La psychologie et le ‘hassidisme ‘Habad

Dans la quête d’une vie mentale saine, la psychologie classique pose deux questions centrales : « Quel est le problème et quelle en est la cause ? » Dans la psychanalyse freudienne, la réponse est à chercher dans le début de la vie du sujet, en particulier en liaison avec ses parents.

Il existe, au sein de la psychologie, d’autres écoles avec des approches différentes qui demanderont plutôt : « Quelle est la solution ? » ou « Comment puis-je réaliser mon potentiel ? »

Dans la philosophie ‘hassidique, la question centrale est : « Quel est mon but ? »1

Le Rabbi Rayats (Rabbi Yossef Its’hak Schneerson, 1880-1950) raconta une fois qu’il avait entendu de son père, le Rabbi Rachab (Rabbi Chalom DovBer Schneerson, 1860-1920), que notre « Pour quoi faire ? », notre but, est l’âme de notre existence.2 Tant que nous n’avons pas découvert ce que doit être notre contribution unique au monde, nous ne faisons que survivre, pas vraiment vivre, et certainement pas vivre une vie pleine de sens.

L’histoire suivante bien connue, rapportée par le Rabbi Rayats, illustre la façon dont le ‘hassidisme met l’accent sur la recherche de notre but personnel :

En 1798, l’Admour Hazakène (Rabbi Chnéour Zalman de Liadi, 1745-1812) fut arrêté par le régime tsariste sur de fausses accusations de subversion. L’un des représentants du gouvernement, qui connaissait bien le Tanakh et était versé dans les questions juives, posa à l’Admour Hazakène un certain nombre de questions, parmi lesquelles la signification du verset « D.ieu appela Adam en disant : “Ayekah, où es-tu ?” »3

« Après tout, demanda le ministre, D.ieu ne savait-Il pas où était Adam ? » Lorsque l’Admour Hazakène cita l’explication de Rachi, selon laquelle D.ieu posa la question de manière à engager la conversation avec Adam, l’officiel répondit : « Ce que dit Rachi, je le sais déjà. Je veux entendre ce que vous vous dites à ce sujet. » Ce à quoi l’Admour Hazakène répondit : « Quand une personne atteint tel et tel âge (citant l’âge réel du ministre), le Tout-Puissant lui demande : “Où es-tu ? Sais-tu la raison pour laquelle tu as été placé dans ce monde, ce que tu as à accomplir, et ce que tu as déjà accompli ?” »4

Il y a aussi une histoire moins connue sur l’un des disciples de l’Admour Hazakène qui avait été un homme très riche et qui avait partagé sa richesse généreusement, mais avait soudainement tout perdu et était désormais très endetté. Il voyagea chez l’Admour Hazakène et déversa devant lui toute l’amertume de son cœur.

L’Admour Hazakène l’écouta puis leva la tête et lui dit d’une voix chantante (comme il en avait la sainte habitude) : « Tu as parfaitement décrit tout ce que dont tu as besoin. Mais ce pour quoi on a besoin de toi, tu n’en as pas dit un mot ! »5

Les pouvoirs de l’âme et le but de l’existence

Ainsi, pour véritablement exprimer notre âme, qui est « une partie de D.ieu En haut »,6 nous devons comprendre « ce pour quoi on a besoin de nous ». Le problème est, bien sûr, que nous ne naissons pas munis de manuels d’instruction personnalisés exposant le but de notre vie.

Un principe fondamental de la pensée ‘hassidique (et de la pensée juive en général7) est que D.ieu désira créer ce bas monde de sorte que nous puissions en faire une demeure digne du Roi – une dirah beta’htonim – comme l’expliquent le Tanya et de nombreux discours ‘hassidiques. Cela nous donne la direction générale qu’il nous appartient de prendre, mais pas le rôle spécifique attribué à chacun dans la réalisation de cet objectif.

Toutefois, la Torah déclare explicitement que D.ieu nous donne le pouvoir d’accomplir de grandes choses,8 et nos sages ajoutent que « le Saint, béni soit-Il ne fait pas de demandes déraisonnables à Ses créatures. »9 En d’autres termes, Il n’exige pas de choses qu’Il ne nous donne pas les moyens d’accomplir.

Il en résulte qu’en examinant les forces et les talents dont nous sommes personnellement dotés, nous pouvons nous faire une idée de ce qu’il nous appartient d’accomplir dans la vie. Certes, l’âme est dotée de l’ensemble des pouvoirs spirituels évoqués dans la Kabbale et le ‘Hassidisme, mais au plan individuel, certaines qualités sont plus dominantes que d’autres. Par exemple, la qualité de ‘hessed (bonté) était dominante chez Abraham, et celle de guevoura (rigueur) l’était chez Isaac, bien qu’ils possédassent tous deux également la qualité opposée, mais d’une manière moins dominante.

Il est également vrai que certaines forces et aptitudes peuvent être latentes et ne se révèlent qu’à mesure que nous nous développons ou lorsque – par l’effet de la hachga’ha pratit, la providence divine – nous affrontons une épreuve qui nous oblige à extraire cette force ou cette aptitude du tréfonds de notre âme. En outre, il est également vrai que nos talents et nos forces peuvent changer et évoluer au fil du temps. Nous ne sommes pas nés avec des talents et des capacités immuables. Nous pouvons toujours en acquérir de nouveaux, et développer ceux que nous avons déjà.

Néanmoins, certains de nos points forts et de nos talents sont assurément révélés et peuvent facilement être identifiés, y compris par d’autres. Il est logique de dire que ce sont ceux sur lesquels nous devons nous concentrer d’abord pour commencer à tirer au clair la mission de notre vie, puisque ce sont ceux qui sont (actuellement) dominants en nous.

La mission de Betsalel, par exemple, était clairement d’être le constructeur en chef du Michkane (Tabernacle), car lui et ses assistants avaient été dotés de la sagesse et des talents nécessaires à cette fin :

D.ieu parla à Moché en disant : « Vois, J’ai désigné par son nom Betsalel, fils d’Ouri, fils de Hour, de la tribu de Juda. Je l’ai rempli d’esprit divin, de sagesse, de perspicacité et de connaissance, et de toutes les compétences [nécessaires] pour tisser des motifs, pour travailler l’or, l’argent et le cuivre, pour tailler et enchâsser la pierre et sculpter le bois – pour effectuer tout ouvrage. Et J’ai affecté Aholiav pour être son assistant... et J’ai doté de sagesse le cœur de toutes les personnes habiles, de sorte qu’elles accomplissent tout ce que Je t’ai prescrit... »10

Bien sûr, on pourrait aussi dire que notre but réside dans la découverte et la correction de nos déficiences. Mais l’approche ‘hassidique est de se concentrer davantage sur le développement et l’utilisation de nos forces que sur la lutte contre nos insuffisances ; de travailler avec ce qui est positif et motivant, plutôt qu’avec ce qui est négatif et déprimant. Comme l’a dit le Tsema’h Tsedek (Rabbi Mena’hem Mendel de Loubavitch, 1789- 1866), citant le Talmud : « Nous sommes des ouvriers du jour »11, nous travaillons à augmenter la lumière (le jour), plutôt que de nous employer à chasser l’obscurité.12

Ceci ne signifie pas que les traits et les désirs négatifs que nous avons tous sont tout à fait inutiles. Au contraire, comme le Rabbi l’écrit dans Hayom Yom :

Chaque âme a son avoda (service) spécifique dans le domaine de l’intellect et des sentiments, selon sa nature et son caractère. Il est écrit13 : « De mes ennemis, Tu me donnes la sagesse. »14 Des mauvaises tendances que l’on détecte au sein de son caractère naturel, on peut tirer de la sagesse et comprendre comment corriger ses traits de caractère et assujettir ses facultés au service de D.ieu. 15

Néanmoins, la manière dont nous nous occupons de nos traits négatifs doit être celle d’un « ouvrier du jour », comme nous l’avons dit ci-dessus, et comme l’écrit l’Admour Hazakène :

... Ainsi en est-il dans la lutte contre sa mauvaise nature : il est impossible de la conquérir dans la paresse et la lourdeur, lesquelles dérivent de la tristesse et d’un cœur insensible comme une pierre, mais plutôt avec entrain, lequel découle de la joie et d’un cœur qui est libre et nettoyé de toute trace d’inquiétude et de tristesse dans le monde.16

Ainsi, en utilisant les pouvoirs de notre âme dont D.ieu nous a gratifiés, et en soumettant nos traits négatifs, nous pouvons progresser vers notre but. Ne pas le faire peut conduire à des sentiments de frustration, au découragement et à l’insatisfaction. Et comme le Rabbi, Rabbi Mena’hem Mendel Schneerson, l’écrit dans une lettre : « Si une personne ne ressent pas son but, elle n’utilise pas le potentiel que D.ieu lui a donné. Ce n’est pas seulement une perte et un échec personnels, mais cela affecte le sort du monde entier. »17

En devenant plus en phase avec le but que notre âme est venue accomplir dans ce monde, nous pouvons amener la guérison à nous-mêmes et au monde entier.