Une année après l’autre, le roi Néboukhadnetsar (Nabuchodonosor) de Babylone entendait une voix céleste qui lui disait : « Va et détruis Jérusalem. » Mais il avait peur d’attaquer la ville sainte ; il se souvenait de la calamité qui s’était abattue sur Sennachérib, le roi d’Assyrie, aux portes de Jérusalem, quand il avait essayé de s’emparer de la ville au temps de ‘Hizkiyah, roi de Judah.

Finalement, Néboukhadnetsar s’y décida. Mais il n’osait s’attaquer lui-même à Jérusalem. Il demeura à Antioche et envoya son général en chef, Nébouzaradan mettre le siège devant la ville sainte.

Ce n’était plus, hélas ! le temps des miracles favorables aux Juifs, mais bien celui des miracles favorables à leurs ennemis. Le siège de Jérusalem par Nébouzaradan dura trois ans et demi, et il n’avait pas encore réussi à s’en emparer. Il était sur le point d’y renoncer et de rentrer dans son pays. C’est ce qui serait arrivé si les Juifs avaient compris l’avertissement et étaient revenus à D.ieu. Il n’en fut rien. Pleins d’orgueil, ils ne comptaient que sur leur force et sur la solidité des murs qui protégeaient la ville.

Alors se produisit un fait étrange. Nébouzaradan eut l’idée de mesurer la hauteur de ces murs. Chaque jour, les mensurations furent prises ; et à sa grande surprise, le général découvrit que, par un phénomène inexplicable, les murs s’enfonçaient régulièrement sous terre à raison de deux pouces et demi par jour ! Il n’y avait qu’à attendre que les murs devinssent suffisamment bas pour que ses soldats pussent les escalader sans difficulté et s’emparer de la ville. Ce qu’il fit. Et Jérusalem tomba entre ses mains.

Néboukhadnetsar donna à son général carte blanche. Il ferait ce que bon lui semblerait de la ville, du Beth Hamikdach et des habitants. Avec une réserve toutefois : contrairement au reste, le prophète Jérémie devrait être traité avec beaucoup d’égards. Trois points furent précisés par le roi à son sujet : Nébouzaradan pourvoirait à tous les besoins du prophète, il veillerait à ce qu’il ne lui fût fait aucun mal, enfin, Jérémie serait laissé libre d’agir à sa guise.

Alors que le général emmenait à Babylone les captifs juifs dont beaucoup étaient dans les chaînes, le prophète Jérémie les accompagna, pleurant avec eux la destruction de leur patrie. Il se joignait tantôt aux jeunes, leur prodiguant des encouragements et les incitant à supporter bravement leur triste sort, tantôt aux vieux, les aidant à porter les chaînes trop pesantes pour eux, et les engageant à affronter leur malheur avec dignité.

La « Chekhinah » en Exil

Nébouzaradan aperçut Jérémie marchant parmi les captifs, et il en fut surpris. Il lui dit : « Jérémie, que fais-tu parmi les captifs ? Des années durant, tu as annoncé le sort funeste où le peuple précipiterait Jérusalem. Maintenant que ta prophétie s’est réalisée, tu ne peux qu’être fier d’avoir vu juste. Ou alors tu ne croyais pas réellement qu’elle se réaliserait. Peut-être es-tu si accablé que tu te soucies peu que les événements t’aient donné raison. Ou encore, chercherais-tu à me créer des ennuis avec Néboukhadnetsar ? Car le puissant monarque de Babylone m’a ordonné de t’épargner tout mal et toute souffrance. S’il apprenait que tu partageais le sort des captifs et portais comme eux les chaînes, je ne donnerais pas cher de ma peau ! »

Jérémie posa un regard plein de tristesse sur le général babylonien qui ne pouvait comprendre ce que la destruction de Jérusalem signifiait pour les Juifs ; et moins encore que lui, l’homme de guerre victorieux, n’était qu’un instrument dans la main de D.ieu. Le prophète ne répondit pas à Nébouzaradan et continua à prendre sa part des peines de ses frères. Il y eut un temps où il fallait qu’il fît de dures remontrances à ces derniers, dans l’espoir qu’ils s’amenderaient. Mais maintenant, c’étaient de paroles de réconfort et d’encouragement dont ils avaient besoin.

Alors D.ieu dit à Jérémie : « Si tu désires accompagner tes frères dans l’exil, Je resterai avec ceux qui ne seront pas partis. Mais si tu veux rester, Je partirai, Moi, avec les exilés. »

Et Jérémie répondit : « Alors je resterai, car mon aide ne peut se comparer à la Tienne. Tu peux faire bien plus que moi pour les exilés. »

Le prophète demeura avec ceux des Juifs que Nébouzaradan avait autorisés à rester dans cette Terre Sainte qu’il avait dévastée. Mais la Gloire de D.ieu partit en « exil » avec Ses enfants.

La communauté du peuple juif prie D.ieu en ces termes : « Ramène-nous à Toi, ô Éternel, et nous reviendrons. » Et D.ieu répond : « Revenez, vous, à Moi, et Je reviendrai à vous – comme Je vous l’ai dit par la bouche de Mon prophète Malachie : Faites, vous, le premier pas. Si vous pratiquez une ouverture aussi petite que la pointe d’une aiguille, J’ouvrirai toutes grandes les portes de Mon palais pour vous. »

Et la réponse des Juifs : « Tu as détourné Ta face de nous – aussi, manifeste-nous maintenant Ta grâce ; car Ta colère a été trop grande pour nous tous. [C’est pourquoi nous prions :] Fais-nous revenir vers Toi, ô Éternel, et nous reviendrons ; donne-nous encore des jours comme ceux d’autrefois ». (Ces versets concluent le Livre des Lamentations – Meguilat Eikhah.)