Abbayé appartenait à la troisième génération des Amoraïm babyloniens. Il fut l’un des plus remarquables de sa génération. Il naquit autour de l’an 4040 (280 de l’ère commune), et il vécut soixante ans. Les treize dernières années, il a dirigé la Yechiva de Poumpeditha, succédant à Rav Yossef. Abbayé était l’un des quatre candidats à cette haute fonction. Les trois autres étaient Rava, Rav Zeira et Raba bar Matana. Tous les quatre étaient de grands savants et des hommes dotés de qualités exceptionnelles. Ils décidèrent d’organiser un concours sous la forme d’une discussion de Torah. Abbayé arriva en tête, et tous convinrent qu’il devait être le chef de la grande académie de Torah.

Selon le célèbre Rav Sherira Gaon, son véritable nom n’était pas Abbayé, mais Na’hmani, du nom de son grand-père. Son père était mort avant la naissance d’Abbayé et sa mère mourut en couches. Le petit orphelin fut donc été élevé par son oncle Rabbah bar Na’hmani. Rabbah ne voulait pas appeler son neveu Na’hmani, qui était le nom de son père ; il l’appelait donc « Abbayé », signifiant « mon père ». Selon une autre opinion (comme celle de Rachi), Abbayé était son nom, et son oncle Rabbah le surnommait Na’hmani.

Rabbah reconnut chez le jeune orphelin une grande capacité et un esprit vif, et il fit de son mieux pour développer les qualités de son neveu. Grâce à l’attention et au dévouement de son oncle, Abbayé devint un grand et célèbre érudit. Abbayé apprit également beaucoup de Rav Yossef qui était à la tête de l’académie de Poumpeditha. Abbayé l’aimait et le vénérait, et il se levait respectueusement quand il le voyait s’approcher de loin. Plus tard, il devint plus un collègue qu’un disciple et débattit avec lui de points de droit.

Abbayé respectait également beaucoup sa mère adoptive, qui s’est occupée de lui dans son enfance avec un véritable amour maternel. Elle était certainement une femme pleine de sagesse, car Abbayé rapportait souvent ses remarques et ses dictons.

De la vie personnelle d’Abbayé, nous en savons peu. Il semble avoir été assez pauvre, car lorsque sa veuve demanda au Beth-Din (le tribunal rabbinique) de lui accorder une pension pour le pain et le vin, ils répondirent qu’à leur connaissance il n’y avait jamais de vin à la table d’Abbayé. Pourtant, Abbayé ne souhaita jamais recevoir de cadeaux, et c’est seulement Erev Yom Kippour qu’il acceptait des cadeaux, étant un Kohen, un descendant d’Eli le grand prêtre.

Abbayé était respecté non seulement pour sa grande connaissance et sa finesse d’esprit, mais aussi pour son bon caractère. C’était un homme épris de paix, très amical et très modeste dans ses relations avec tous les hommes. Son caractère noble transparaît dans ses enseignements et dictons que nous trouvons dans le Talmud. Ainsi, il avait l’habitude de dire : « Un homme doit toujours être vigilant dans sa crainte de D.ieu ; une réponse douce fait disparaître la colère ; traitez amicalement avec les parents et les amis, et avec tous les hommes, même avec un païen dans la rue. De cette manière, on sera aimé de D.ieu et admiré par les hommes, et accueilli par toutes les créatures » (Berakhot, 17a). Le commandement « Et tu aimeras l’Éternel ton D.ieu » était expliqué par Abbayé de la manière suivante : « Le nom de D.ieu doit être rendu aimé par tes actions : une personne doit étudier la Torah et le Talmud et servir les sages. Que disent les gens de lui ? Heureux est le père qui lui a enseigné la Torah... Voyez comme ses voies sont bonnes, comme ses actions sont nobles... » (Yoma 86a).

Inutile de dire qu’Abbayé pratiquait ce qu’il prêchait, et rien d’étonnant à ce qu’il fut aimé et respecté de tous. Chaque fois qu’Abbayé voyait un vieil homme dans la rue, il lui offrait son bras pour le soutenir. Même les Samaritains, qui n’étaient généralement pas amicaux avec les Juifs, respectaient et admiraient Abbayé. Une fois, quand un âne d’Abbayé s’était égaré et avait été retrouvé par les Samaritains, Abbayé leur envoya un message : « Rendez-moi l’âne, c’est le mien. » Ils lui répondirent : « Donnez-nous des marques d’identification. » Abbayé a répondu : « Il a un ventre blanc. » Les Samaritains lui envoyèrent l’âne, en disant : « Si vous n’étiez pas Na’hmani, nous ne vous aurions pas rendu l’âne. Quel genre d’identification est-ce donc ? Tous les ânes n’ont-ils pas le ventre blanc ?! » (Guittine 45a).

Abbayé avait un ami d’enfance, avec qui il avait grandi et étudié. Son nom était Rava. Plus tard, Rava s’en fut à Me’hoza et à Nehardéa pour étudier, mais ils étaient presque inséparables dans leurs discussions sur divers points de droit. Le Talmud regorge de leurs enseignements rapportés soit sous leurs noms conjoints, tels que « Abbayé et Rava disent tous deux », soit en citant leurs discussions, tels que « Abbayé interroge Rava » ou « Abbayé expliqua à Rava » ou « Abbayé et Rava divergeaient dans leur avis sur... ». Ainsi « les discussions d’Abbayé et de Rava » devinrent très célèbres. Pourtant, malgré la grande position d’Abbayé, les sages qui ont décidé de l’opinion à suivre ont statué que les opinions de Rava l’emportaient toujours sur celles d’Abbayé sauf dans six cas, bien connus des étudiants de Yechiva par l’abréviation YaAl KaGaM.

Voici quelques autres dictons célèbres d’Abbayé :

« Les paroles d’un enfant dans la rue sont la répétition de celles de son père ou de sa mère. »

« Malheur au méchant, et malheur à son voisin. »

« La profanation du Chabbat fut la cause même de la destruction de Jérusalem. »

Les Sages déclarèrent qu’Abbayé n’aurait pas dû vivre plus que son oncle Rabbah, tous deux descendants de la maison d’Eli sur laquelle il y avait une malédiction de mourir dans la fleur de l’âge. Pourtant, parce qu’Abbayé passait tout son temps non seulement à étudier la Torah, mais aussi à des actes de charité et de bienveillance, il fut fait exception, et au lieu de ne pas vivre plus de quarante ans, il vécut soixante ans. Mais, bien sûr, ses enseignements et ses bonnes actions sont éternels.