La Torah est assimilée à l’eau, comme dans le verset (Isaïe 55,1) : « Que tous ceux qui ont soif viennent à l’eau. » Et la Torah est assimilée au feu, comme il est dit (Jérémie 23,29) : « Ma parole n’est-elle pas comme le feu ? »

Le second Rabbi de ‘Habad, Rabbi DovBer (1773-1827) expliquait cette dichotomie. La Torah « révélée », c’est-à-dire les enseignements pratiques et juridiques du Talmud et de la Halakha, est appelée eau, alors que la Torah « intérieure », les enseignements ésotériques et mystiques, est appelée feu. Or, les gens sont attirés par l’eau, mais ils craignent le feu. Ainsi, celui qui enseigne la dimension intérieure de la Torah doit rassurer son élève avec les mots du verset (Deutéronome 9,3) : « N’aie pas peur, car “l’Éternel ton D.ieu est un feu dévorant”. »

Cette interprétation ne tente pas de nier que l’étude des enseignements profonds de la Torah est une proposition intimidante. Elle ne prétend pas que la Torah intérieure n’est pas le feu. Les craintes de l’étudiant potentiel sont même confirmées et, d’ailleurs, on lui dit que le feu qu’il voit dans la dimension intérieure de la Torah n’est rien de moins qu’un feu dévorant, seulement que – comme si cela devait le consoler – « l’Éternel ton D.ieu est un feu dévorant ».

L’élève préfèrerait étudier des sujets moins menaçants. Il préférerait rester objectif, presque aseptisé.

L’élève préfèrerait étudier des sujets moins menaçants. Il préférerait rester objectif, presque aseptisé. Il voudrait boire de l’eau fraîche. L’étude de la dimension intérieure de la Torah, ressent-il, ne lui permettra pas de rester détaché. Elle enflammera son âme et attisera ses passions. À juste titre, il est inquiet, car ne vaut-il pas mieux consommer ses études que d’être consumé par elles ? Et qu’est-ce que l’enseignant de la Torah intérieure lui dit ? Tu peux boire toute l’eau fraîche et rafraîchissante que tu veux, mais à un moment donné, tu dois accepter le fait que rencontrer le divin implique d’embrasser le feu. Tôt ou tard, dans sa relation avec D.ieu, l’étude de la Torah doit passer du détachement académique à l’exaltation et à la passion personnelles. Et cette excitation ne peut être trouvée qu’en étudiant les dimensions profondes de la Torah, ses vérités spirituelles et ses secrets ésotériques.

Quand on étudie la ‘Hassidout – les enseignements mystiques du Baal Chem Tov et de ses successeurs –, la Torah atteint une nouvelle lumière. La Torah n’est pas qu’un assortiment de règles sur la façon de vivre dans le monde. C’est la loi naturelle de l’univers, inscrite dans le tissu même de l’existence. Chaque concept de la Torah – qu’il s’agisse d’un récit dans les Cinq Livres de Moïse, d’un débat juridique dans le Talmud ou d’une décision pratique du Code de la Loi Juive – a un antécédent spirituel dans les plans supérieurs de l’existence. Ce que nous étudions n’est rien de plus que la partie émergée de l’iceberg, un reflet d’une essence qui va beaucoup plus loin que ce que l’esprit conscient peut comprendre. Le troisième Rabbi, Rabbi Mena’hem Mendel, connu sous le nom de Tsema’h Tsedek (1789-1866), a expliqué l’effet que l’étude de la ‘Hassidout a sur l’appréciation de la Torah, en invoquant également la métaphore du feu : « Quand quelqu’un étudie un précepte de la Torah et qu’il sait qu’après ses 120 ans sur terre, il étudiera le même précepte dans le Gan Éden, cela allume un petit feu en lui. »

Naturellement, l’ego cherche à se préserver à tout prix. Il permettra seulement les activités qui procurent un bénéfice personnel. Le savoir, s’imagine-t-il, est une possession, une acquisition. Mais le feu de la Torah n’a pas de propriétaire. Il ne peut pas être possédé, mais possède ceux qui l’étudient, les remplissant de révérence, d’émerveillement et de zèle. Alors, comment l’enseignant de ‘Hassidout peut-il attirer ses élèves vers ce à quoi nous autres êtres humains sommes intrinsèquement résistants ?

Il n’y a qu’une seule réponse et elle suffira pour ceux qui sont prêts à l’entendre : « L’Éternel ton D.ieu est un feu dévorant. »