Il était une fois un juif très respecté, riche et pieux, qui vivait en Allemagne. Tous ses fils étaient des érudits de la Torah et des jeunes hommes accomplis. Leur père les réunit un jour et leur dit : « Je donne à chacun d’entre vous une importante somme d’argent pour vos dépenses, et je vous donne la permission de voyager dans tous les endroits que votre cœur désire. Si une femme de qualité, issue d’une famille respectable, se présente à vous, vous avez ma permission de l’épouser. Cependant, j’ai une condition : au bout de cinq ans, vous devrez tous vous réunir ici, chez moi, et je verrai ce qui s’est passé avec chacun d’entre vous. »
Ce qui fut fait.
Chacun des fils se rendit dans un endroit différent. L’un de ses fils, Reb Ye’hiel, s’en fut en Pologne. Il y épousa la vertueuse Adel, la fille du Baal Chem Tov. Comme il était originaire d’Allemagne, les ‘hassidim du Baal Chem Tov l’appelaient « le Deitschel ».
Lorsque le moment fut venu pour les fils de retourner à la maison de leur père, Reb Ye’hiel s’en fut voir le Baal Chem Tov et demander la permission de prendre congé.
« Je dois tenir la promesse que j’ai faite à mon père de revenir au bout de cinq ans », dit Reb Ye’hiel à son beau-père.
« Puisses-tu partir en paix et revenir en paix », répondit le Baal Chem Tov.
Comme c’était le début de l’été, Reb Ye’hiel demanda : « Puis-je avoir la bénédiction de revenir pour Roch Hachana ? ».
Le Baal Chem Tov resta silencieux.
De nouveau, Reb Ye’hiel demanda une bénédiction, et de nouveau le Baal Chem Tov ne répondit pas.
Reb Ye’hiel demanda une troisième fois, et lorsque le Baal Chem Tov ne répondit toujours pas, Reb Ye’hiel comprit qu’il ne serait pas à la maison pour Roch Hachana. Il mit donc un choffar dans son sac.
Lorsque les fils revinrent à la maison de leur père, celui-ci prépara un grand festin pour tous les érudits en Torah de la ville. Chacun des fils raconta ce qu’il avait acquis au cours des cinq dernières années. Lorsque ce fut le tour de Reb Ye’hiel de prendre la parole, il raconta à l’assemblée qu’il avait découvert un grand et saint homme nommé le Baal Chem Tov. Il parla longuement de la sainteté du Baal Chem Tov et de sa manière de servir D.ieu. Les érudits étaient très impressionnés, et le père de Reb Ye’hiel était particulièrement heureux et fier d’entendre son fils. Après quelques jours de visite avec leur père, tous les fils repartirent chez eux.
Alors que Reb Ye’hiel rentrait chez lui en bateau, une grande tempête se leva soudainement et le vent emporta le bateau au loin. Le matin de la veille de Roch Hachana, la tempête se calma et le bateau atteignit la terre ferme.
Ils étaient arrivés sur une grande île dont la population ne comportait aucun Juif. Reb Ye’hiel comprit que c’était la volonté de D.ieu qu’il se trouve sur cette île pour Roch Hachana, et il accepta ses épreuves avec amour. Il quitta le navire et loua une chambre dans l’une des maisons proches de l’eau, afin de pouvoir s’y immerger facilement. À l’approche du soir, Reb Ye’hiel se plongea dans l’océan, puis il commença à faire la prière du soir. À la manière du Baal Chem Tov et de ses élèves, il s’impliqua intensément dans ses prières, s’adressant à son Créateur avec des larmes de ferveur. Les passants, qui entendaient ces éclats de voix dans une langue qu’ils ne comprenaient pas, s’arrêtèrent avec étonnement. Ils pensaient que l’étranger avait perdu la tête !
Le matin, Reb Ye’hiel s’immergea de nouveau dans l’océan et se prépara pour la prière du matin. Une fois de plus, ses prières s’accompagnaient de sanglots sincères. Ensuite, il prit le choffar qu’il avait apporté et en sonna 30 coups. Il dit les versets à haute voix, s’adressant à D.ieu du plus profond de son cœur. De nouveau, les habitants s’assemblèrent devant la maison, écoutant les nouveaux sons émanant de la chambre de l’étranger fou.
Le roi de l’île, lors de sa promenade quotidienne, vit un grand groupe de personnes rassemblées près de l’eau. Il décida de voir ce qui se passait.
– Que faites-vous tous ici ?, demanda le roi.
– Un homme est venu de l’océan et réside ici, et la nuit dernière il a crié et pleuré !, répondirent les gens du peuple. Aujourd’hui, il est allé se baigner dans l’océan, et maintenant il hurle et pleure à nouveau. Et il a pris une corne et a soufflé dedans !
Le roi, qui était érudit et connaissait bien les différentes sciences et langues, comprit que cet homme n’était pas fou, comme le pensait le peuple. Il ordonna qu’on ne lui fasse pas de mal, car ce devait être sa façon de servir D.ieu. Puis il envoya son serviteur appeler Reb Ye’hiel pour qu’il vienne le voir.
Lorsque Reb Ye’hiel se présenta devant le roi, ce dernier lui demanda : « Qui es-tu et d’où viens-tu ? »
Reb Ye’hiel répondit : « Je suis un Juif du pays de Pologne, et une tempête s’est abattue sur le bateau sur lequel je voyageais, jusqu’à ce qu’il arrive sur cette île. »
– J’aimerais vous inviter dans mon palais, dit le roi. Il y a beaucoup de choses dont j’aimerais discuter avec vous.
– Ce serait un plaisir pour moi de répondre aux souhaits du roi à l’issue de ma fête, dit Ye’hiel.
Lorsqu’il se présenta devant le roi le soir suivant, ce dernier le salua joyeusement. « Je suis très impressionné par vous et votre manière dévote de prier, dit le roi. Je voudrais que vous fassiez venir 300 juifs pour qu’ils s’installent ici, dans mon royaume. »
Reb Ye’hiel lui a répondu : « Votre majesté ! Pour deux raisons, je ne peux pas le faire. Premièrement, parce que je ne suis pas un seigneur ou un dirigeant qui pourrait ordonner à mes frères juifs de quitter leurs lieux d’habitations pour venir s’installer ici. Deuxièmement, je crois que si c’était la volonté de D.ieu que les Juifs vivent dans votre pays, ils seraient amenés ici avec des chaînes de fer, même contre leur volonté ; et comme il n’y a pas de Juifs dans votre pays, ce n’est apparemment pas la volonté de D.ieu qu’ils vivent ici. »
La réponse trouva grâce aux yeux du roi, et il le laissa partir en paix.
Dès que Reb Ye’hiel en fut capable, il quitta l’île et retourna en Pologne. De retour chez lui, il alla rendre visite à son beau-père, le Baal Chem Tov.
Le Baal Chem Tov l’accueillit chaleureusement et lui dit : « Tu dois savoir que sur cette île, il y avait de nombreuses étincelles saintes qui attendaient d’être élevées, et si tu n’y étais pas allé, les Juifs auraient dû s’y rendre avec des chaînes de fer, contre leur gré. Cependant, grâce à ta présence le jour de Roch Hachana, à la puissance de tes prières et à ton intense concentration, tu as réussi à élever toutes ces étincelles vers leur source céleste. Il n’est plus nécessaire que les Juifs soient sur place pour élever les étincelles de sainteté, car elles ont toutes été élevées par toi. Jusqu’à la venue de Machia’h, aucun Juif ne vivra sur cette île. »
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