Tsav – Les sacrifices ; les rites d’investiture

La seconde partie du Lévitique s’ouvre au moment où Dieu demande à Moïse d’ordonner (tsav, en hébreu) à Aharon et ses fils de suivre les procédures pour offrir les sacrifices. La seconde partie de la section décrit les rites par lesquels, durant une semaine, les prêtres furent investis dans leur fonction, et le Tabernacle, inauguré.

À première vue, la paracha de Tsav semblerait manquer d’intérêt. Sa première moitié constitue, globalement, une suite aux règles établissant le rituel des sacrifices, ce qui a fait l’objet de la paracha précédente, Vayikra. Sa seconde partie retrace seulement les rites d’installation par lesquels Aharon et ses fils furent investis de la prêtrise, dont les détails nous furent enseignés lorsque Dieu en ordonna l’accomplissement au milieu de la paracha de Tetsavé.1 La description faite dans la paracha de Tsav expose de quelle manière ces rites ont été exécutés sept jours durant, et ne semble être qu’une répétition de la partie mentionnée dans la paracha de Tetsavé ou, au mieux, un prologue aux événements qui eurent lieu le huitième jour des rites d’investiture – et dont nous verrons la description au début de la prochaine paracha, Chemini –, des cérémonies au cœur desquelles surviendra un véritable drame. Or, cette paracha à l’apparence trompeusement « fade » s’ouvre par un prologue à tous égards inhabituel. En règle générale, à chaque fois que Dieu nous transmet Ses commandements, la phrase d’introduction est la suivante : « L’Éternel parla à Moïse, disant : “Parle [ou : Dis] aux enfants d’Israël…” » Or, en quelques rares endroits, la phrase d’introduction devient : « L’Éternel parla à Moïse, disant : “Ordonne [tsav] aux enfants d’Israël…” »2 En d’autres termes, dans la plupart des cas, Dieu demande simplement à Moïse de nous transmettre ce qu’Il veut que nous fassions. Cependant, dans quelques cas particuliers, Dieu se soucie tant que nous accomplissions Sa volonté qu’Il enjoint à Moïse de nous ordonner de le faire. Le passage d’ouverture de la paracha de Tsav est le premier exemple d’une telle dérogation à la formule habituelle, et la paracha entière tire son nom de ce terme d’exception.

Très certainement, Dieu souhaite que nous observions la totalité de Ses commandements, et ce désir de Sa part s’exprime dans le désir intérieur et inné, présent en tout Juif, d’accomplir les commandements de Dieu de la meilleure façon possible. Mais en définissant la majorité de Ses commandements non pas comme des ordres, mais comme de simples instructions, Il ne fait que nous laisser entendre que Son souhait est que nous les remplissions ; Ses instructions ne semblent pas contraignantes au point de nous retirer la marge de manœuvre qui est la nôtre d’exercer notre libre choix d’obéir ou de ne pas le faire.

À l’opposé, lorsque Dieu choisit de formuler Sa volonté comme un ordre explicite, c’est pour transmettre toute l’urgence qu’Il y accorde. Nous ressentons que cet ordre particulier a plus de poids que d’habitude, que l’enjeu est plus important que d’ordinaire, et cela éveille immédiatement en nous un sentiment d’urgence de sa mise en œuvre. Dans un certain sens, le libre arbitre nous est partiellement ôté. Bien entendu, nous pouvons toujours décider de ne pas obéir, mais la gravité inhabituelle de la tournure employée rend le choix beaucoup moins probable. Plus le désir de Dieu que nous accomplissions Sa volonté nous semble profond, plus cette corde sensible résonne dans notre âme. Il parvient au niveau de notre conscience où nous ne pouvons pas désobéir à Sa volonté pour la simple raison que, dans notre essence la plus profonde, Sa volonté est notre volonté, car Lui et nous sommes un.

Aussi, le sujet de la paracha de Tsav peut se formuler ainsi : même si, en règle générale, Dieu exprime Ses désirs de façon assez retenue, Il le fait uniquement pour garantir notre autonomie absolue dans l’exercice de notre libre arbitre. La vérité est, cependant, qu’Il désire vivement que nous accomplissions Sa volonté, et notre conscience de Son souhait doit éveiller en nous un engagement d’une intensité du même ordre pour la concrétiser. Si nous pouvons garder à l’esprit combien Dieu attache d’importance à notre étude de la Torah et à notre accomplissement de Ses commandements, nous pouvons être assurés que notre observance en sera tout aussi significative pour nous.

Cette idée s’exprime notamment par le fait que le contenu de la paracha de Tsav « manque » de nouveauté, étant à l’apparence, comme nous l’avons dit, une simple continuation du contenu de la paracha de Vayikra et la mise en œuvre des ordres transmis auparavant dans la paracha de Tetsavé.

Dans ce sens, la paracha de Tsav constitue la réponse la plus aboutie à l’appel de Dieu, qui, s’élevant depuis Sa propre essence, parvient jusqu’à nous au début de la paracha de Vayikra.3