1:1 Voici les noms. Le peuple juif garda ses noms juifs tout au long de l’exil égyptien, conservant son identité malgré la tentation de s’assimiler à la société locale. Du fait même que les Hébreux refusèrent de faire des compromis avec la culture d’accueil sur un aspect apparemment accessoire du judaïsme, D.ieu les jugea dignes d’être délivrés.
La même chose est vraie pour nous : le fait de rester fidèlement attachés à nos traditions – même celles qui ne semblent pas importantes – hâtera notre Délivrance.1
1:5 Ils étaient au nombre de soixante-dix. La Torah énumère la descendance de Jacob de deux façons : en les nommant et en les comptant. Le nom reflète l’identité unique de l’entité nommée. En revanche, lorsque nous les comptons, nous nous concentrons sur leur dénominateur commun ; leurs identités individuelles disparaissent alors.
En comptant les fils de Jacob et en les énumérant par leur nom, D.ieu indique qu’Il nous aime, tant pour notre personnalité individuelle que pour notre identité juive commune. En soulignant ce fait juste avant que la famille de Jacob ne descende dans l’exil amer de la servitude spirituelle et matérielle, la Torah indique que l’amour de D.ieu pour nous n’est nullement diminué par le fait qu’Il nous a envoyés en exil ; encore que parfois dissimulé, il est toujours présent.2
1:6 Comme toute cette génération. Il y eut, en fait, quelques individus dont la vie se poursuivit jusqu’à la génération suivante, mais ils n’eurent aucune influence sur le niveau spirituel de l’époque. Ils ne purent empêcher la chute morale que les Juifs connurent après la disparition de la première génération de l’exil. De fait, leurs vies sont considérées comme ayant cessé avec cette génération.
Cette première génération de descendants de Jacob fut élevée sur la terre d’Israël. La terre d’Israël encourage la croyance en D.ieu, car sa productivité dépend de la pluie intermittente, ce qui pousse ses habitants à prier pour leur subsistance. En revanche, l’Égypte est arrosée par le débordement régulier du Nil. Bien que la crue du Nil dépende aussi des précipitations, la source du fleuve est assez éloignée de l’Égypte pour donner l’impression qu’elle ne dépend pas du ciel. Les Égyptiens étaient donc éduqués à dépendre de la nature plutôt que de D.ieu.
Tant que la génération qui grandit sur la terre d’Israël vécut, la croyance des Hébreux dans le fait qu’ils dépendent de D.ieu resta intacte. Après leur mort, cependant, cette croyance faiblit et les Juifs adoptèrent progressivement la conception égyptienne selon laquelle le succès dans la vie dépend du fait qu’on suive les lois de la nature plutôt que les lois surnaturelles de D.ieu.3
10 Hors du pays. En réalité, les Hébreux ne représentaient aucune menace réelle pour les Égyptiens. Les Hébreux savaient que Pharaon (ou son prédécesseur) avait promu Joseph d’esclave à vice-roi et les avait installés gracieusement dans la meilleure partie de l’Égypte, les sauvant de la famine. Ils étaient redevables à Pharaon et aux Égyptiens et, par conséquent, ne songeaient pas à prendre le contrôle du pays.4 Pharaon craignait plutôt que le monothéisme juif ne prévale sur le paganisme égyptien. Ainsi, en plus d’ourdir le plan sur la façon de diminuer le nombre des Hébreux et de réduire leur pouvoir, il en conçut un pour les immerger dans la culture égyptienne et leur faire oublier leur héritage.
Il consulta ses conseillers, dont les trois principaux étaient Balaam, Jéther (qui sera plus tard connu sous le nom de Jéthro)5 et Job. Balaam conçut un plan d’augmentation progressive de l’oppression visant à réduire le taux de natalité des Juifs. Jéthro déconseilla ce plan ; Job resta indécis.6 Pharaon accepta la stratégie de Balaam. Voyant qu’il avait perdu la faveur du roi, Jéthro s’enfuit à Madian.7
Pharaon rassembla tous les Hébreux et leur adressa ces paroles : « Je vous prie, aidez-moi aujourd’hui à ce travail. » Il ramassa lui-même un seau et un râteau et commença à faire des briques. La plupart de ceux qui virent Pharaon agir ainsi s’empressèrent de l’aider. En outre, Pharaon accrocha un moule à briques autour de son cou. Si un Juif refusait de travailler, disant qu’il était trop délicat, les officiers du Pharaon rétorquaient : « Es-tu plus délicat que Pharaon ? » De cette façon, ils invitèrent tout le monde à participer.8 À la tombée de la nuit, les officiers demandèrent aux Juifs de compter le nombre de briques qu’ils avaient fabriquées. Après qu’ils l’eurent fait, Pharaon dit : « Bien ! Faites-moi autant de briques chaque jour ! »9
De peur qu’il n’augmente. Allégoriquement parlant, le fait que les Juifs étaient « nombreux et forts » renvoie à leur sainteté innée, assez forte pour soumettre les pulsions matérielles du cœur. Pharaon ne se souciait pas trop du fait que les Juifs soient simplement « nombreux et forts », car le processus de raffinement de l’âme vitale ne menaçait pas le mal qu’il incarnait lui-même. Tout comme l’Égypte constituait l’exil par excellence, Pharaon était l’incarnation de l’égocentrisme, source de toutes les autres formes du mal et de la grossièreté matérielle. Le raffinement continu du corps et de l’âme vitale, qui s’accomplit en gravissant l’échelle de la conscience divine, ne frappe pas assez profond pour constituer une menace à l’égocentrisme.
Ce qui dérangeait véritablement Pharaon, c’était la possibilité que les Juifs « augmentent » : qu’ils aillent au-delà de leurs pouvoirs naturels et s’attaquent à la racine de tout mal – l’égocentrisme. Il craignait qu’« en cas de guerre », au cours de la lutte contre les impulsions matérielles du cœur, ils soient inspirés par leur lutte contre le mal pour frapper à sa racine même.
Le plan qu’il conçut pour s’opposer était : « Agissons avec ruse envers eux », ce qui signifie : « Surpassons-les en les empêchant d’utiliser leur esprit pour améliorer leur conscience divine – remplissons leur esprit de notre culture et de notre savoir afin de les détourner de la poursuite de la connaissance de D.ieu. » Le dénominateur commun de toute la culture et de la sagesse profanes est qu’elles favorisent l’ego, nous menant à concentrer notre attention sur nous-mêmes et la détournant ainsi de D.ieu. C’est ainsi que Pharaon espérait tenir les Hébreux en laisse.10
De peur qu’il n’augmente. La tribu de Lévi refusait de travailler, réclamant une dispense du fait de son statut d’élite en tant que sages du peuple. Contrairement à leurs frères, la tribu de Lévi maintint son enthousiasme original pour la Torah ainsi que son assiduité dans l’étude. Ceci préserva ses membres d’être corrompus par le matérialisme de l’Égypte. Dans la mesure où ils n’éprouvaient nulle forme de « double » loyauté, ils ne furent pas impressionnés par les discours séduisants de Pharaon ; ils furent capables à la fois de reconnaître son stratagème et d’y résister. Comme ils ne succombèrent pas à la domination spirituelle, ils ne purent pas non plus être soumis à la domination matérielle. Pharaon et les Égyptiens acceptèrent la revendication des Lévites. Ainsi, la tribu de Lévi resta exempte d’esclavage.
La tribu de Lévi est un exemple pour nous tous. Bien que nous ne puissions pas tous être des Lévites à proprement parler, nous pouvons imiter leur dévouement total à D.ieu. Même dans nos activités professionnelles, nous pouvons nous sanctifier et utiliser pleinement notre vie pour accomplir notre mission Divine, faire du monde la demeure de D.ieu.
Les Lévites en Égypte savaient que le fait d’accepter des compromis un tant soit peu sur les questions spirituelles ne ferait que conduire à davantage de compromis, entraînant à l’asservissement matériel. De même en ce qui nous concerne : en préservant fermement notre domaine, nous resterons invulnérables à l’esclavage du matérialisme.11
1:12 Plus ils s’accrurent et proliférèrent. L’une des finalités de l’exil égyptien était de purifier les Juifs de tout mal ou matérialité cachés dans leur psyché, les préparant à recevoir la Torah. Dans cette optique, il n’est pas surprenant qu’en les opprimant, les Égyptiens non seulement ne réussirent pas à affaiblir les Juifs mais les rendirent en fait de plus en plus prolifiques. Les souffrances de l’exil ne firent qu’augmenter le pouvoir et la présence de la sainteté dans le monde.12
1:13 À un labeur éreintant. Quand les Égyptiens virent que la mobilisation des Hébreux pour construire des villes d’approvisionnement n’arrivait pas à réduire leur taux de natalité, ils ajoutèrent au travail acharné la démoralisation psychologique afin de briser leur esprit, croyant à juste titre que cela les affaiblirait également sur le plan physique.
En premier lieu, ils confièrent aux hommes des tâches de femmes, et aux femmes, des taches d’hommes.13 Le changement d’habitude fut déstabilisant, et aussi bien les hommes que les femmes se virent inadaptés aux besognes de l’autre : les femmes n’étaient pas assez vigoureuses pour les tâches des hommes, et celles des femmes, bien qu’elles n’exigent pas autant de force brute, demandaient une persévérance absente chez les hommes.14
Deuxièmement, au lieu de leur faire construire des villes d’approvisionnement, ils les firent travailler sans but, simplement pour les faire souffrir. Ceci était particulièrement démoralisant, car même si une personne est contrainte de travailler dur, elle peut au moins s’enorgueillir d’avoir bien fait son travail aussi longtemps qu’il existe un objectif spécifique. Mais s’il n’y a pas d’objectif et que le travail n’a pas de fin, c’est à la fois physiquement et mentalement éreintant.15
1:14 Toutes sortes de besognes. Ce travail en effet fatigua les hommes, mais les femmes étaient résolues à déjouer les plans des Égyptiens. Elles apportaient de la nourriture et des boissons à leurs maris dans les champs, et après qu’ils eurent mangé, elles sortaient leurs miroirs de cuivre afin que leurs maris y contemplent le reflet des deux conjoints. Les femmes amenèrent ainsi leurs maris à admirer leur beauté et éveillèrent leur passion conjugale. De cette façon, les Juifs continuèrent à être aussi féconds qu’auparavant.16
Les Égyptiens opprimèrent les Hébreux bien au-delà de ce qui aurait été attendu pour accomplir le décret de D.ieu lors de « l’Alliance entre les Parts ».17 Ainsi, quand bien même ne feraient-ils qu’accomplir le plan de D.ieu, ils étaient toujours coupables, et il était donc pleinement justifié pour D.ieu de les punir.18 Tout le monde en Égypte était heureux de voir les Juifs souffrir, y compris les servantes et les prisonniers étrangers.19 Les Égyptiens désignèrent des chefs de chantier pour réveiller les Juifs afin qu’ils travaillent avant même l’aube.20 Cette deuxième phase de corvée commença en 2362. Le chef du peuple à l’époque était Amram, petit-fils de Lévi. En cette année, son premier enfant, une fille, naquit. Il la nomma Miriam d’après la nouvelle « amertume » [merirout] de l’exil. Quatre ans plus tard, en 2365, naquit le fils aîné d’Amram, Aharon.
Ils rendirent leur vie amère. Au fur et à mesure que les Juifs s’imprégnaient de la conception égyptienne selon laquelle le succès dans la vie dépend du respect des lois de la nature,21 ils commencèrent à se relâcher dans leur étude de la Torah.22 S’ils avaient continué à travailler dans l’étude de la Torah, ils n’auraient pas eu à encourir des labeurs physiques : ils auraient pu accomplir le décret de l’exil en s’impliquant avec force dans leur étude. Ce verset aurait alors pris la signification suivante :
Ils rendirent leur vie amère : Ils se seraient sentis amers de leur manque de compréhension de la Torah, qui est notre vie, et se seraient efforcés de mieux la comprendre
par un travail difficile, c’est-à-dire par l’argumentation logique (le mot pour « dur » [kacha] étant lié au mot pour « question » [kouchya]), et
avec du mortier, soit en déduisant de nouvelles lois à travers un raisonnement a fortiori (le mot pour « mortier » [’homer] étant lié au mot pour ce type de raisonnement [kal ve’homer]),
et des briques, autrement dit en affinant leur compréhension de la matière juridique jusqu’à ce qu’ils parviennent à des décisions juridiques solides (le mot pour « briques » [leveinim] étant lié au mot utilisé pour ce processus [liboune hil’hata]), et
toutes sortes de besognes dans les champs, c’est-à-dire en citant des prescriptions tirées de sources michnaïques non incluses dans le canon de la Michna (une telle source étant appelée une source « externe » [beraita]) ;23 et ils auraient étudié
avec une rudesse écrasante, soit plus durement et davantage que ce à quoi ils étaient habitués.
De la même façon, il est possible en tout temps de remplacer le labeur profane par le travail dans l’étude de la Torah. Nous devrons certes continuer de travailler, mais notre travail ne sera plus un fardeau ; il sera béni par l’aide de D.ieu et ne nous causera pas de soucis.24
Or, au lieu de cela, les Juifs se relâchèrent dans leur étude de la Torah en raison de l’influence omniprésente de leur culture d’accueil. Dans ce contexte, la phrase qu’ils rendirent leur vie amère prit ce sens : « [Les Égyptiens] firent que l’étude de la Torah leur soit amère » (car, comme il a été dit plus haut, la Torah est la « vie » et la source de vitalité du Juif).25
Leur manque d’enthousiasme pour l’étude de la Torah laissa un vide dans leur vie qu’ils durent remplir autrement, et l’attrait et la facile élévation spirituelle de l’idolâtrie étaient aisément accessibles partout en Égypte. Ainsi finirent-ils par tomber dans le piège du culte des idoles.26
1:15 Les sages-femmes hébreues. Yo’héved et Miriam étaient connues par les noms de Chifra et Poua puisqu’elles « amélioraient » [chiper] les nouveau-nés (en les nettoyant et redressant leurs membres) et « roucoulaient » [poa] à eux, respectivement. En fait, les femmes hébreues étaient si habiles à donner naissance qu’elles n’avaient pas recours à des sages-femmes,27 mais, pour les rassurer, Yo’héved et Miriam leur faisaient savoir qu’elles étaient disponibles en cas de complications. Même si elles n’étaient qu’au nombre de deux, leur réputation de personnes bien nées et vertueuses (qui bénéficieraient du secours Divin en cas de besoin) était suffisante pour rassurer toute la population des femmes enceintes.28
16 Il leur dit. Tout au long de leur amer exil, les Juifs gardèrent courage du fait que Jacob et Joseph leur avaient promis qu’ils finiraient par quitter l’Égypte et retourneraient en terre d’Israël. Ils se rappelaient constamment cette promesse grâce à la présence du bosquet d’acacias que Jacob avait planté quand il était venu en Égypte pour la première fois.29 Ainsi, environ cinq ans après le début de la deuxième phase de travaux forcés, les Égyptiens se rendirent compte que le fait de soumettre les Juifs à un labeur éreintant ne parvenait toujours pas à soumettre leur esprit ni à réduire leur fertilité.
De plus, les astrologues de Pharaon lui annoncèrent que le libérateur des Hébreux naîtrait bientôt. Quand il entendit cela, il comprit qu’il n’était pas en train de réussir à les anéantir. Aussi, il chercha à éliminer le futur libérateur en faisant tuer tous les garçons hébreux nouveau-nés. De plus, il réalisa qu’il n’était pas suffisant d’asservir les adultes tout en permettant aux enfants de grandir en tant que Juifs. Il décréta donc que les filles seraient élevées comme des Égyptiennes. Il ne dévoila pas aux sages-femmes son plan pour les filles car il espérait qu’il leur serait ainsi plus facile de tuer les garçons.30 Plus tard, quand il étendit la portée de son décret et ordonna aux Égyptiens de noyer leurs propres petits garçons, il annonça explicitement son plan pour les filles.31
1:21 Dynasties. Miriam devint l’ancêtre de la dynastie royale davidique. Yo’héved devint l’ancêtre de la dynastie sacerdotale (à travers son fils Aharon) ainsi que de quelques-unes des dynasties lévitiques (à travers son fils Moïse).32
Du fait que les sages-femmes n’obéissaient pas à l’ordre de Pharaon, Pharaon dut placer des Égyptiens parmi les Hébreux afin qu’ils puissent entendre à quel moment une femme juive enfantait et le lui rapporter. Il construisit donc des maisons pour des Égyptiens dans la colonie juive de Gochen.33 Ainsi, les Égyptiens pouvaient découvrir les nouveau-nés et les tuer. Voyant cela, Amram dit : « Pourquoi devrions-nous procréer pour rien ? » Il divorça alors de sa femme, Yo’héved, et les autres Juifs suivirent son exemple. Mais leur jeune et précoce34 fille Miriam rétorqua que le commandement de D.ieu enjoignant de procréer doit être respecté quoi qu’il puisse se passer par la suite, et que, si le décret de Pharaon affectait seulement les garçons, Amram avait en fait émis un décret portant aussi contre les filles. Elle prophétisa également que ses parents mettraient au monde un enfant qui serait le libérateur des Hébreux. Cet argument et cette prophétie convainquirent Amram et il se remaria à Yo’héved. Les autres hommes suivirent l’exemple d’Amram et se remarièrent à leurs femmes. L’argument de Miriam conduisit ainsi à la naissance de la génération des Juifs qui quitta l’Égypte.35
1:22 Pharaon ordonna. Le 7 Adar 2368, Yo’héved donna naissance à un fils, qui sera appelé Moïse par la suite. Les astrologues égyptiens virent que le libérateur des Juifs était bien né mais qu’il allait connaître sa fin à travers l’eau. (Cette vision était correcte, mais se référait à l’épreuve rencontrée par Moïse à propos de « l’eau de la discorde » à Kadech.)36 Ils conseillèrent donc à Pharaon de décréter que les nouveau-nés seraient jetés dans le fleuve pour y être noyés. En outre, l’histoire leur avait appris que D.ieu punit les méchants « mesure pour mesure ». Ils estimèrent que la meilleure façon de contrecarrer Ses plans serait à travers l’eau, car Il avait promis de ne plus déclencher un autre déluge sur le monde.37 Puisque les astrologues ne savaient pas si ce libérateur était hébreu ou égyptien, ils conseillèrent à Pharaon de décréter que tout garçon né ce jour-là soit jeté dans le fleuve, y compris les Égyptiens.38
Vous devez faire en sorte que toute fille vive comme une Égyptienne. Pharaon décréta que les garçons soient tués physiquement et que les filles soient tuées spirituellement. Le fait que le décret spirituel ait été énoncé après le décret physique indique que la mort spirituelle est pire que la mort physique.
De manière allégorique, le décret de jeter les garçons dans le Nil fait également allusion à leur immersion dans la culture égyptienne, dans la mesure où les Égyptiens vénéraient le Nil comme étant la source de leurs moyens de subsistance et de leur culture.
De plus, nous verrons plus loin que, lorsqu’il n’y avait pas assez de briques pour réussir à accomplir le plan de construction de la journée, les Égyptiens forçaient les Hébreux à murer leurs enfants à la place des briques manquantes.39 Dans un sens allégorique, cela revenait à les amalgamer au cadre institutionnel de la civilisation égyptienne.
L’Égypte est l’archétype de tous les exils. Dans tous les exils, la culture dominante nous exhorte à élever nos enfants dans ses voies, promettant qu’il s’agit là de la clé de leur succès. Comme en Égypte, résister à ces promesses et veiller à ce que nos enfants grandissent en chérissant les valeurs de la Torah est ce qui garantira leur bonheur matériel, social et spirituel, ainsi que leur délivrance des liens de l’exil.40
2:10 Il devint comme un fils pour elle. Pharaon et sa cour savaient que Moïse était un enfant hébreu, mais ils pensaient qu’en l’élevant comme un Égyptien, il deviendrait l’un d’entre eux. Or, du fait de la noblesse de son âme et de son éducation, élevé dans son enfance dans la maison de ses parents, il resta à l’écart des séductions de la culture égyptienne et du statut social qui lui était promis et demeura fidèle à son peuple. Nous voyons ici combien l’éducation précoce d’un enfant est cruciale.41
2:13 Au méchant. Notre but dans la vie est de faire de ce monde la demeure de D.ieu. Il s’ensuit que tous nos membres et nos facultés nous ont été donnés à cette fin. Lorsque nous faisons usage de notre main pour blesser quelqu’un au lieu de l’utiliser pour accomplir les commandements de D.ieu ou des actes de bonté, nous trahissons notre mission sur terre et nous pouvons, à juste titre, être appelés « méchants », du moins jusqu’à ce que nous regrettions le méfait et nous repentions de ce mauvais usage de nos dons Divins. En fait, ceci est vrai à la minute même où nous levons la main contre notre prochain, même si nous ne l’avons pas encore (et peut-être pas du tout) frappé, car cet acte est déjà une mauvaise utilisation de la main.42
2:14 Alors le fait est connu. À l’exception de la tribu de Lévi, les Juifs étaient progressivement tombés dans le culte des idoles par assimilation à leur culture d’accueil. Néanmoins, ce n’était pas l’idolâtrie mais la médisance – une infraction apparemment beaucoup moins grave – qui menaçait de compromettre leur libération.
En effet, la médisance est symptomatique d’un défaut beaucoup plus profond : l’égocentrisme. L’égocentrisme fait que les gens se soucient avant tout de leurs propres intérêts, les empêchant de subordonner ces intérêts au bien des autres. Lorsque cette approche des rapports sociaux fait défaut, la médisance devient la résultante naturelle.
Par conséquent, tant que la médisance sévit parmi eux, un groupe d’individus ne peut pas devenir un peuple soudé. Mais tel était précisément le but de la libération – faire des Juifs un peuple.
Il fallait donc écraser leur égocentrisme et le moyen le plus efficace pour cela était de les soumettre à l’esclavage. Ainsi, quand Moïse vit que ses frères étaient des médisants, il comprit pourquoi ils devaient endurer la servitude égyptienne. En effet, la servitude finit par annuler leur égocentrisme et ils cessèrent de se calomnier les uns les autres.43
2:14–15 Effrayé, Moïse... Pharaon chercha à le tuer. Cela implique que, si Moïse n’avait pas été effrayé, Pharaon n’aurait pas cherché à le tuer.
La croyance en l’omnipotence de D.ieu implique la conviction qu’Il peut nous sauver de tout type de problème – même s’il semble n’y avoir aucune issue naturelle. Si, en plus de croire qu’Il peut nous aider, nous croyons avec confiance qu’Il va vraiment nous aider, nous obtiendrons Son intervention dans le cours naturel des événements. Comme dit le Tséma’h Tsédek : « Pense bien et tout ira bien. »44
Moïse accomplit ici deux bonnes actions : il protégea le Juif de l’Égyptien qui le battait et il réprimanda le Juif qui était sur le point de frapper son compagnon. Comme il accomplissait la volonté de D.ieu par ces bons actes, il aurait dû avoir confiance dans Sa protection et être certain que ses actes n’auraient aucune répercussion négative. Mais, comme il n’eut pas confiance en la protection divine, il la perdit. C’est alors que Pharaon entendit effectivement parler de l’incident et tenta de le tuer.
De même, lorsque nous sommes aux prises avec des obstacles dans l’accomplissement de notre mission Divine, nous devons comprendre que nous pouvons bénéficier du secours de D.ieu en ayant foi dans le fait qu’Il nous aidera. Mais faire preuve d’une telle confiance ne signifie pas pour autant que nous ne devons pas prendre toutes les mesures naturelles et nécessaires afin d’éviter les problèmes ou pour les résoudre. Ce qui veut dire tout simplement que nous devons faire confiance à D.ieu afin qu’Il couronne nos efforts de succès.
Nos sages nous enseignent ainsi que c’est par le mérite de leur confiance en D.ieu que les Juifs furent délivrés d’Égypte.45 Dans ce même esprit, notre confiance que D.ieu nous délivrera de notre exil actuel hâtera la Délivrance.46
2:15 Pharaon chercha à tuer Moïse. Pharaon fit juger Moïse mais celui-ci, en dépit de ses troubles de la parole, se défendit miraculeusement avec éloquence. Malgré cela, Pharaon le déclara coupable, et D.ieu le frappa alors de mutisme. Pharaon tenta alors de marmonner ses intentions à ses ministres, mais D.ieu rendit les ministres sourds. Pharaon fit signe aux bourreaux de tuer Moïse, mais, miraculeusement, l’épée du bourreau ne put lui faire de mal.47 D.ieu rendit les bourreaux aveugles, permettant à Moïse de s’enfuir.48 Il fuit en Éthiopie, où il rejoignit l’armée, progressant dans ses rangs jusqu’à ce que, neuf ans plus tard, il fut couronné roi. Il demeura le roi de l’Éthiopie pendant quarante ans.
En l’an 2418 (alors que Moïse était roi d’Éthiopie), certaines familles de la tribu d’Ephraïm, supposant que les quatre cents ans prophétisés dans « l’Alliance entre les Parts » avaient commencé dès que l’alliance fut scellée (en l’an 2018), conclurent qu’ils étaient parvenus à leur fin. Croyant à tort que le temps de leur libération était arrivé, 30 000 hommes armés de cette tribu quittèrent l’Égypte et se dirigèrent vers la terre d’Israël. Ils prirent de l’argent avec eux, mais pas de provisions, supposant qu’ils achèteraient de la nourriture aux Philistins ou conquerraient leur pays. Mais les Philistins les vainquirent et les tuèrent tous à l’exception de dix individus, qui retournèrent en Égypte pour rapporter les événements.49
Pendant que Moïse était en Éthiopie, Miriam épousa Caleb, fils de Yéfouné, membre de la tribu de Juda, et ils eurent un fils qu’ils nommèrent Hour.50
En l’an 2434, à l’âge de soixante-sept ans,51 Moïse quitta l’Éthiopie et s’installa à Madian.
2:23 Les plaintes s’élevèrent vers D.ieu. Quand leur souffrance eut atteint ce stade, ils se tournèrent finalement vers D.ieu et commencèrent à Lui demander de les sauver. D.ieu se lie à nous dans la mesure où nous nous lions à Lui. Ainsi, dès qu’ils se souvinrent de Lui et s’adressèrent à Lui comme leur père, Il les considéra et témoigna de Son amour paternel pour Ses enfants.52
3:1 Considéra le comportement de Moïse. Ainsi, un chevreau s’enfuit un jour du troupeau et arriva à un endroit ombragé près d’un bassin d’eau, où il s’arrêta pour boire. Moïse courut après lui et dit, quand il le rattrapa : « Je ne savais pas que tu t’étais enfui parce que tu avais soif. Tu dois être fatigué. » Il ramena alors le chevreau au troupeau. D.ieu dit : « Comme tu as montré une telle miséricorde envers le troupeau d’un mortel, tu garderas Mon troupeau, Israël. »53
Moïse gardait le troupeau. Jéthro était un homme intelligent, ayant officié comme conseiller de Pharaon et comme gouverneur de Madian. Il discerna évidemment l’intelligence de Moïse et était au courant de son double statut aristocratique : à la fois fils d’Amram et prince de la cour de Pharaon. Il semble étrange, à cet égard, qu’il l’ait chargé de travailler en tant que berger.
Une explication en est que Jéthro perçut – consciemment ou pas – que Moïse était destiné à diriger le troupeau de D.ieu, et donc – intentionnellement ou involontairement – l’employa de telle sorte qu’il développe ainsi ses aptitudes innées de direction et les affine en guise de préparation à son rôle futur.
Une leçon que nous pouvons en tirer est que même ceux d’entre nous qui estiment que leur statut social et leur formation intellectuelle les qualifient pour les responsabilités communautaires ne doivent pas écarter l’enseignement aux jeunes enfants, le « troupeau » de D.ieu. Nous devons négliger nos qualifications, tout comme Moïse le fit. Garder le troupeau de D.ieu est en soi la meilleure préparation pour endosser une fonction de direction.54
Moïse courut après. Quand Moïse trouva le chevreau égaré, il ne se mit pas en colère et ne le punit pas pour avoir quitté le bercail. Il comprit qu’il s’était enfui à la recherche d’eau, et non parce qu’il voulait se rebeller.
C’est ainsi que nous devons traiter notre « troupeau », nos enfants et nos étudiants. S’ils s’égarent, c’est parce qu’ils ont soif de D.ieu mais ne réalisent pas qu’ils peuvent étancher leur soif avec l’eau de la Torah. Le vrai chef est celui qui réalise la véritable raison pour laquelle les personnes à sa charge fuient, et les poursuit donc avec amour afin de les ramener au bercail.55
3:2 Le buisson ne se consumait pas. Allégoriquement, le petit buisson épineux signifie un peuple simple et sincère, tandis que les gens instruits et accomplis sont tel le prodigieux arbre fruitier. Bien que les gens simples soient inférieurs dans leurs accomplissements, leur ardent désir de D.ieu n’est jamais consumé. En ce sens, ils sont spirituellement supérieurs à ceux qui sont conscients de leurs accomplissements mais sont par là même enclins au contentement de soi.
En apparaissant à Moïse dans un buisson d’épines, D.ieu lui indiquait que, pour être un vrai guide et pour libérer son peuple, il devait reconnaître la valeur intrinsèque des gens simples. Afin de recevoir la Torah, qui lie l’homme fini à D.ieu infini, Moïse devait apprécier le désir infini de D.ieu, que seuls les gens simples montrent avec tant d’éloquence. D.ieu étant infini, peu importe notre degré d’accomplissement spirituel, car il y aura toujours pour nous des domaines inexplorés à traverser dans notre voyage vers Lui. La véritable appréciation de l’infinité de D.ieu et de sa Torah se reflète donc dans notre appréciation de la soif insatiable de D.ieu manifestée par les gens simples, et de notre désir de les imiter en ce domaine.
Moïse comprit cette allusion et se l’appliqua immédiatement. Insatisfait de tous ses accomplissements spirituels antérieurs, il fut prêt à abandonner toutes ses idées préconçues de la réalité afin de comprendre l’anomalie du buisson ardent. Il dit : « Je vais m’écarter et aller là-bas. » En réponse, « quand l’Éternel vit qu’il s’était approché pour voir, Il l’appela du sein du buisson. »56
L’aspiration implicite dans les mots « Je vais m’écarter et aller là-bas » est le fondement de toute relation avec D.ieu. Une fois que nous devenons des chercheurs spirituels, nous vivons dans un processus d’ascension sans fin : quel que soit le niveau de conscience divine que nous atteignions, nous aspirons toujours à aller plus loin. La force de cette aspiration débloque tous nos potentiels humains. Nous sommes constamment bénis d’une nouvelle perspicacité et d’une nouvelle compréhension, qui, à leur tour, nous conduisent sur le chemin dialectique d’une relation approfondie avec D.ieu.57
3:5 Ôte tes chaussures. Avant cela, Moïse avait atteint les plus hauts niveaux de conscience divine auxquels un individu peut arriver par son propre intellect. D.ieu lui disait maintenant qu’il ne pouvait atteindre l’échelon suivant de l’échelle spirituelle qu’en « ôtant ses chaussures », c’est-à-dire en enlevant son lien avec la terre – en se débarrassant des limites de la logique humaine et en s’ouvrant à l’intellect Divin. De cette façon, il serait prêt à marcher sur « la terre sainte ».58
3:15 Pour toutes les générations. Nous pouvons obtenir la miséricorde révélée de D.ieu si nous la demandons tout en étant pleinement conscients du fait qu’Il agit déjà avec miséricorde envers nous mais que notre perspective limitée ne nous permet pas de le reconnaître. Nous l’acceptons comme notre D.ieu, comme ayant Ses raisons impénétrables de nous laisser souffrir et de voir notre condition dans le contexte complet de Son omniscience. Si nous reconnaissons cela, nous pouvons alors nous tourner vers Lui et Lui demander d’agir envers nous avec une miséricorde révélée et manifeste.59
3:16 Dis-leur. Même si les Hébreux avaient sombré dans un état spirituel dangereusement bas – allant jusqu’à adorer des idoles –, D.ieu ne dit pas à Moïse de les réprimander ou de les avertir que, s’ils n’amélioraient pas leurs voies, leur exil se poursuivrait ou s’aggraverait. Au contraire, D.ieu lui ordonna de leur rappeler le mérite de leurs ancêtres et d’annoncer que, par ce mérite et celui de leur souffrance, ils étaient sur le point d’être libérés. Ce n’est que beaucoup plus tard, quand il eut une alternative pour eux – un commandement à respecter pour eux – que Moïse dit aux Juifs de cesser de servir des idoles.60
De même, le moyen le plus efficace de rapprocher le cœur de nos frères juifs de D.ieu est de leur montrer d’abord la beauté de leur héritage et de les élever avec la promesse de la Délivrance.61
4:10 Car je bégaie. Bien que Moïse ait initialement souffert d’un trouble de la parole, nous voyons que, lorsqu’il grandit dans son rôle de dirigeant, il devint le plus éloquent des orateurs. La raison en est que l’origine même de son problème de langage – son absorption intense dans sa propre recherche de D.ieu et le raffinement personnel qui en découle – l’amena au dévouement désintéressé à D.ieu et à Son peuple, et le poussa à parler quand le besoin s’en fit sentir.62
4:13 Que Tu envoies habituellement. Selon nos sages, Moïse suggérait que D.ieu envoie le Messie.63 « Pourquoi – demanda-t-il – D.ieu n’envoie-t-il pas quelqu’un qui terminera le travail ? »
Nos sages nous enseignent que, au moins allégoriquement, D.ieu acquiesça : Moïse serait à la fois le libérateur d’Égypte et le libérateur final.64 Bien que Moïse et le Messie soient deux personnes distinctes, ils ont des traits communs. Moïse, qui était principalement un enseignant, manifesta désormais sa royauté. Le Messie, qui sera principalement un roi, sera aussi un enseignant.
Normalement, ces deux traits font appel à des qualités psychologiques différentes. Pour qu’une personne enseigne, elle doit être consciente de sa supériorité sur ses élèves. Pour que quelqu’un puisse gouverner – correctement, bien entendu – il doit devenir un canal altruiste et transparent du pouvoir divin investi en lui. Moïse demanda à D.ieu de faire la synthèse de ces deux qualités.
De même, nous sommes tous des émissaires de D.ieu pour réparer notre partie du monde, et possédons donc une étincelle de Moïse65 comme du Messie.66 Afin d’accomplir notre mission, nous devons manifester à la fois l’initiative et la créativité de l’enseignant et le dévouement altruiste du roi envers sa mission.67
4:20 L’âne. La Torah prend la peine de nous dire que Moïse ramena sa famille en Égypte sur cet âne miraculeux parce que c’est ainsi que D.ieu répondit à la demande de Moïse d’envoyer quelqu’un d’autre pour libérer Israël. Comme nous l’avons vu ci-dessus, Moïse avait deux raisons à ses objections : (1) il hésitait à assumer une position plus élevée que celle de son frère aîné ; et (2) il savait que, de toute façon, il n’amènerait pas le peuple à sa Délivrance finale. Il pensait donc que l’exercice était vain.
Pour répondre à ces plaintes, D.ieu demanda à Moïse de monter sur l’âne qu’Abraham avait sellé sans délai pour accomplir son commandement, lui indiquant qu’il devait, lui aussi, accomplir le commandement de D.ieu sans hésitation. Le fait que cet âne soit également celui que le Messie montera indiquait que Moïse devait considérer la libération d’Égypte non comme une tentative manquée d’atteindre la Délivrance finale mais comme une phase nécessaire de celle-ci. De plus, en insistant sur le fait que le Messie se révélera montant spécifiquement un humble âne, D.ieu indiquait à Moïse que son humilité (en voulant s’en remettre à Aharon) faisait précisément sa qualification principale pour le rôle de libérateur.68
Le bâton de D.ieu. Même si, comme nous le verrons, Moïse accorda à Pharaon l’honneur qui lui était dû et lui parla respectueusement, il ne fit aucun compromis quant à ses exigences concernant les besoins spirituels et matériels du peuple. Il parla avec « le bâton de D.ieu dans sa main », avec autorité et détermination.
La leçon pour nous ici est que, chaque fois que nous sommes confrontés à un « roi égyptien », c’est-à-dire quelqu’un qui cherche à nous imposer les éléments d’un style de vie contraire aux valeurs et aux principes juifs – que ce soit par la gentillesse ou de force –, nous devons reconnaître le danger de succomber à une telle pression. En fin de compte, ce Pharaon nous dira de nous noyer (ou de noyer nos enfants) dans la culture matérielle. Nous devons donc insister avec respect mais avec insistance pour vivre selon les valeurs de la Torah.69
5:2 Je ne reconnais pas l’Éternel. Le Nom Divin Havayah (י-הוה) se réfère aux aspects transcendants de D.ieu, à D.ieu comme Il existe en dehors du contexte de la création. En revanche, le nom Elokim (א-להים) se rapporte aux aspects immanents de D.ieu, c’est-à-dire à D.ieu le Créateur, aux aspects de D.ieu aisément reconnaissables ou pouvant être déduits en observant la réalité créée.
Pharaon croyait en effet aux aspects immanents de D.ieu, mais il ne savait rien de Ses aspects transcendants. Il savait que D.ieu avait créé le monde et établi certaines règles en tant que lois de la nature, dont l’une est que le fort l’emporte sur le faible et le domine. Puisque les Égyptiens étaient plus forts que les Juifs, Pharaon estimait que c’était leur droit, donné par D.ieu, de régner sur eux. Il ne pouvait accepter la possibilité qu’il y ait un aspect de D.ieu qui transcende la nature, qui puisse passer outre à ses lois et déclarer que les forts devaient libérer les faibles de leur domination, même contre leur gré, tout simplement parce que c’était la bonne chose à faire.70
Une autre façon de le voir est que Pharaon était un déiste : il croyait que D.ieu avait créé le monde, mais l’avait abandonné ensuite aux forces de la nature, qui devinrent dès lors immuables.71
D.ieu envoya donc Moïse accomplir des miracles et déchaîner des plaies devant Pharaon afin de lui montrer que D.ieu n’est pas limité aux lois de la nature.72
5:3 Un voyage de trois jours. Même s’il voulait que les Juifs quittent définitivement l’Égypte, Moïse demanda à Pharaon la permission de faire un voyage de trois jours. Il le faisait afin de démontrer la cruauté de Pharaon : après 210 ans d’esclavage, il n’acceptait même pas d’accorder trois jours de vacances. Les cruelles plaies avec lesquelles D.ieu punirait les Égyptiens n’étaient donc pas excessives, elles étaient plutôt une punition appropriée à leur cruauté excessive. Même plus tard, quand Pharaon accepta de laisser partir les Hébreux, il persista à annuler sa permission. Ce n’est qu’après la dernière plaie qu’il réalisera qu’il n’a vraiment pas d’autre choix que de les laisser partir.
De plus, au sens strict Moïse ne mentait pas, puisqu’il n’avait jamais dit que le peuple reviendrait au bout de trois jours. L’idée était qu’au bout de trois jours, lui et son peuple décideraient s’ils allaient retourner. Cela explique pourquoi, quand les Égyptiens virent les Juifs prendre tous leurs biens avec eux pour cette excursion supposée de trois jours, ils ne les interrogèrent pas à ce sujet.73
5:4 Retourner à vos propres corvées. Pharaon était un homme intelligent. Il avait compris que tout peuple a besoin d’une élite qui se consacre à préserver son identité culturelle et son savoir. Il ne s’opposa donc pas à ce que Moïse et Aharon apprennent et enseignent même la Torah aux autres Juifs. Il s’opposait à leur remise en cause du statu quo, par lequel les Juifs étaient asservis parce que les Égyptiens étaient plus puissants qu’eux et que leur condamnation prononcée par D.ieu de 400 ans d’esclavage n’était pas encore achevée.
L’essence de l’exil d’Égypte, cependant, était de montrer que le peuple juif n’est pas soumis aux lois de la nature. C’est pourquoi Moïse et Aharon n’acceptèrent pas le raisonnement de Pharaon.
La leçon pour nous ici est que ceux qui ont la chance d’être relativement libres de l’asservissement culturel à la société matérialiste ne doivent jamais succomber à la complaisance. Tant qu’il y aura des gens « asservis » au matérialisme, il ne faut pas hésiter à s’opposer à la conception erronée selon laquelle la religion appartient à une élite cléricale ou ne doit être pratiquée que dans des occasions spéciales. Nous devons chercher à libérer tout le monde des liens de l’esclavage matériel et permettre à la Torah d’imprégner tous les aspects de la vie.74
5:22 Pourquoi as-Tu rendu ce peuple misérable ? Malgré leurs souffrances, les pères du peuple juif ne mirent jamais en doute la justice de D.ieu. Moïse, cependant, le fit. Ceci est dû au fait que les pères avaient un rapport à D.ieu principalement émotionnel, tandis que Moïse se liait à Lui plus intellectuellement. Bien que les émotions – l’amour, la crainte, la miséricorde, etc. – puissent être guidées par l’intellect, elles peuvent aussi l’emporter lorsqu’elles sont suffisamment puissantes. Quand une personne en aime une autre intensément, elle peut lui rester dévouée même quand cela défie la logique. De même, lorsque nous sommes émotionnellement liés à D.ieu, les anomalies dans Son comportement envers nous ne remettent pas en question notre foi en Lui ni ne l’affaiblissent.
Ainsi, même si les pères utilisaient leur intellect pour se rapprocher de D.ieu, leurs puissants liens affectifs avec Lui rendaient négligeable toute incongruité dans Son comportement envers eux. En revanche, bien que Moïse eût lui aussi des liens affectifs avec D.ieu, la prééminence de son intellect faisait de la souffrance de son peuple un problème qui devait être résolu. Tant que cela n’était pas réalisé, Moïse ne pouvait ni poursuivre sa mission Divine ni progresser dans sa relation avec D.ieu.
Comme nous le verrons, la réponse de D.ieu à la question de Moïse fut qu’il était temps pour lui d’intégrer l’émotivité des pères dans sa relation avec Lui.75
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