qu'elles ne fussent mal interprétées par les jeunes érudits et les étudiants. De tels ouvrages pouvaient donc donner aux uns et aux autres des idées fausses, et déformer leur vision de la vie. En vérité, comme ce fut le cas pour beaucoup d'autres philosophes juifs, Rabbi Caspi, accordant une confiance exagérée à son propre intellect, tâchait d'expliquer beaucoup de points relatifs à la foi et qui ne peuvent être saisis par l'esprit humain, vu les limites de celui-ci. C'est la raison pour laquelle, de nombreux érudits en Torah, de son époque comme des époques ultérieures, furent très sévères pour Rabbi Caspi. Ce qui ne l'empêcha pas de poursuivre ses recherches et d'écrire ses livres.

Le « Sefer HaMoussar »

Bien que sa vie n'eût pas été longue – il mourut à l'âge de quarante-trois ans –, il produisit des dizaines d'ouvrages, la plupart d'entre eux portent le mot « Kessef » dans leur titre, en raison de son nom. Une partie de ses œuvres fut publiée plus tard, certaines demeurèrent sous forme de manuscrits, et un grand nombre fut perdu. Il écrivit sur beaucoup de sujets : sur la langue et la grammaire hébraïques, sur le TaNaKh, la philosophie religieuse et les mystères de la Torah.

L'une de ses œuvres les plus importantes, et qui fut rééditée à plusieurs reprises, est le Sefer HaMoussar déjà cité (connu également sous le nom de Yoreh Déah, qu'il ne faut pas confondre avec la section du Choul'hane Aroukh portant le même titre), et qu'il écrivit encore jeune à l'intention de son fils, « ne sachant pas ce que l'avenir réserve, tant en raison des persécutions en général, qu'à cause de mes propres tribulations à travers le monde ». Dans cet ouvrage, le père donne des conseils à son jeune fils, et l'encourage à demeurer toujours fidèle à la sainte Torah, à marcher dans les voies du Tout-Puissant, et de rechercher toujours la vérité, parce que « la vérité n'a rien à craindre de personne, et rien ne peut lui faire honte ». Il lui indique aussi ce qu'il doit apprendre afin de s'élever, à mesure qu'il avance en âge, par la connaissance de la Torah et par la sagesse en général.

Quelques titres

Voici quelques-unes de ses autres œuvres : Rezoukath HaKessef : une grammaire hébraïque.    Charcheroth HaKessef : les dérivés grammaticaux de la langue hébraïque. Metsaref LaKessef : une interprétation de la Torah. Mezamroth Kessef : sur les Psaumes. Mitoth Kessef : sur les Prophètes. 'Hatsotseroth Kessef : sur le Cantique des Cantiques, les Proverbes et l'Ecclésiaste. Kapoth Kessef : sur Ruth et Lamentations. Glilei Kessef : sur Esther. 'Hagourath Kessef : sur Ezra et Chroniques. Kaarath Kessef : sur Daniel. Tirath Kessef (Sefer HaSod) : sur les secrets de la Torah. Amoudei Kessef et Maskiyoth Kessef : sur le Guide des Égarés du Rambam, et beaucoup d'autres.

L'auteur de ces livres nombreux connaissait bien les points faibles de certaines conceptions exposées dans ses ouvrages philosophiques, et il ne s'attendait pas à les voir accepter sans protestations. Il savait aussi que l'intelligence humaine peut échouer complètement dans ses tentatives de pénétrer certaines sphères situées plus haut qu'elle. C'est pourquoi il écrit (dans Sefer HaMoussar, Ch. 13) : « Si, à Dieu ne plaise, le lecteur trouvait dans mes livres une idée qui le mette en doute, il devrait la refuser, comme avait l'habitude de le faire Rabbi Meïr, gardant pour lui la substance et rejetant la coquille. » En d'autres termes, il engageait ses lecteurs à accepter les points valables, et à négliger ce qui ne paraissait pas convaincant dans ses œuvres. Cela nous amène à affirmer que Rabbi Joseph Caspi était non seulement un éminent érudit en Torah, mais aussi un homme d'une grande humilité. D'ailleurs, érudition toranique et humilité ne sont-elles pas inséparables ?