Vayéra – Le fondateur de la foi
La quatrième section du Livre de la Genèse poursuit la chronique d’Abraham. Le nom de cette section (Vayéra : « Il ([lui] apparut ») est son premier mot, qui évoque la révélation de Dieu à Abraham après sa circoncision. Cette révélation est suivie de la visite de trois anges venus annoncer à Abraham la naissance imminente de son fils Isaac. Nous voyons ensuite Abraham argumenter avec Dieu à propos de la destruction de Sodome et Gomorrhe, puis émigrer dans le pays des Philistins, bannir Agar et Ichmael après la naissance d’Isaac, et être finalement éprouvé quand Dieu lui donne l’ordre de sacrifier son fils.
La paracha Vayéra est la seconde des deux parachiyot consacrées exclusivement à la vie et à la destinée d’Abraham. Le fait que l’existence d’Abraham soit relatée dans deux parachiyot indique qu’elle comprend deux phases distinctes. De fait, quand on examine les événements relatés dans ces deux parachiyot, il semble qu’Abraham réitéra dans la paracha Vayéra virtuellement tout ce qu’il avait fait dans la paracha Le’h Le’ha. Les deux parachiyot s’ouvrent sur une révélation de Dieu à Abraham pour lui faire la promesse d’une progéniture ; dans les deux parachiyot, sa femme Sarah est enlevée par un roi ; dans les deux parachiyot, il met au monde un fils, bannit Agar et conclut des traités ; dans les deux parachiyot, son comportement vertueux est mis en contraste avec conduite immorale de son neveu Loth. C’est comme si Abraham devait répéter tout ce qu’il avait vécu dans sa première paracha – sa première « vie » ou son premier degré de vie –, mais à un niveau différent, afin de pénétrer ses accomplissements passés d’un degré nouveau de conscience du divin.
Comme le nom d’une paracha caractérise son essence, l’essence de chacune des deux phases de la vie d’Abraham doit se refléter dans le nom de la paracha qui décrit cette phase. L’événement qui partage la vie d’Abraham en deux périodes distinctes est sa circoncision. Cet événement est relaté tout à la fin de la paracha Le’h Le’ha, de sorte qu’Abraham ne commence sa vie de Juif circoncis que dans la paracha Vayéra. Il s’ensuit que la vie d’Abraham avant la circoncision est de l’ordre du le’h le’ha – « Va vers ton moi véritable », tandis que sa vie après la circoncision s’apparente à vayéra – « Dieu lui apparut ». Dans Le’h Le’ha, Abraham progresse de par lui-même, gravissant sans jamais faillir les degrés de l’accomplissement spirituel autant qu’il est humainement possible. Dans Vayéra, Dieu lui apparaît et le hisse à un degré de vécu spirituel qui est au-delà de la portée de l’effort humain.
Il est vrai que Dieu était apparu à Abraham trois fois dans Le’h Le’ha,1 mais ces apparitions étaient voilées et imprécises en comparaison de Son apparition dans Vayéra.2 La raison en est très simple : avant la circoncision, le progrès d’Abraham était limité par les contingences de sa nature humaine. Il pouvait aller aussi loin que son esprit et son cœur le lui permettaient, mais pas au-delà. Aussi était-il impossible pour Dieu de se révéler à Abraham de façon « directe » : Abraham ne pouvait vivre Dieu qu’à travers le prisme de sa propre nature.
Qu’y avait-il dans la circoncision pour que tout change, pour permettre à Abraham de transcender les limites de sa nature humaine et pour vivre une relation directe avec Dieu ?
La circoncision fut le premier commandement qu’Abraham observa en réponse à un ordre explicite de Dieu. La Torah et ses usages étaient connus avant même l’époque d’Abraham, et il les observait au mieux de ses possibilités. Mais cette observance était bénévole, et l’humilité qui caractérise l’obéissance d’un serviteur à son maître lui faisait défaut. C’est pourquoi Abraham ne se circoncit pas avant que Dieu ne lui en ait donné l’ordre, même si par ailleurs il observait tous les autres commandements de la Torah : ceci en raison du fait que la circoncision, à la différence de tous les autres commandements, ne peut être effectuée qu’une seule fois, et que, s’il l’avait accomplie de lui-même, il n’aurait plus jamais eu la possibilité de le faire par obéissance à un ordre explicite de Dieu.
Ainsi, en se circoncisant en réponse à un ordre explicite de Dieu, Abraham inaugura une forme entièrement nouvelle de relation avec Lui. En faisant abstraction de sa propre volonté devant celle de Dieu, Abraham atteignit un degré d’abnégation qui était hors de portée de lui auparavant. Son propre ego pouvait désormais se dissoudre et cesser de s’interposer entre, d’un côté, Dieu, et de l’autre, son propre esprit et son cœur.3
Commencez une discussion