Les Juifs s'étaient éloignés de D.ieu et avaient mis à une telle épreuve Sa patience qu'il décida de retirer Sa Divine Présence du Saint Temple, et jura de n'y revenir qu'à l'arrivée du Messie.

A peine l'avait-Il quitté que les ennemis des Juifs y pénétrèrent et le détruisirent. Ce fut le Tichea BeAv.

« Venez ! dit aux anges le Tout-Puissant. Allons voir ce que les ennemis ont fait à Ma Demeure. »

Quand ils virent la destruction à laquelle s'étaient livrés les ennemis, D.ieu s'écria : « C'était pour l'amour de Mon peuple élu que J'ai autorisé Ma Divine Présence à demeurer sur terre, et c'est seulement à cause de leur méchanceté que J'ai été amené à L'en soustraire et à Lui faire reprendre Sa place au ciel. Mais maintenant, que la profanation de Mon Temple par les ennemis est terrible ! Ô Mes enfants, où êtes-vous ? Mes Prêtres, que vous est-il arrivé ? Et vous, tous Mes amis, vous, les justes, qu'est-il advenu de vous ? Je vous ai tous avertis ; pourtant, vous avez choisi de suivre la voie du péché, et vous ne vous êtes pas encore repentis de vos mauvaises actions ! »

Se tournant vers le Prophète Jérémie, D.ieu dit tristement :

– Aujourd'hui Je Me sens comme celui qui aurait perdu son fils unique pendant la cérémonie même de son mariage. Ne vois-tu pas combien est tragique la situation ? Va, appelle Abraham, Isaac et Jacob de leurs tombes ! Amène aussi Moïse ! Qu'ils viennent tous et se joignent à Mon deuil !

– Mais je ne sais pas où se trouve la tombe de Moïse, Ô Maître de l'Univers ! dit Jérémie.

La Torah se mit à l'écart et refusa de porter témoignage contre les Juifs– Va et arrête-toi sur la rive du Jourdain, ordonna le Tout-Puissant. Élève la voix et appelle : « Fils d'Amram, lève-toi et regarde le désastre qui s'est abattu sur ton troupeau bien-aimé ! Vois comme ses ennemis l'ont écrasé ! »

Jérémie partit aussitôt pour la Grotte de Makhpélah, et, arrivé là, il cria :

– Abraham ! Isaac ! Jacob ! Vous êtes appelés à vous présenter devant la Divine Présence ! Levez-vous et venez !

– Pourquoi sommes-nous appelés ? demandèrent-ils.

– Je ne peux vous le dire, répondit Jérémie.

Il n'osait parler par crainte de leur blâme. S'il les mettait au courant, ils pourraient lui dire : « Certes, une telle tragédie ne pouvait arriver à nos chers enfants qu'en ton temps ! »

Jérémie les quitta, il alla sur la rive du Jourdain et appela :

– Lève-toi, Fils d'Amram, car tu dois te présenter devant la Présence Divi­ne !

Et Moïse répondit :

– Pourquoi suis-je appelé juste aujourd’hui ?

– Je ne puis te le dire, dit à nouveau Jérémie.

Moïse le quitta et alla aux renseignements auprès des Anges Officiants qu'il connaissait depuis le « Don de la Torah », et leur demanda :

– Vous qui servez le Très-Haut, peut-être pourrez-vous me dire pourquoi je suis convoqué devant la Présence du Tout-Puissant ?

Et les Anges Officiants répondirent tristement :

– Fils d'Amram ! Ne sais-tu pas que le Saint Temple a été détruit et que les Juifs connaissent maintenant l'exil?

Quand Moïse entendit ces terribles nouvelles, il se hâta vers les Patriarches et, d'une voix brisée par la tristesse, les informa de ce qui était arrivé.

Alors ils lacérèrent leurs vêtements, joignirent les mains au-dessus de leurs tête en signe de profond chagrin, et s'en allèrent pleurant et se lamentant jusqu'à ce qu'ils eussent atteint les portes du Temple.

Quand le Tout-Puissant les vit tous réunis dans cette grande détresse, Il décida que ce jour serait désormais consacré à la tristesse et au deuil.

La plaidoirie de nos pères

Puis Abraham s'avança pour plaider devant le Tout-Puissant.

– Pourquoi avoir exilé mes pauvres enfants ? commença-t-il. Pourquoi les avoir livrés aux mains de leurs ennemis qui leur font subir les plus cruelles tortures ? Et le Saint Temple qui s'élevait à l'endroit précis où je T'ai amené en offrande mon unique fils, pourquoi avoir permis qu'il fût détruit ?

A quoi le Tout-Puissant répondit :

– Tes enfants ont péché, ils ont transgressé toute la Torah et ont agi à rencontre de chacune des vingt-deux lettres avec lesquelles elle fut écrite.

Tu as écrit dans Ta Torah qu'il est défendu d'égorger un animal et son petit le même jour. Pourtant, j'ai vu tant de mères et leurs enfants tués ensemble ! L'ennemi a violé tous les principes d'humanité. Devant tous ces abus garderas-Tu le silence ?– Ô Maître du Monde ! poursuivit Abraham, où sont ceux qui peuvent témoigner que les Juifs ont transgressé la Torah ?

– Que la Torah elle-même vienne et témoigne ! dit le Tout-Puissant.

Quand la Torah parut, Abraham se tourna vers elle et dit :

– Ô, ma Fille, es-tu vraiment venue témoigner contre les Juifs ? N'as-tu pas honte d'agir ainsi devant moi ? Aurais-tu oublié le temps où D.ieu te portait de nation en nation, et où personne ne voulait de toi ? Alors D.ieu t'a emportée au Mont Sinaï où mes enfants t'attendaient et t'ont reçue avec tant d'acclamations et d'honneurs. Et maintenant, est-il possible que tu sois venue les accabler par ton témoignage alors qu'ils sont dans le malheur ?

En entendant ces paroles émouvantes, la Torah se mit à l'écart et refusa de porter témoignage contre les Juifs.

Puis, le Tout-Puissant dit :

– Que les vingt-deux lettres de l'alphabet se présentent et témoignent.

Elles arrivèrent ; la lettre Aleph s'avança. Ce voyant, Abraham s'adressa à elle en ces termes :

Aleph ! Tu es la première lettre, mais vas-tu être le premier témoin à charge des Juifs aux heures d'infortune ? Souviens-toi du jour où D.ieu apparut sur le mont Sinaï et commença les Dix Commandements par toi – « Anokhi ». Et nul ne voulut de toi, à l'exception de mes enfants ! Oseras-tu témoigner contre eux ?

La tête basse, l'Aleph se tourna de côté et refusa de témoigner.

La lettre Beth s'avança alors, et Abra­ham lui dit :

Beth ! Comment peux-tu venir porter témoignage contre les Juifs dont la Torah commence par toi avec le mot « Béréchith » ?

Le Beth suivit l'exemple de l'Aleph, fit demi-tour et refusa de témoigner. Puis vint la lettre Guimel, et Abra­ham lui dit :

Guimel ! Ne me dis pas que toi tu as réellement l'intention de témoigner contre mes enfants ! Y a-t-il une autre nation au monde qui ait suivi le précepte du port des « Tsitsit » dont le commandement commence par toi, Guimel, « Guedilim taasséh lékha » « Tu feras pour toi-même des franges ! » ?

À ces mots, le Guimel rejoignit l'Aleph et le Beth, et refusa de témoigner contre les enfants d'Israël.

Le reste de l'alphabet, qui n'avait pas perdu un mot des interpellations successives d'Abraham aux trois premières lettres, se rangea aux côtés de ces dernières et refusa de porter témoignage contre les Juifs.

Se tournant alors vers le Tout-Puissant, Abraham continua sa plaidoirie :

– Ô Maître de l'Univers ! Tu m’as donné un fils à l’âge de cent ans, et quand il a été un homme de trente-sept ans, Tu m'as demandé de Te l'offrir en sacrifice ! Parce que Tu le demandais, j'ai obéi sans protester, sans discuter, attachant moi-même ses liens, imposant silence à mes sentiments ! Peux-Tu maintenant oublier tout cela et n'avoir aucune commisération pour mes enfants ? »

À son tour Isaac s'avança et dit :

– Ô D.ieu Tout-Puissant ! Quand mon père m'a étendu sur l'Autel, j'ai présenté ma gorge au couteau ! Puis, Tu as promis de multiplier mes enfants et de les bénir ! Sûrement, Tu ne l'as pas oublié. Aussi je viens te supplier d'avoir pitié d'eux.

Après Isaac, ce fut Jacob qui s'avança et plaida en ces termes :

Si moi, qui ne suis que chair et sang, semblable à la poussière de la terre, j'ai pu résister à la jalousie à l'égard de ma sœur, combien plus devons-nous attendre de Toi, Ô D.ieu Tout-Puissant ! dit Rachel– Tu sais comme je T'ai servi pendant vingt ans alors que je travaillais pour Laban. Quand, l'ayant quitté, j'ai rencontré mon frère, le cruel Ésaü, qui voulait tuer mes enfants, j'ai risqué ma vie pour les sauver. Et maintenant, ceux-là mêmes que j'ai entourés de mes soins les plus pressants et les plus tendres sont aux mains de l'ennemi qui les conduit à la mort comme des agneaux à l'abattoir ! Tu leur manifesteras sûrement Ta miséricorde maintenant. De grâce, aie pitié d'eux !

Ce fut au tour de Moïse de parler :

– Ô Seigneur, souviens-Toi ; quel berger fidèle à son troupeau j'ai été ! Fidèle aux enfants d'Israël quarante ans durant ! Je les ai servis sans ménagement pour ma propre personne ; et pourtant, quand le jour est venu pour eux de pénétrer en Terre Promise, Tu as décrété que mes os ne reposeraient point en Terre Sainte bien-aimée. Et maintenant Tu m'as appelé pour les pleurer alors qu'ils sont dans le malheur ! Tu as écrit dans Ta Torah qu'il est défendu d'égorger un bœuf ou un mouton le même jour que leurs petits ; et pourtant, j'ai vu tant de mères et leurs enfants tués ensemble ! L'ennemi a violé tous les principes d'humanité. Devant tous ces abus garderas-Tu le silence ?

À ce moment, Rachel s'avança vivement et dit :

– Ô Père de Miséricorde, de grâce écoute-moi, je T'en supplie. Tu sais quel grand amour avait pour moi Ton serviteur Jacob ; avec quelle fidélité il a servi mon père sept années durant pour obtenir ma main ! Mais quand le temps fut venu pour lui de m'épouser, j'ai découvert que mon père avait l'intention de lui donner à ma place, sans l'en avertir, ma sœur Léah pour femme. J'ai mis Jacob au courant du subterfuge, et nous avons convenu de certains signaux qui lui permettraient de savoir que c'était bien moi qu'il épousait, alors qu'à la cérémonie nuptiale, je serais toute couverte et cachée par d'épais voiles. Cependant, en dépit du grand amour que j'avais pour Jacob, le coup qui serait porté à ma sœur et l'humiliation qui en dériverait pour elle m'ont fait réfléchir. Puis, sourde à mes propres sentiments, j'ai révélé à Léah les signaux convenus afin que Jacob ne s'aperçût point de la supercherie, et qu'à ma sœur fût épargnée la honte sous la 'Houpah. Si moi, donc, qui ne suis que chair et sang, semblable à la poussière de la terre ; si moi, pauvre petit être, j'ai pu résister à la jalousie à l'égard de ma sœur, combien plus devons-nous attendre de Toi, Ô D.ieu Tout-Puissant, en fait de clémence à l'endroit de mes enfants qui, égarés, se sont tournés vers des dieux dépourvus de toute valeur comme de toute vie. Il est impossible que Tu sois jaloux d'un tel amas d'impuissance ! Toi, si grand et éternel, si plein de miséricorde, de bonté et d'amour, comment peux-Tu abandonner ainsi ton peuple dans la désolation et l'exil ? Regarde comme l'ennemi se venge sur Tes enfants délaissés ! Ô Père de Miséricorde, sois miséricordieux !

Et Rachel, ne pouvant plus se contenir, laissa libre cours à son émotion.

Les paroles de D.ieu se firent alors réconfortantes.

« Ne pleure plus, Rachel », lui dit-Il avec douceur, « pour toi Je rétablirai Mon peuple dans son ancienne gloire. »