Rabbi Israël Baal Chem Tov a pénétré dans un monde froid et sombre pour y allumer un feu. Il enseigna que même l’âme la plus simple peut se lier au Créateur Infini avec amour et joie. Ses histoires et ses enseignements vibrent de vitalité, infusant les gestes quotidiens de couleurs éclatantes et d’une énergie irrépressible.
Voici une sélection d’enseignements du Baal Chem Tov, tirée de deux anthologies classiques et présentée en français moderne, concernant le besoin de célébrer la vie, présentant des stratégies pour surmonter la tristesse, et pour remplir tout ce que vous faites de joie.
Préface : La révolution joyeuse du Baal Chem Tov
À quoi ressemblait le monde juif lorsque le Baal Chem Tov apparut sur la scène ?
L’écho de la terreur des massacres perpétrés par les Cosaques et les Tatars en 1648-49, ayant anéanti des communautés entières, résonnait encore à travers la Pologne juive. La grande déception du faux messie Shabbataï Tzvi avait plongé de nombreux Juifs fidèles dans le désarroi et le désespoir.
Les fondements de la vie juive avaient été corrompus, car les princes polonais vendaient régulièrement le poste de rabbin de communauté à des personnages indignes, ridiculisant la fonction. Un schisme s’était formé entre ceux qui pouvaient se permettre l’érudition talmudique et ceux qui, dans leur lutte pour survivre, n’avaient ni le temps ni la tête pour les livres et l’étude.
Les sermons que l’on pouvait entendre à cette époque étaient particulièrement démoralisants. Certains prédicateurs, obsédés par les thèmes de la culpabilité, du châtiment et du désespoir réprimandaient leurs fidèles pour des choses pour lesquelles ils n’avaient aucune obligation, et qu’il eut de toute façon été totalement déraisonnable d’attendre de leur part.
Si vous vivez assez longtemps avec quelque chose, vous commencez à croire qu’elle fait partie de votre famille. Il en allait ainsi de la misère : les Juifs en étaient venus à percevoir la tristesse comme un signe de piété et une obligation religieuse. La combattre n’était pas seulement futile, mais carrément hérétique, car toute trace de joie était suspecte de péché.1
Et voilà qu’un prédicateur itinérant se tenait sur une caisse dans la place du village, vantant les vertus du simple Juif, décrivant l’amour intarissable de D.ieu pour chacun et chacune « comme un père aimerait un enfant unique né dans sa vieillesse », racontant des histoires de gens simples comme eux-mêmes et citant des passages du Talmud pour élever l’esprit des gens et insuffler de la joie dans leurs âmes. Un puissant soulèvement avait jailli, celui du ‘Hassidisme, qui allait à jamais transformer le paysage juif.
Le retour à la joie initié par le Baal Chem Tov
Ce n’est pas que le Baal Chem Tov ait introduit la joie dans le judaïsme. Le fléau représenté par ces prédicateurs de feu et de soufre constituait l’anomalie ; le Baal Chem Tov renouait avec la tradition. Le Livre des Psaumes, en plus de ses lamentations amères, regorge de chants explosifs, souvent euphoriques, nous exhortant « servez D.ieu avec joie ! ». Le Talmud loue ceux qui accomplissent les mitsvas avec joie, nous informant que la prière et l’étude sont censées être des activités joyeuses. Rabbi Yehouda Halevi, Maïmonide, Ba’hya ben Asher traitent considèrent tous la joie comme étant un service divin, voire un service divin vital.
Pour le Baal Chem Tov cependant, la joie transcendait le simple détail de la vie juive ; elle constituait un chemin à part entière : la clé et l’axe central.
Fidèle à son principe directeur selon lequel D.ieu est omniprésent et se révèle en toute chose, il enseignait que chaque événement vécu par une personne, tout ce qu’elle voit ou entend, constitue une occasion de connaître le Créateur et de Le servir. Il n’existe aucun moment, aucune circonstance ou lieu où la connexion à l’Infini ne serait pas possible. Et si tel est le cas, il n’y a aucune excuse à aucun moment pour ne pas être joyeux, puisque la joie est la clé de tout service divin.
Le plus fascinant, peut-être : le Chem Tov percevait la joie comme un moyen de réparer le monde, comme une clé vers la rédemption.
Le Baal Chem Tov et la Joie comme Tikoun
Le Baal Chem Tov et ses disciples étaient non seulement des érudits du Talmud mais aussi de la Kabbale, notamment celle de l’Ari, Rabbi Isaac Louria,2 à l’instar de la majorité des savants juifs de leur époque. En un sens, ils ne faisaient que tirer à sa conclusion logique la révolution que l’Ari avait commencée un siècle et demi plus tôt.
L’Ari avait décrit en détail comment chaque mitsva de la Torah répare et améliore le monde.
Les troubles, la douleur, les décrets maléfiques, tout ce qui est laid et mauvais dans ce monde, sont tous des conséquences de constrictions de la lumière. Le mal est une sorte d’épiphénomène existant uniquement en conséquence de la catastrophe pré-cosmique que fut le brisement de Tohu : puisqu’une étincelle de bien est tombée, elle a été coupée de son origine, permettant à sa lumière d’être déformée et même emprisonnée dans une enveloppe extérieure grossière.
De même que la maladie résulte d’une constriction du flux vital d’un organe à l’autre, de la même manière, tous les maux, douleurs, décrets maléfiques et laideurs de ce monde découlent d’une restriction de l’énergie divine qui anime toute chose. (En termes kabbalistiques, ceux-ci sont appelés jugements.)
Le remède est donc de rattacher l’étincelle tombée à son origine. Selon un adage kabbalistique, « les jugements ne peuvent être adoucis qu’à leur source ». C’est à la Torah de nous guider pour trouver cette origine et nous fournir un moyen d’effectuer la réunion.
Le Baal Chem Tov a trouvé cette connexion dans la joie : trouver la beauté dans la laideur, l’étincelle de lumière derrière l’obscurité, l’intention bienveillante du Créateur derrière toute circonstance qui vous perturbe, et la célébrer. La célébration en elle-même libère l’étincelle divine et la réintègre à son origine. Reconnecté, le mal est adouci et transformé.
En vérité, le Zohar dit tout :
Viens et vois : Le Monde Inférieur est toujours prêt à recevoir, et est appelé une pierre précieuse. Le Monde Supérieur ne peut fournir au Monde Inférieur qu’en fonction de son état. S’il brille d’en bas, de la même manière il est illuminé d’en haut ; mais s’il se complait dans la tristesse, il reçoit en retour le jugement.
De même, il est écrit, « Servez D.ieu avec joie ! » – car la joie humaine attire une autre joie suprême. Ainsi, tout comme le Monde Inférieur est couronné, ainsi il attire d’en haut.3
La joie des ‘Hassidim, donc, n’est pas une joie naïve, ni l’enthousiasme étourdi et débridé d’un fanatique déchaîné. C’est une joie avec un but : parce que nous voyons ce qui est brisé, nous cherchons la clé pour le guérir. Et le tour de cette clé est la joie sincère dans nos cœurs.
Dans une lettre célèbre adressée à son beau-frère, le Baal Chem Tov relate son ascension vers le plus élevé des royaumes célestes, la demeure du Messie. Il demanda : « Maître, quand arriveras-tu ? » La fut : « Quand tes sources se répandront à l’extérieur, et que les gens communs feront des yi’houdim tout comme toi tu le fais. »
Par notre joie et notre célébration, nous réalisons cette destinée.
Dix-huit joyeux enseignements
du Baal Chem Tov
Un : Avoir confiance et célébrer
Considérez que le Créateur, dont la gloire remplit la terre, Lui et Sa présence sont continuellement avec vous. C’est la plus subtile de toutes les expériences.
Dites-vous : « Il est le maître de tout ce qui se passe dans le monde. Il peut faire tout ce que je désire. Et cela n’a donc aucun sens que je place ma confiance en quoi que ce soit d’autre que Lui, béni soit-Il. »
Réjouissez-vous constamment. Réfléchissez et croyez avec une foi absolue que la Présence Divine est avec vous et vous protège ; que vous êtes lié au Créateur et que le Créateur est lié à vous, à chacun de vos membres et à chacune de vos facultés ; que votre attention est concentrée sur le Créateur et que l’attention du Créateur est concentrée sur vous.
Et le Créateur peut faire ce qu’Il veut. S’Il le désirait, Il pourrait anéantir tous les mondes en un seul instant et les recréer tous en un seul instant. En Lui sont enracinés toute la bonté et tous les jugements sévères dans le monde. Car le courant de Son énergie traverse chaque chose.
Et vous dites : « Quant à moi, je ne m’appuie sur rien ni qui que ce soit et je ne crains rien ni qui que ce soit d’autre que Lui, béni soit-Il. »
– Tsavaat Harivash 137
Deux : Sincérité, immersion et joie
Par-dessus tout, veillez constamment à servir votre Créateur sans aucune arrière-pensée. Atteindre une telle pureté de sincérité exige une grande finesse d’esprit. Elle est si profonde, si profonde, qui peut la trouver ? Ceci requiert une vigilance de tous les instants. Gardez votre esprit à l’écart de toute distraction, fût-elle momentanée.
En second lieu, prêtez une attention particulière à l’immersion dans le mikvé lors de tous les moments prescrits. Durant l’immersion, focalisez-vous sur les méditations spécifiques à cette pratique.
Il est dit qu’un fil composé de trois brins ne se brise pas aisément.4 Ce fil s’achève par un dernier élément : fuyez la tristesse. Laissez votre cœur se réjouir en D.ieu.
– Tsavaat Harivash 15
Trois : Le salut par la célébration
Selon une tradition du Baal Chem Tov :
Célébrer en anticipation de l’intervention divine en votre faveur constitue en soi le remède.
– Keter Chem Tov, Appendice, n° 234.
Quatre : L’allégresse dans l’étude
Abordez l’étude avec dynamisme et une profonde allégresse. Cela atténuera les pensées intrusives.
– Tsavaat Harivash 51
Cinq : Révérence et joie
Servez D.ieu avec révérence et avec joie. Ce sont deux compagnons inséparables, se complétant mutuellement, que ne doivent jamais être séparés.
La révérence teintée de tristesse adopte une attitude sombre. Il n’est pas bon de se tourmenter quant à la façon dont vous servez D.ieu.
Au contraire, cultivez constamment la joie. Quelles que soient les circonstances, vous devez persévérer dans Son service. Ne gaspillez pas votre temps à vous préoccuper du comment et du quoi.
– Tsavaat Harivash 110
Six : La récompense ultime
Dans les Maximes des Pères, il est enseigné que « la récompense d’une mitsva est une mitsva ».
Cela signifie qu’aucune récompense n’est plus grande que le plaisir tiré de l’accomplissement joyeux d’une mitsva. Le plaisir procuré par une mitsva accomplie avec joie est tel que, même en l’absence de toute autre récompense, cela suffirait.
Pourtant, en réalité, au-delà de ce plaisir, une récompense sans limites est promise pour chaque mitsva accomplie avec joie.
– Keter Chem Tov 129.
Sept : Le joyeux ascète
Imaginons qu’une lubie vous vienne à l’esprit, un désir pour quelque chose de ce monde.
Détournez votre esprit de cette pensée. Rejetez ce désir jusqu’à ce qu’il vous devienne odieux et répugnant. Mettez votre bon penchant en colère contre votre mauvais penchant et contre ce désir, et surmontez-le ainsi.
Cependant, ne permettez pas à ce désir inassouvi de vous plonger dans la tristesse. Au contraire, célébrez le privilège de pouvoir dompter vos désirs pour l’honneur du Créateur, béni soit-Il !
Voilà une façon de saisir le sens des paroles de nos rabbins lorsqu’ils évoquaient « ceux qui trouvent de la joie dans leurs souffrances ».
– Tsavaat Harivash 9
Huit : Mieux vaut être joyeux que rigoureux
Ne vous laissez pas submerger par l’excès de détails dans tout ce que vous entreprenez. C’est l’expression de votre mauvais penchant, qui œuvre contre vous. Il vise à vous tourmenter en affirmant que vous n’avez pas rempli votre obligation, dans le seul but de vous plonger dans la tristesse. La tristesse est une mauvaise attitude ; elle est le principal obstacle au service du Créateur, béni soit-Il.
Même en cas de faute, ne vous morfondez pas dans le désespoir. Cela détruirait tout ce que vous avez accompli jusqu’à présent, vous rendant une proie facile pour le mauvais penchant, puisque vous vous considérez de toute façon comme une cause perdue. Votre service divin s’effondrerait.
Soyez simplement attristé par le péché, éprouvez de la honte devant le Créateur et suppliez-Le de pardonner le mal commis. Et puis recommencez à vous réjouir dans le Créateur, béni soit-Il, puisque vous regrettez sincèrement vos actes et êtes résolu à ne plus jamais commettre de telles erreurs.
Même si vous êtes certain de n’avoir pas rempli votre devoir dans un domaine spécifique, en raison des nombreux obstacles rencontrés, ne laissez pas cela vous décourager. Gardez à l’esprit que le Créateur, béni soit-Il, scrute tous les cœurs et les profondeurs de l’être. Il sait que vous vouliez faire les choses du mieux possible, mais que vous n’en étiez pas capable. Puis, fortifiez-vous dans la joie avec le Créateur, béni soit-Il.
– Tsavaat Harivash 46
Neuf : Mieux vaut être intelligent que triste
Il arrive que le mauvais penchant tente de vous induire en erreur, vous faisant croire à une grave transgression alors que vous avez simplement omis un détail mineur, ou peut-être même n’avez commis aucune faute. Quelle est son intention ? Vous plonger dans le désespoir, de sorte que, dans votre détresse, vous cessiez de servir votre Créateur.
Restez vigilant face à cette ruse. Répondez à ce penchant en disant : « Je ne vais accorder aucune importance à ce détail supplémentaire dont tu fais mention. Je connais ton intention : m’empêcher de servir mon Créateur, béni soit-Il. Je sais que tu mens. Même s’il existe une faute mineure, mon Créateur se réjouira davantage si j’ignore cette subtilité – que tu utilises pour me démoraliser dans mon service – et si je continue à Le servir avec joie. »
« Après tout, je ne fais pas cela pour mon propre bénéfice, mais pour Lui faire plaisir, béni soit-Il. Alors, quand j’ignore ce détail que tu soulignes, mon Créateur ne s’en souciera pas – puisque je l’ignore seulement pour pouvoir continuer à Le servir ! Comment pourrais-je perdre ne serait-ce qu’un moment de Son service ?! »
C’est un principe de base dans le service du Créateur, béni soit-Il : fuyez la tristesse autant que possible.
– Tsavaat Harivash 44
Dix : Mauvaises larmes et bonnes larmes
Pleurer est très mauvais ; on doit servir D.ieu dans la joie.
L’unique exception concerne les larmes de joie que l’on verse en se sentant uni à D.ieu.
Dans ce cas, c’est très bien.
– Tsavaat Harivash 45.
Onze : En toutes manières
Servez D.ieu, qu’Il soit béni, de tout votre être. Tout est au service du Très-Haut, car D.ieu souhaite être servi de toutes les façons possibles.
Laissez-moi illustrer ce que je veux dire : Parfois, vous pouvez avoir besoin d’aller parler avec d’autres personnes, de sorte qu’à ce moment-là, vous ne pouvez pas étudier. Alors, comment servez-vous D.ieu à ce moment-là ? Car vos pensées doivent demeurer en lien avec D.ieu, qu’Il soit béni, et ainsi créer des unions célestes par votre méditation.
De la même manière, lorsque vous êtes en voyage et incapable de prier ou d’étudier comme à votre habitude, vous devez alors Le servir d’une autre façon.
Ne vous laissez pas accabler par de telles situations. D.ieu, qu’Il soit béni, souhaite que vous Le serviez selon toutes les modalités possibles – tantôt d’une façon, tantôt d’une autre. C’est la raison pour laquelle vous vous trouvez dans une situation nécessitant de voyager ou de dialoguer avec autrui : de sorte que vous puissiez Le servir à ce moment d’une façon inédite.
– Tsavaat Harivash 3
Douze : Demandez avec joie
Une prière exprimée avec grande joie est assurément mieux accueillie par D.ieu qu’une prière empreinte de tristesse et de larmes.
Une parabole pour cela : Un indigent présente ses demandes à un roi de chair et de sang en versant des larmes théâtrales. Cependant, le roi ne lui octroie qu’une modeste part.
Mais quand un des intendants du roi se tient devant lui, il fait l’éloge du roi avec éloquence et exubérance. Ensuite, au cœur de ces louanges, il glisse sa requête. À celui-là, le roi fait don d’un présent des plus généreux, comme il sied à sa noblesse.
– Tsavaat Harivash 107
Treize : D.ieu dans vos mots
Lorsque vous priez, imaginez que D.ieu imprègne les lettres des prières.
En effet, les mots habillent les pensées. Tout comme de beaux vêtements mettent en valeur la beauté intérieure d’une personne, ainsi des mots bien choisis mettent en lumière vos pensées profondes. Ils émergent de votre monde personnel vers le monde révélé. De la même manière, les mots de votre prière constituent le même type de vêtement pour la présence de D.ieu.
Dans cette optique, pensez : « C’est un grand roi pour qui je confectionne des vêtements ! Je devrais donc le faire avec joie ! »
Investissez toute votre énergie dans ces mots, car c’est ainsi que vous réaliserez l’unité avec Lui. Votre énergie résidant dans l’articulation de chaque lettre, et D.ieu habitant chaque lettre, vous fusionnez ainsi avec Lui.
– Tsavaat Harivash 108
Quatorze : Priez avec joie
Il a été dit à Noé : « Fais un tsohar pour l’arche ». Arche en hébreu se dit téva, qui signifie aussi « un mot ». Un tsohar désigne quelque chose qui rayonne. Ainsi, le verset pourrait se traduire par : « Fais rayonner chaque mot que tu prononces ».
L’arche avait un étage inférieur, un second étage et un étage supérieur. Ils correspondent aux trois niveaux des Mondes, des Âmes et de la Divinité – les trois plans de réalité dont parle le Zohar.
De même, dans chaque lettre de chaque mot, il y a un aspect qui relève du monde, une âme et de la Divinité. La dimension mondaine constitue sa manifestation extérieure, à travers le son et la forme de la lettre ; la Divinité est son énergie intérieure, sans limites ; et son âme est ce qui amène cette énergie sans limites et cette forme extérieure à s’unir. En prononçant ces mots dans votre prière, ces trois aspects s’élèvent, se lient et s’unissent entre eux ainsi qu’avec la Divinité transcendante.
Cela concerne uniquement les lettres. Au-delà de cela, les lettres se lient pour former des mots, créant de véritables unions avec la Divinité. Au fur et à mesure que cela se produit, vous devez engager votre propre âme à chaque étape, de sorte que tous les mondes s’unissent en un seul et s’élèvent ensemble, provoquant une grande joie et un plaisir incommensurable.
Vous devez écouter chaque mot que vous dites, car la Chekhina, la Présence Divine, parle. La Chekhina, voyez-vous, se rapporte au monde de la parole. C’est l’aspect féminin de D.ieu, pour ainsi dire – comme si D.ieu se parlait à Lui-même de l’intérieur de Son monde.
Cependant, cela n’est vrai que si chaque mot possède un tsohar – lorsque les mots émergent en brillant parce que vous les prononcez pour faire plaisir à votre Créateur.
Prononcer les mots avec une joie telle que la Chekhina s’exprime à travers eux exige une foi profonde. Mais celui qui ne les prononce pas de cette manière est appelé un « râleur qui aliène le Maître de l’Univers » – à D.ieu ne plaise.
– Tsavaat Harivash 75
Quinze : Les deux bouffons
Le Talmud relate l’histoire de Rabbi Beroka, qui se trouvait avec le prophète Élie sur le marché et lui demanda : « Y a-t-il quelqu’un ici qui appartient au Monde à Venir ? »
Élie désigna deux frères. Rabbi Beroka courut après les deux frères et leur demanda quelle était leur activité.
Ils répondirent : « Nous sommes bouffons. Nous donnons le sourire aux personnes tristes. Lorsque nous voyons deux personnes se disputer, nous utilisons l’humour pour rétablir la paix entre elles. »
Cette histoire laissa le Baal Chem Tov perplexe, qui demanda alors des éclaircissements. Voici ce qu’on lui dit :
Ces deux bouffons avaient la capacité de connecter chaque aspect observé chez une personne à son origine dans le monde supérieur. En faisant cela, tout décret céleste sévère sur cette personne était automatiquement annulé.
Cependant, si quelqu’un était accablé par la tristesse, ils ne parvenaient pas à établir cette connexion. Alors, ils le réjouissaient avec quelques mots d’humour, jusqu’à ce qu’ils puissent établir toutes les connexions nécessaires.
– Keter Chem Tov 272
Seize : La joie adoucit le jugement
Il y a des anges qui ne chantent leur chant qu’une seule fois tous les sept ans. D’autres, seulement une fois tous les cinquante ans, ou même une fois tous les mille ans. Tout ce qu’ils disent est bref et concis. Certains disent : « Saint ! » D’autres disent : « Béni ! » Certains disent un seul verset – il est dit de certains anges que chacun dit un verset du chapitre des Psaumes qui commence par : « Rendez grâce à D.ieu car Il est bon. »
Cependant, nous Juifs, avons le privilège de prononcer des louanges à tout moment ou saison, et d’étendre les louanges, les chants et les hymnes autant que nous le souhaitons.
La meilleure manière de saisir cela est à travers une parabole, celle d’un roi devant qui tous ses serviteurs et officiers viennent réciter des hymnes de louange. Chacun dispose d’un temps limité pour exprimer sa louange, en fonction de sa position et de son importance.
Toutefois, cela n’est le cas que lorsque le roi est de bonne humeur. Lorsque le roi est contrarié et en colère, alors tous ont peur de lui offrir la moindre louange, comme il est écrit : « Pourquoi louez-vous le roi au moment de la fureur ? »
C’est pourquoi, par crainte que le roi ne soit, à D.ieu ne plaise, pas de la meilleure humeur, ou qu’il soit en colère à cause de ceci ou cela, ils ont l’habitude d’être aussi brefs que possible en tout temps, et de prendre rapidement congé.
Cependant, quand l’enfant chéri et précieux du roi fait son entrée, il n’éprouve aucune de ces inquiétudes. Car même si le roi est dans un état de colère, la simple vue de son précieux enfant lui apporte joie et délice. La colère se dissipe d’elle-même, et évidemment ne revient jamais, tout le temps que son fils se tient devant lui, comme il en est de la nature humaine. L’enfant, donc, n’a aucune inquiétude, et entre quand il le souhaite et exprime des louanges sans fin, car il sait que cela apporte au roi, son père, joie et délice.
Pourquoi en est-il ainsi ? Comment se fait-il que la colère et la fureur s’évanouissent à l’arrivée de la joie et de l’amour ? Où vont-elles ? Certes, telle est la nature humaine, mais nous devons néanmoins essayer de comprendre comment et pourquoi.
Mais tel est le pouvoir de l’amour et de la joie : lorsque ceux-ci dominent, ils font que la colère et la fureur s’élèvent jusqu’à leur racine. Cela fait partie de la connaissance secrète, que ces forces de colère et de jugement strict ne sont adoucies que lorsqu’elles atteignent leur origine, car dans l’origine, tout n’est que pure bonté. Il en ressort que la colère et la fureur sont guéries et adoucies par l’amour et la joie.
– Tsavaat Harivash 132
Dix-sept : Accueillir la douleur avec joie
Mon maître, le Baal Chem Tov, nous posa la question suivante :
D.ieu nous commande dans Sa Torah de L’aimer. Quel bénéfice peut-Il tirer de notre amour, nous qui sommes de simples créatures ? Si vous aviez de l’amour pour un grand et puissant roi, quelle différence cela ferait-il pour le roi ?
Puis j’ai entendu de lui cette explication merveilleuse : La présence de souffrance et de tribulations dans ce monde s’explique par sa création à travers un attribut de jugement strict, c’est-à-dire par une restriction de lumière appelée tsimtsoum. Ainsi, ces épreuves agissent tel un corps pour l’âme et la vie spirituelle qu’elles contiennent, limitant l’expression de cette lumière à l’instar de la manière dont le corps limite l’âme.
En acceptant cette souffrance avec l’énergie spirituelle de l’amour et de la joie, vous rapprochez, liez et unifiez le corps à l’âme – c’est-à-dire l’affliction physique à cette spiritualité intérieure – et de cette manière, l’épreuve disparaît.
D’un autre côté, si, à D.ieu ne plaise, vous faites le contraire, vous éloignez le corps de cette énergie spirituelle, causant une restriction encore plus grande.
C’est pourquoi la Torah nous offre un précieux conseil : Aime l’Éternel ton D.ieu. Le nom signifiant « l’Éternel » [YHVH] est un nom de compassion, tandis que le nom signifiant « D.ieu » [Elokim] est celui d’un jugement strict. Donc, l’affirmation signifie que par votre acte d’amour, en acceptant la souffrance avec joie, vous rapprochez le nom de D.ieu de jugement de Son nom de compassion, comme le corps est rapproché de l’âme, permettant à sa lumière de briller.
Méditez sur cela. Comme les paroles des sages sont savoureuses !
– Keter Chem Tov 412 ; tiré de Toldot Yaakov Yossef, p. 630b
Dix-huit : Un remède doux comme le miel
Le Baal Chem Tov enseignait qu’à chaque parole prononcée, nous devrions viser à soumettre, distinguer et adoucir. Rabbi Na’hman de Horodenka expliquait :
Cela signifie renoncer à une approche sévère, qui cherche les défauts chez autrui, au profit d’une attitude empreinte de compassion, à la recherche du positif.
Même si vous voyez quelque chose de répugnant chez une autre personne, vous devez réaliser que cela aussi est pour le bien – votre propre bien. Le simple fait que vous l’ayez remarqué démontre qu’il y a une trace de ce trait méprisable en vous également. Maintenant, vous pouvez vous repentir même de la pensée de celui-ci.
Si tel est le cas, tout cela est pour votre propre bien : si vous étiez seul au monde, vous penseriez que vous êtes pieux. Maintenant que vous voyez ces défauts chez quelqu’un d’autre, vous êtes capable de réaliser qu’ils sont en vous également.
Rabbi Yaakov Yossef de Polnoye commentait : Il me semble que c’est l’un des sens du verset, « Il n’est pas bon que l’homme soit seul » – car alors il ne reconnaîtrait jamais ses défauts. Par conséquent, « Je lui ferai une aide contre lui » — signifiant que D.ieu nous procure d’autres personnes qui s’opposent à nous, afin que nous puissions voir que nous avons une trace de tout mal que nous voyons en eux.
Par conséquent, si vous avez un mauvais voisin qui vous dérange dans votre prière ou dans votre étude de la Torah, ou si vous êtes dérangé par n’importe quoi d’autre, parlez à votre cœur, en disant : « Ceci est pour mon bien. Certainement mes intentions n’étaient pas assez sincères. Cette perturbation m’a été envoyée pour me fournir cette prise de conscience et me pousser vers une plus grande sincérité. »
D’autres exemples existent, et chaque sage devrait les écouter et y ajouter ses propres enseignements.
L’essentiel est de comprendre que D.ieu se trouve en tout lieu et dans toutes vos activités. En pensant de cette manière, vous serez capable de reconnaître l’implication du Créateur, béni soit-Il, dans chaque incident de la vie – tout comme dans vos études et dans votre prière…
L’essentiel est de délaisser la tristesse pour embrasser la joie. Notre maître, R. Na’hman de Horodenka, m’a parlé du rêve qu’il a eu lorsqu’il était en Terre d’Israël. Il était inquiet de retourner en Diaspora pour des raisons qui lui étaient propres. Mais ensuite, il eut une vision dans un rêve. Il lui fut dit que, bien qu’il y ait de nombreux médecins qui soignent leurs patients avec des potions amères, le meilleur médecin guérit par un remède doux comme le miel.
C’est exactement ce dont nous parlions : le jeûne, la mortification et se soumettre à la pression d’une étude incessante engendrent la tristesse et l’on tombe dans le piège de trouver des défauts chez tous les autres qui, au lieu de se comporter comme vous, abandonnent l’opportunité de la vie éternelle pour la vie transitoire du monde matériel. Pensez à l’histoire de Rabbi Shimon bar Yo’haï et de son fils lorsqu’ils ont quitté la grotte, tel que relaté dans le Talmud, de sorte qu’une voix céleste dut leur intimer : « Retournez dans votre grotte ! » C’est là un médicament aux eaux amères.
Et puis il y a l’autre forme de guérison, où même en remarquant les défauts d’un autre, vous réalisez que c’est pour votre propre amélioration. C’est une guérison douce comme le miel, éveillant la compassion pour le monde et pour chaque personne. Elle découle de la prise de conscience que D.ieu est dans chaque chose particulière.
Maintenant, vous avez un médicament indolore, un chemin pour vous-même qui est à la fois délicieux et aromatique.
Que les paroles des sages sont savoureuses !
– Keter Chem Tov 302 ; tiré de Toldot Yaakov Yossef, p. 731b