L'illustre grammairien et érudit Rabbi David Kim’hi était issu d'une famille qui contribua à enrichir considérablement notre patrimoine littéraire et talmudique. Le dicton : « Où il n'y a pas de farine (du pain), il n'y a point de Torah » était appliqué à cette famille. L'analogie entre le nom de Kim’hi et le vocable hébraïque kéma’h rendait possible le jeu de mots et l'on disait : « N'étaient les Kim’hi, il n'y aurait point de Torah ».
Le père de Rabbi David Kim’hi, Rabbi Joseph ben Isaac Kim’hi, vécut dans le sud de l'Espagne. Ses écrits comptent parmi les premiers qui introduisirent l'étude de la grammaire et de la culture hébraïques en Europe chrétienne. Mais les cruelles persécutions des Almohades contraignirent Rabbi Joseph Kim’hi à émigrer vers le nord jusqu'à Narbonne, en France.
Les Almohades, dynastie maure d'Afrique du Nord et du midi de l'Espagne, furent au pouvoir aux 12e et 13e siècles. En 1146, ils entreprirent une lutte féroce dans le but d'imposer la foi de l'Islam à tous les peuples sous leur domination. Mahométans fanatiques, ils détruisirent synagogues et églises, obligeant Juifs et Chrétiens à embrasser l'Islam ou à émigrer. Maïmonide et sa famille se trouvaient parmi les exilés qui fuirent l'Espagne aux environs de 1150. L'année où naquit David (1160), les persécutions des Musulmans contre les Juifs s'accrurent considérablement. Ce fut cette même année que les joyaux précieux, qui, de plus, étaient sacrés pour les Mahométans, et qu'ils gardaient dans leur sanctuaire à la Mecque, disparurent. Les Juifs furent accusés de vol et eurent à subir les pires souffrances.
Rabbi Joseph Kim’hi décida alors de se réfugier en France avec sa famille. Il emportait avec lui la grande tradition espagnole de l'étude du Talmud, de la langue et de la pensée hébraïques, qui avait valu à la communauté juive d'Espagne son « âge d'or » pendant de si longues années. Il s'installa à Narbonne.
David avait dix ans quand son père mourut. Son frère aîné, Rabbi Moïse Kim’hi, illustre érudit lui aussi, se chargea de l'éducation du jeune garçon. Celui-ci révéla bientôt des dons exceptionnels, et fit de rapides progrès dans toutes les branches du savoir hébraïque. Il devint bien vite un des plus grands érudits de son temps, et sa réputation s'étendit non seulement aux Juifs, mais aussi aux non-juifs. On lui décerna le titre honorifique de Maistre Petit, accordé une génération plus tôt à son père. Pendant des siècles, l'œuvre de Rabbi David Kim’hi dans le domaine de la grammaire hébraïque fut la base de toute étude de l'hébreu pour les érudits non-juifs.
Encore tout jeune, Rabbi David Kim’hi gagna sa vie en enseignant le Talmud, tout comme son père l'avait fait avant lui. Il écrivit son « Mikhlol » (« Perfection »), une espèce d'encyclopédie de la grammaire hébraïque, qui le rendit aussitôt célèbre. Ce traité exerça une grande influence sur de nombreux hébraïsants chrétiens, tels que Johannes Reuchlin, le grand humaniste et champion du Talmud au Moyen-âge.
Rabbi David Kim’hi consacra un nombre considérable d'écrits à la défense du Judaïsme contre les attaques de certains membres de l'Église. Ce matériel fut plus tard largement utilisé par des érudits juifs dans leurs disputes avec les Chrétiens, disputes qui leur étaient imposées par l'Église elle-même.
Ce qui rendit surtout le RaDaK cher à son peuple, ce fut son illustre commentaire du même nom (RaDaK se compose des initiales de Rabbi David Kim’hi). En outre, il écrivit des commentaires sur les Prophètes, les Psaumes et les Chroniques, de même que sur le Pentateuque dont seul celui sur la Genèse est parvenu jusqu'à nous. Le commentaire de RaDaK jouit d'une popularité aussi grande que celle dont bénéficia le commentaire de Rachi. Les deux ouvrages ne sont d'ailleurs pas sans parenté tant par leur nature que par leur style. En effet, les interprétations de Rachi sont, elles aussi, basées sur le raisonnement et les règles grammaticales, contrairement à cet autre grand commentateur espagnol de la Bible, Na'hmanide, qui inclut des significations kabbalistiques plus profondes dans ses commentaires. Ceux du RaDaK gagnèrent l'estime aussi bien des Juifs que des Chrétiens. Ils furent traduits en latin par des érudits chrétiens, et marquèrent de leur influence les traductions ultérieures de la Bible.
Outre Mikhlol et le Commentaire, Rabbi David Kim’hi écrivit les « Téchouvoth LaNotsrim » (Réponse aux Chrétiens), où il réfute toutes les attaques des théologiens chrétiens, et « Eit Hassofer » (la Plume du Scribe), ouvrage qui traite de l'établissement des rouleaux de la Torah, conformément aux vraies traditions de la Massorah.
Vers la fin de sa vie, Rabbi David Kim’hi se trouva engagé dans l'une des luttes intérieures les plus véhémentes que connut le Judaïsme orthodoxe, et qu'avait provoquée l'ouvrage de Maïmonide, « Moreh Névoukhim », le « Guide des Égarés ». Rabbi David Kim’hi était un admirateur fervent des œuvres du saint Rambam, y compris ses écrits philosophiques. Il alla jusqu'à entreprendre un voyage en Espagne, dans une tentative d'organiser la défense de l'œuvre du Rambam parmi les grands érudits. Avant d'arriver à destination, il tomba malade dans la petite ville d'Avila et dut prendre le chemin du retour. Peu après, Rabbi David Kim’hi mourait à l'âge de 75 ans.
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