Lois relatives aux dommages [causés] par les biens [d’une personne] : Chapitre Quatorze

« Si un feu sort et trouve des épines, et qu’un tas de gerbes est consumé, ou la récolte sur pied ou le champ, celui qui a allumé le feu paiera l’incendie. » (Ex. 22, 5).
La responsabilité de celui qui allume un feu est engagée même s’il n’a pas l’intention de causer un dommage, parce que la tournure : « si un feu sort et trouve des épines… » laisse entendre, comme Rachi le précise, que ce qu’on lui reproche est de ne pas avoir surveillé son feu pour l’empêcher de s’étendre.
L’objet du présent chapitre est d’étudier la responsabilité de celui qui allume un feu et les mesures de sécurité qui lui incombent. (Ndt)


1. [Telle est la loi relative à] celui qui allume [un feu] dans le champ d’autrui [sans son autorisation] : si l’incendie se propage et cause un dommage, il est tenu de payer [la réparation de] l’entier dommage, ainsi qu’il est dit [Ex. 22, 5] : « Si un feu sort et trouve des épines, et qu’un tas de gerbes est consumé, ou la récolte sur pied… celui qui a allumé le feu paiera… »
Le feu est l’une des [quatre] catégories principales de dommages.

2. Quand un homme allume un feu dans son domaine, il doit [l’]éloigner suffisamment de la limite [de son champ] pour que le feu ne passe pas dans le champ d’un autre. Quelle est la mesure [minimum] de cet éloignement ? Tout dépend de la hauteur du feu.
S’il n’éloigne pas convenablement [le feu] et qu’il passe [dans le champ voisin], causant un dommage, il est tenu de payer [la réparation de] l’entier dommage.
S’il éloigne convenablement [le feu], et qu’il passe [néanmoins dans le champ voisin], causant un dommage, il est exempt : cet [accident] est un fléau du Ciel .
De même, si un feu passe au-delà d’un fleuve ou d’un canal d’une largeur de huit coudées, on est exempt.

3. Si un feu a passé un mur [et a causé des dégâts, pour déterminer la responsabilité de celui qui l’a allumé,] on procède à une estimation [en fonction] de la hauteur du mur, de la hauteur du feu, ainsi que de [la quantité de] bois ou des épines présents : si le feu n’était pas susceptible [dans pareilles conditions] de passer [le mur], il est exempt. Mais si un tel feu était susceptible de passer [le mur], il doit répondre [des dommages causés].
Dans quel cas cela s’applique-t-il ? Pour un feu perçant . Mais s’il y a une grande flamme qui monte et se courbe du fait de la hauteur de la montée de la flamme, et qu’il y ait du bois à cet endroit, aucune estimation n’est possible ; même si le feu se propage sur mille coudées, il est tenu pour responsable.

4. [Soit le cas suivant :] un incendie se déclare dans la cour d’un homme [à cause d’un feu qu’il a allumé et qu’il ne maîtrise plus] et la clôture [de la cour] s’écroule autrement que par le feu , l’incendie se propageant dans une autre cour.
[La responsabilité du propriétaire est déterminée de la manière suivante :] s’il pouvait refaire la clôture tombée [avant que le feu se propage] et ne l’a pas fait, il est tenu pour responsable. A quoi cela ressemble-t-il ? A son bœuf qui sort et cause un dommage : [le propriétaire est tenu à la réparation du dommage,] car il aurait dû le garder et il ne l’a pas fait [sa responsabilité est engagée à cause de sa négligence].

5. Celui qui « envoie un feu » dans la main d’un sourd-muet, d’un aliéné ou d’un mineur est exempt selon la loi humaine, mais doit répondre [des dommages] selon la loi du Ciel [c’est-à-dire qu’il a une obligation morale de réparer les dommages causés].
Dans quel cas cela s’applique-t-il ? S’il donne [au sourd-muet, à l’aliéné ou au mineur] une braise et que l’un d’eux l’attise [provoquant l’incendie]. [La responsabilité de celui qui la lui a confiée n’est pas engagée,] car une braise s’éteint d’ordinaire d’elle-même avant de mettre le feu [à autre chose]. Mais s’il donne [au sourd-muet, à l’aliéné ou au mineur] une flamme [une torche par exemple], il doit répondre [des dommages], car ce sont ses actes qui ont causé [indirectement l’incendie] .

6. S’il « envoie le feu » dans la main d’une personne en pleine possession de ses facultés mentales [et que cette dernière provoque un incendie], celle-ci est tenue de payer [la réparation des dommages] et celui qui a envoyé [le feu] est exempt .
De même, si l’on désigne un gardien pour garder un feu, celui-ci doit [répondre des dommages causés].

7. Si une personne apporte un feu et qu’une autre apporte [ensuite] du bois [et l’enflamme avec le feu], celle qui a apporté le bois doit répondre [des dommages causés, car sans le bois, le feu se serait éteint].
Si l’une apporte le bois et que l’autre apporte [ensuite] le feu [et enflamme le bois], celle qui a apporté le feu doit répondre [des dommages].
Si une autre personne vient et attise [le feu qui ne pouvait se propager de lui-même sans être attisé], celle-ci doit répondre [des dommages, car c’est son acte qui cause la propagation du feu, et les deux autres sont exemptes].
Si un vent qui n’est pas présent toujours attise [le feu, et que, sans le vent, le feu ne se serait pas propagé], tous [deux, celui qui a apporté le feu et celui qui a apporté le bois] sont exempts.
Si le feu est attisé par une personne ainsi que par le vent, celle-ci doit répondre [des dommages], parce qu’elle a occasionné [indirectement ce dommage, puisque sans son acte, le feu ne se serait pas propagé] ; or, quiconque occasionne [indirectement] un dommage est tenu à la réparation intégrale du dommage avec ses meilleurs biens, comme tous les auteurs de dommages.

8. Si un feu s’évade et consume du bois, [noircit] des pierres ou [abîme] la terre, celui qui a allumé le feu est tenu de payer [la réparation du dommage], ainsi qu’il est dit [Ex. 22, 5] : « [Si un feu sort] et trouve des épines […] ou le champ ».
Si le feu a consumé un tas de gerbes ou quelque chose de semblable et qu’il y eût des ustensiles cachés dans le tas de gerbes, [la règle suivante est appliquée :] si ces ustensiles étaient par exemple des instruments de battage , des instruments pour le bétail [comme un joug] ou [d’autres objets] semblables que les « hommes du champ » ont l’habitude de cacher dans un tas de gerbe, celui qui a allumé le feu est tenu de payer [les ustensiles].
[En revanche,] si ces ustensiles étaient des vêtements, des ustensiles en verre ou [d’autres objets] semblables [qui ne sont généralement pas cachés à cet endroit], il est exempt [de payer] les ustensiles .

9. Dans quel cas dit-on [que celui qui a allumé le feu est tenu de rembourser les ustensiles cachés normalement dans un tas de gerbes] ? S’il l’a allumé dans le champ d’autrui. Mais s’il l’a allumé dans son domaine et que le feu soit passé dans le champ d’autrui, il est exempt de rembourser les ustensiles cachés dans le tas de gerbes. Cela étant, le responsable doit payer la « mesure » de la place occupée par les ustensiles, [c'est-à-dire qu’]on considère comme si la place occupée par les ustensiles était pleine de gerbes de blé ou d’orge.

10. [Soit le cas suivant :] un homme allume [un feu] dans le champ d’autrui ; le feu s’évade et un tas de gerbes est consumé, alors qu’un chevreau y était attaché et qu’un esclave se trouvait à proximité [sans être toutefois attaché]. L’animal et l’esclave sont brûlés avec le tas de gerbes.
[Dans ce cas,] l’incendiaire doit répondre [du dommage matériel, c'est-à-dire rembourser le chevreau], car c’est là ce que les gens font d’ordinaire avec un tas de gerbe [il n’est toutefois pas responsable de la mort de l’esclave qui pouvait s’enfuir].
Si l’esclave était attaché au tas de gerbes et que le chevreau se trouvât à côté [sans y être attaché] et qu’ils aient brûlés avec [le tas de gerbes], le responsable est exempt [de la réparation du dommage matériel, parce qu’il est passible de mort pour avoir brûlé l’esclave].

11. Soit le cas suivant : une personne prête à une autre un emplacement ; celle-ci y fait un tas de gerbes et cache des ustensiles dans le tas. [Ensuite,] le prêteur allume [un feu] et brûle le tas de gerbes.
[Dans ce cas,] il ne doit payer que la valeur du tas de gerbe [il n’est pas tenu de rembourser les ustensiles cachés, car il n’a prêté cet emplacement que pour y faire un tas de gerbe].
[Soit encore les cas suivants :]
(a) l’un prête [à l’autre] un emplacement pour faire un tas de gerbes de blé, mais ce dernier fait un tas de gerbes d’orge [qui coûte moins cher que le blé] ;
(b) [il prête à l’autre un emplacement] pour faire un tas de gerbes d’orge, mais ce dernier fait un tas de gerbes de blé ;
(c) [il prête à l’autre un emplacement pour faire un tas de gerbes de blé et celui-ci] fait [effectivement] un tas de gerbes de blé, mais recouvre [les gerbes de blé] d’orge [si bien que le propriétaire pense qu’il n’y a que de l’orge] ;
(d) [il prête à l’autre un emplacement pour faire un tas de gerbes d’orge et celui-ci] fait [effectivement] un tas de gerbes d’orge, mais recouvre [les gerbes d’orge] de blé.
[Dans tous ces cas, si le propriétaire allume un feu et brûle le tas de gerbes,] il ne doit payer [à l’emprunteur] que la valeur [d’un tas de gerbes] d’orge.

12. Celui qui met le feu au bâtiment d’autrui doit payer tout ce qui s’y trouvait ; car c’est l’habitude des gens que de mettre tous leurs ustensiles et tous leurs effets dans les maisons. Ainsi, pour tout ce qu’il revendique, le propriétaire prête serment en tenant un objet [saint, un rouleau de la Torah] et perçoit ce qu’il réclame. Ce serment est d’ordre rabbinique, comme il sera expliqué .
[La demande du propriétaire est admise] à condition qu’il réclame [des objets] que l’on peut estimer [être siens, c'est-à-dire que sa situation financière est en rapport avec sa réclamation], ou [à condition] qu’il ait l’habitude d’avoir chez lui en dépôt ces choses qu’il réclame.

13. Si un chameau qui porte du lin passe dans le domaine public, et que son lin pénètre dans une boutique [la charge étant trop large], s’enflamme avec la lampe du boutiquier, et mette le feu à tout le bâtiment, le propriétaire du chameau est tenu pour responsable, parce qu’il a fait une charge trop [large]. [Cela s’applique] que l’animal se soit arrêté ou non.
[Si cet accident se produit dans des conditions différentes, à savoir que] le boutiquier avait placé sa lampe à l’extérieur [de sa boutique, dans le domaine public], le boutiquier est tenu pour responsable [et doit payer] même la valeur du lin [à son propriétaire], parce qu’il avait posé sa lampe à l’extérieur [ce qui est une négligence]. [Cela s’applique] même [s’il s’agit de] la lampe de ‘Hannouca [qu’il est une mitsva de mettre à l’extérieur ; il est néanmoins tenu pour responsable, parce qu’]il aurait dû s’asseoir pour [la] garder.

14. [Soit le cas d’]un homme qui penche la récolte sur pied d’un autre devant un feu jusqu’à ce qu’elle s’enflamme. Si le feu ne pouvait atteindre [la récolte] que par [l’action d’]un vent qui n’est pas courant, il est exempt selon la loi humaine, mais doit répondre [du dommage] selon la loi du Ciel .
[Nouveau cas :] un homme enfouit la récolte sur pied d’autrui dans la terre ou dans la paille [à l’approche d’un feu allumé par un tiers] ; le feu passe et consume la récolte. [Ici,] celui qui a enfoui la récolte est exempt selon la loi humaine, mais doit répondre [de la perte qu’il a causée] selon la loi du Ciel. [Cette perte résulte du fait que l’incendiaire ne sera dès lors pas tenu de réparer le dommage causé,] parce que celui qui allume un feu est exempt de [rembourser les objets ou produits] cachés [cf. supra § 9] .

15. Si un feu se propage, causant un dommage à un homme et le blessant, celui qui a allumé le feu est tenu [de réparer] les dommages [et de verser des indemnités pour] le chômage forcé, les frais médicaux, la souffrance et la honte infligée, comme s’il lui avait causé un dommage avec sa main.

En effet, bien que son feu soit « son argent » , cela est considéré comme s’il avait causé un dommage avec « ses flèches » [celui qui tire une flèche est considéré comme s’il avait causé le dommage avec son corps].
En revanche, si son animal ou sa fosse cause un dommage à un homme, il n’est tenu qu’à [la réparation du] dommage, comme nous l’avons expliqué.

16. Tous les [dommages] dérivés du feu sont considérés comme le feu [quant à la réparation].
Comment cela ? Si une personne pose une pierre, un couteau ou une charge sur son toit, et qu’ils tombent [renversés] par un vent courant et causent un dommage [en tombant] , la personne est tenue de payer [la réparation de] l’entier dommage, car tous ces [cas] et ceux qui leur ressemblent sont des dérivés [de la catégorie] du « feu ».
Et s’ils tombent par un vent qui n’est pas courant et causent un dommage, la personne [qui les a posés sur le toit] est exempte.

Fin des lois relatives aux dommages [causés] par les biens [d’une personne], avec l’aide de l’Eternel.