Au moment de la naissance de Rabbi Lévi Its’hak de Berditchev, le Baal Chem Tov déclara qu’une « grande et sainte âme est venue au monde qui sera un éloquent défenseur du peuple juif ». Rabbi Lévi Its’hak aimait chaque Juif, quel que soit son degré d’observance religieuse. Tout au long de sa vie, il pria souvent D.ieu de bénir un couple sans enfant, de fournir une subsistance à une famille dans le besoin ou d’annuler un mauvais décret. Les Juifs venaient par milliers pour entendre ses explications de la Torah et pour solliciter ses bénédictions ou ses conseils.

L’un des membres, un homme assez riche, prit la parole

Quand les membres de la communauté de Berditchev vinrent inviter Rabbi Lévi Its’hak à prendre la position de rav – grand rabbin –, le saint homme leur adressa une requête. « S’il vous plaît, ne me dérangez pas avec des réunions communales, dit-il. Toutefois, si la réunion concerne l’adoption d’une nouvelle règle, je veux y participer. »

L’accord fut conclu et la ville de Berditchev fut pleine de joie et de célébration. Ce n’était pas une petite affaire que l’illustre tsadik, Rabbi Lévi Its’hak, accepte le poste de rav dans leur ville.

Quelque temps plus tard, les membres de la communauté se présentèrent à la porte du rabbin. « Lors de la réunion de ce soir, nous aimerions édicter une nouvelle règle », déclarèrent-ils. Tout naturellement, le rabbin accepta d’assister à la réunion.

Dans l’élégante salle de réception où les membres s’étaient rassemblés, l’ambiance était empreinte de joie, car le rabbin était présent.

Puis les formalités commencèrent. L’un des membres, un homme assez riche, prit la parole. « Nous tous ici présents, dit-il, sommes impliqués dans des questions importantes, chacun à sa façon. » Ses yeux parcoururent les visages autour de lui, qui acquiesçaient volontiers à ses propos.

« Cependant, continua-t-il, les sollicitations constantes à nos portes par les nombreux indigents qui peuplent notre ville perturbent notre paix et interrompent nos emplois du temps chargés. Nous souhaitons donc établir une nouvelle règle : il sera dorénavant interdit aux pauvres de frapper aux portes. Certes, nous ne manquerons pas de garder à l’esprit les besoins de ces malheureuses âmes. Nous ne les abandonnerons pas. Mais pour rendre la chose plus commode pour nous, nous distribuerons aux pauvres une somme d’argent chaque mois que nous prélèverons sur la caisse communautaire. »

Rabbi Lévi Its’hak se leva soudain de sa chaise, saisit son chapeau et sa veste et commença à partir. Les autres s’échangèrent des regards surpris. « Le rabbin part-il ? » demandèrent-ils poliment.

Rabbi Lévi Its’hak acquiesça.

« Mais... mais la réunion a à peine commencé », protestèrent-ils.

Un lourd silence régna dans le salon.

Silencieusement, Rabbi Lévi Its’hak étudia les expressions de leurs visages. « Mes frères !, dit-il sur un ton respectueux. Ne nous sommes-nous pas mis d’accord que je ne devrais pas être dérangé pour des discussions sur les anciennes pratiques ? »

« Bien sûr, c’est ce que nous avons accepté, crièrent-ils à l’unisson. Mais ce n’est pas une vieille pratique. Ce que nous suggérons est une approche complètement nouvelle. C’est une toute nouvelle règle ! »

Rabbi Lévi Its’hak secoua tristement la tête. « Non, il n’y a là rien de nouveau, dit-il. Ce que vous proposez est une loi ancienne, qui remonte à des milliers d’années au temps de Sodome et de Gomorrhe. Eux aussi avaient institué de telles lois, interdisant aux gens de distribuer la charité aux mendiants itinérants, soupira le rabbin... Non, mes frères, il n’y a rien de nouveau à cela... »

Un lourd silence régna dans le salon. Inutile de dire que la proposition fut annulée. Les riches membres comprirent bien la leçon. À partir de ce jour, les pauvres qui frappaient à leur porte furent accueillis avec respect et bienveillance.