Un jour, Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi, appelé l’« Admour Hazakène » ou « Vieux Rabbi », vint dans une petite ville. Pendant son court séjour, un incendie se déclara dans l’une des maisons en bois. Les pompiers locaux eurent du mal à maîtriser le feu et les soldats d’une garnison stationnée à proximité vinrent aider à l’éteindre. Hélas, un vent violent attisait les flammes et des étincelles volaient dans les airs, menaçant de mettre le feu à toute la ville.

Plusieurs habitants inquiets vinrent trouver le saint Rabbi et lui firent part du danger. Rabbi Chnéour Zalman demanda qu’on lui montre où se trouvait le feu et on le conduisit à la maison en flammes. Il resta là quelques instants, appuyé sur sa canne, à regarder intensément le brasier. Soudain, le vent s’arrêta et le feu commença à s’apaiser. En quelques instants, le feu fut maîtrisé et tout le monde poussa un soupir de soulagement. La ville était sauvée ! Tout le monde parlait avec enthousiasme du merveilleux miracle réalisé par le Rabbi.

Les soldats retournant à leur caserne racontèrent à leur général le miracle que le saint Rabbi avait accompli sous leurs yeux. Le général envoya son aide de camp pour demander au Rabbi de se présenter devant lui.

Le général salua Rabbi Chnéour Zalman avec respect et révérence. « Êtes-vous, peut-être, un fils ou un petit-fils du saint Rabbi Israël Baal Chem Tov ? », lui demanda le général.

— Je suis en effet son « petit-fils », mais dans un sens spirituel, car je suis le disciple de son disciple, répondit l’Admour Hazakène.

— Eh bien, alors je ne me suis pas trompé dans ma conclusion, et je ne suis pas du tout surpris que vous ayez un pouvoir surnaturel.

En disant cela, le général sortit un volume relié en cuir et, le désignant, il poursuivit :

« Laissez-moi vous raconter une chose merveilleuse qui arriva à mon défunt père, qu’il a consignée dans son journal que voici. Cela s’est passé lorsque mon père était stationné avec ses troupes près de la ville de Mezhibozh. Il n’avait pas reçu de nouvelles de sa femme depuis longtemps, et il était très inquiet. Voyant l’inquiétude du général, certains de ses amis lui dirent : “Dans cette ville vit un saint rabbin que l’on appelle le Maître du Bon Nom. Les gens racontent des choses merveilleuses à son sujet et disent que rien ne lui est caché. Pourquoi ne pas aller le voir ?”

« Mon père, le général, décida qu’il n’avait rien à perdre en voyant ce saint homme, et il envoya son aide de camp au Baal Chem Tov pour convenir d’un moment pour lui rendre visite.

« L’aide de camp revint et dit à mon père que le Baal Chem Tov avait dit qu’il était trop occupé. Cela rendit mon père furieux. Il renvoya l’aide de camp chez le Baal Chem Tov pour lui dire que s’il refusait de le voir, il ferait loger ses soldats dans les maisons juives et il n’y aurait pas une seule maison juive qui ne serait pas obligée de nourrir et de loger un ou plusieurs soldats.

« Cette menace était très sérieuse, car non seulement les Juifs de la ville étaient trop pauvres pour supporter cette charge, mais la fête juive de Pessa’h était très proche, et les soldats apporteraient du ‘hamets dans les maisons juives ! Mais lorsque l’aide de camp revint, il apporta la réponse que bien que le saint rabbin soit très occupé, une heure avait néanmoins été fixée pour la visite de mon père !

« À l’heure convenue, mon père et son assistant se rendirent à la maison du Baal Chem Tov. Par une porte ouverte donnant sur le salon, ils virent le saint Baal Chem Tov assis dans son bureau, la tête penchée sur un livre. Par habitude, mon père s’approcha d’un petit miroir accroché au mur pour lisser ses cheveux. Alors qu’il se regardait dans le miroir, un spectacle étrange s’offrit à ses yeux : au lieu de voir son propre reflet, il vit une route familière, celle qui menait à sa propre ville. N’en croyant pas ses yeux, et pensant que son imagination lui jouait des tours, il appela son aide de camp auprès de lui. Celui-ci n’en fut pas moins stupéfait. Bientôt, la route s’acheva et ils se retrouvèrent dans la rue familière où vivait le général. La porte de la maison s’ouvrit et mon père vit sa femme assise à son bureau en train d’écrire une lettre. Comme s’ils regardaient par-dessus son épaule, ils virent qu’elle lui écrivait une lettre ! Elle le priait de l’excuser de ne pas avoir écrit depuis si longtemps, car elle était occupée par la grossesse et la naissance de son nouvel enfant, un garçon ! Elle et le bébé allaient bien, et elle avait hâte qu’il rentre à la maison pour voir son fils !

« Vous pouvez imaginer l’excitation de mon père. Oubliant où il était, il retourna en toute hâte à ses quartiers dans la garnison et là, sur son bureau, se trouvait une lettre de sa femme pour lui. Il l’ouvrit et la lut de nombreuses fois. C’était exactement ce qu’il avait vu dans le miroir de la maison du Baal Chem Tov !

« Je suis ce bébé dont ma mère a parlé à mon père dans cette lettre ! Vous pouvez voir toute l’histoire consignée par mon père dans son journal. »

Concluant son histoire étonnante, le général demanda au saint Rabbi de le bénir.

« Soyez bons envers les Juifs et le Tout-Puissant vous bénira, répondit le Rabbi, car il est écrit dans la Torah au sujet d’Abraham : “Ceux qui te béniront seront bénis.” »