« Il me faut un rabbin ! J’ai besoin d’un rabbin tout de suite, aidez-moi ! »
Ce cri choquant et retentissant brisa le calme qui régnait alors dans la synagogue.
Les 30 premiers coups de shofar avaient été sonnés, et la communauté était en pleine contemplation silencieuse, murmurant les mots ancestraux de la prière qui est au cœur de l’office de Roch Hachana, le Moussaf – la prière supplémentaire qui commémore le sacrifice supplémentaire offert le Chabbat et les jours de fête à l’époque où le Saint Temple se tenait à Jérusalem.
Le cri retentissant brisa le calmeC’était le 15 septembre 1958, le premier jour des deux jours de la fête de Roch Hachana.
Un homme à l’air paniqué, brisé, courbé, son corps tremblant sous l’effet de sanglots profonds, cachait son visage dans ses mains et murmurait les mots, encore et encore, complètement inconscient des fidèles qui le regardaient choqués. Bien qu’il fut profondément immergé dans la prière de ce saint jour, mon père, le Rav Dovid Schochet, ferma son Ma’hzor et se leva pour apaiser la douleur d’un Juif en crise.
Mon père était alors un jeune rabbin de 26 ans qui avait été envoyé immédiatement après son mariage comme émissaire du Rabbi de Loubavitch pour renforcer la vie juive à Toronto. Avec une tendre compassion, mon père guida l’homme vers une chaise et l’incita à s’asseoir avant de lui verser un verre d’eau.
Des larmes jaillirent des yeux de l’homme alors qu’il révélait son histoire. Sa bien-aimée était soudainement tombée gravement malade et son état s’était rapidement détérioré au point que les médecins s’étaient déclarés impuissants à la sauver. Elle mourrait dans 48 heures.
« Rabbin, aidez-moi s’il vous plaît. Que dois-je faire maintenant ? » L’homme expliqua que bien qu’il ne fût pas membre d’une communauté juive particulière, il vivait à proximité du centre ‘Habad et passait souvent devant, ajoutant qu’il était venu directement de la chambre d’hôpital de sa femme pour demander au rabbin de le guider dans cette épreuve.
Au cours de leur conversation, mon père expliqua à l’homme dévasté qu’une manière très significative de commémorer les morts était de réciter le Kaddish des endeuillés. Cette prière vieille de 2000 ans est dédiée à la louange de D.ieu et est récitée lors des prières quotidiennes du matin, de l’après-midi et du soir en présence d’un minyane pendant 11 mois.
« Traditionnellement, ce sont les enfants qui récitent le Kaddish pour leurs parents. Avez-vous peut-être un fils qui puisse honorer votre femme de cette manière ? » demanda mon père, bien que l’homme ne semblât pas assez âgé pour avoir un enfant capable de remplir ce devoir.
« J’ai une petite fille de 18 mois », dit l’homme. « Mais je le ferai. Je rendrai hommage à ma femme, l’amour de ma vie ! Bien que je n’aie jamais fréquenté une synagogue auparavant, même pendant les Fêtes Solennelles, je m’engage à faire ce que je dois faire ! »
Mon père expliqua que cela impliquerait de mettre les téfiline chaque matin et de prier trois fois par jour avec la congrégation dans la synagogue.
« Je comprends parfaitement. Ici et maintenant, je m’engage à remplir mon obligation. » La force de la résolution de l’homme était évidente dans ses yeux rougis lorsqu’il se tourna pour croiser le regard de mon père.
« Manifestement, D.ieu souhaite une relation avec vous dans laquelle vous vous connectez à Lui et l’invitez dans votre vie. D.ieu savait que vous alliez assumer vos responsabilités et honorer votre femme en venant à la synagogue et en priant chaque jour », dit mon père. « C’est ce que D.ieu attend de vous. » L’homme médita sur les paroles de mon père.
« Alors dites à D.ieu : “Je comprends ce que Tu veux, et je veux faire ce que Tu veux que je fasse.” Acceptez d’avoir cette relation avec D.ieu, et alors il n’y a aucune raison que votre femme meure. »
Au milieu de sa douleur, l’homme ratifia son accord avec D.ieu.Après la fête de Roch Hachana, mon père appela le bureau du Rabbi de Loubavitch à New York, pour raconter les détails des événements qui s’étaient produits et pour donner au Rabbi le nom de la femme pour que le Rabbi la bénisse.
Lorsqu’il visita plus tard l’hôpital, il découvrit que la femme se rétablissait et qu’elle serait libérée dans les prochains jours.
Le lendemain matin – et lors des trois prières quotidiennes des 11 mois suivants –, mon père et la communauté accueillirent le mari reconnaissant.
« C’est là l’essence du judaïsme, expliqua mon père. Nous devons toujours nous demander : “Qu’est-ce que D.ieu veut de moi ?” »
Mon père poursuivit : « Parfois, D.ieu nous envoie des épreuves difficiles. Mais comme avec un parent aimant, ces épreuves sont là pour nous aider à grandir personnellement et à développer une relation encore plus forte avec Lui. Et souvent, nous pouvons éviter de subir l’adversité ou la difficulté en tirant la leçon de la situation et en nous connectant plus profondément. À tout moment et en tout lieu, notre connexion avec D.ieu peut grandir, même si nous devons creuser profondément et être créatifs parce que ce n’est pas la façon dont nous nous sommes connectés à Lui auparavant. »
J’avais alors été immobilisée par une blessure grave et cela m’avait fait remettre en question ma raison d’être. Mon père avait pressenti ma douleur et ma frustration, et m’avait donc raconté cette histoire précisément au moment où j’en avais le plus besoin.
« Waou, D.ieu, me suis-je dit, J’avais l’impression que Tu étais si loin alors que j’étais ici à mon point le plus bas. Mais je ne suis pas seule. Tu es là, et je veux que Tu sois présent dans ma vie. Je veux être un partenaire actif dans notre relation. Je veux faire exactement ce que Tu veux que je fasse. »
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