Talmudiste, philosophe, juriste et médecin, Rabbi Moché Ben Maïmone naquit à Cordoue, le 30 mars 1135 (14 Nissan 4895) dans une Espagne soumise à l’Islam. Le fait que la date et l’heure précise de sa naissance aient été conservées témoigne de la renommée de Maïmonide dont la lignée remontait à Rabbi Judah le Prince (Rabbi Yéhouda HaNassi), le compilateur de la Michna, lui-même descendant du Roi David.

On raconte que dans son enfance, le jeune Moché était peu enclin à l’étude. Un jour, son père lui fit de sévères remontrances et l’enfant touché au plus profond de son âme alla se réfugier à la synagogue où il demanda à D.ieu d’ouvrir son cœur à l’étude – prière qui fut, semble-t-il, exaucée au-delà de toute espérance !

« De Moïse jusqu’à Moïse, il n’y eut personne comme Moïse. »En 1148, l’intolérance et les persécutions, des nouveaux princes Almohades, contraignirent sa famille à fuir. C’est ainsi que Maïmonide dut errer pendant dix ans dans différentes villes du sud de l’Espagne, avant de gagner la ville de Fès au Maroc et de s’embarquer pour la terre d’Israël en 1165. Mais à cette époque, celle-ci était ravagée par les croisades et ainsi, après un bref pèlerinage, la famille dut se résoudre à partir pour l’Égypte. Après la mort de son père, Maïmonide poursuivit ses études talmudiques, soutenu financièrement par son frère David qui faisait le commerce des pierres précieuses. Malheureusement, David mourut au cours d’un naufrage dans l’océan Indien et Rabbi Moché se retrouva démuni. C’est ainsi que, ne voulant tirer aucune rétribution de ses travaux sur la Torah, il deviendra médecin. Sa réputation comme philosophe talmudiste et comme médecin fut telle que le Sultan Saladin, conquérant de l’Égypte, en fit le médecin de sa cour.

Nommé Naguid – Chef – des Juifs d’Égypte avec le titre de  « Raïs al Yahoud », il s’opposa à la secte des Karaïtes et renforça la communauté juive. Il eut, de ce fait, de nombreuses correspondances avec les représentants de différentes communautés, y compris en dehors de l’Égypte, auxquels il envoya plusieurs épîtres : Iguéret HaChmad (appelée aussi Iguéret al Kidouch HaChem) dans laquelle il évoque les conversions forcées imposées par les musulmans et console et raffermit la foi des juifs désespérés ; Iguéret Teiman, où il expose les signes de reconnaissance du Messie et encourage les juifs du Yémen dans leur foi ; la « Lettre aux érudits de Marseille », dans laquelle il donne des conseils à des érudits de son temps ; la « Lettre sur la résurrection des morts », etc.

On vint aussi le consulter depuis la Syrie, la terre d’Israël, et encore de plus loin. On dit même qu’au cours de la troisième croisade, le roi d’Angleterre Richard Cœur de Lion s’efforça, en vain, de l’attirer auprès de lui, à Ashkelon, en Terre Sainte.

« L’Aigle de la Synagogue »

Maïmonide fut un véritable guide spirituel pour sa propre génération comme pour les générations suivantes. Ses œuvres majeures furent :

  • Le Sefer Hamitsvot, le « Livre des Commandements » composé initialement en arabe, dans lequel il présente les 613 commandements de la Loi écrite qui constituent l’armature de la Loi juive.
     
  • Le Michné Torah (appelé aussi Yad Ha’Hazakah) est le seul traité religieux qu’il rédigea en hébreu (dont la langue fut qualifiée par ses successeurs de lachone zahav – une « langue pure comme l’or ») dans lequel il aborde les différents aspects de la législation juive. Le projet du Rambam fut de mettre la connaissance de toute la Loi orale à la portée du peuple.
    Dans le même ordre d’idées, en 1984, le Rabbi de Loubavitch instaura une étude quotidienne de cette œuvre afin de créer une unité entre tous ceux qui étudient cette somme de la sagesse juive.
    Dans son ouvrage, le Rambam explique la manière dont la Torah envisage l’idéal de paix :
    « Les Sages et les Prophètes n’attendent pas de l’ère messianique qu’elle leur permette de gouverner le monde ou d’asservir les nations, mais qu’elle nous rende libres de rechercher la Torah et sa sagesse. En ce temps-là, il n’y aura ni faim ni guerre, ni jalousie, ni dissension. Le monde entier sera occupé à acquérir la connaissance de D.ieu ainsi qu’il est écrit : “Le monde sera rempli de la connaissance de D.ieu comme les eaux recouvrent le fond des mers.” »
    Maïmonide raconte que, lorsqu’il termina son Michné Torah, son père lui apparut en rêve accompagné d’un autre homme qu’il lui présenta comme étant notre maître Moïse. Il fut très impressionné lorsque celui-ci lui dit : « Je suis venu voir le livre que tu as écrit », et, après avoir examiné le recueil, « Yacher koa’h » (« C’est très bien ! »).
     
  • Le Sefer HaMaor est un commentaire original et approfondi de la Michna. Esprit rationaliste, Maïmonide s’éleva dans cet ouvrage contre les pratiques de magie et de sorcellerie fréquentes à son époque. Son influence fut déterminante sur le développement du Judaïsme.
     
  • Le Moré Névoukhim (le « Guide des Egarés »), écrit en arabe, fut destiné à des intellectuels partagés entre la tradition religieuse et la pensée scientifique. Cet ouvrage entreprit de mettre en accord l’enseignement de la Torah et de ses commentaires avec la philosophie d’Aristote. De portée universelle (il fut étudié par les musulmans), le Guide constitue une analyse approfondie du Judaïsme, dans le domaine des croyances comme dans ses aspects rituels. Il y est question de D.ieu, de la création, de la prophétie, du bien, du mal, etc.

Maïmonide dut affronter une vive opposition tout au long de sa vie. Il répondit à ses opposants de son vivant et son fils poursuivit cette tâche après sa mort. Cependant, cette opposition fut tellement acharnée que le différend fut porté devant l’Inquisition et le livre brûlé en 1233.

Sa « Lettre sur l’Astrologie » répondait à une interrogation des rabbins de France en la matière et concluait en faveur d’une indiscutable responsabilité de l’homme, en dressant une synthèse des connaissances cosmologiques de l’époque.

« Le Prince des Médecins »

Une dizaine de livres de médecine lui sont attribués, qui furent écrits en arabe avant d’être traduits en hébreu, en particulier par son disciple Samuel ibn Tibbon de Montpellier. On peut citer entre autres:

  • Le « Traité des Aphorismes » divisé en 25 chapitres, constitue une somme des connaissances médicales de l’époque, depuis les apports antiques de la médecine hippocratique (460-377) jusqu’aux pratiques du XIIème siècle. Y sont abordés l’anatomie et la physiologie, les humeurs, la déontologie, la symptomatologie, les troubles de la parole, la thérapeutique générale, les maladies « spéciales », les fièvres, les périodes d’incubation, les saignées (il introduit pour la première fois la notion de circulation sanguine), les purgatifs et les vomissements, la chirurgie, la gynécologie, l’hygiène, la condition physique et le sport, la balnéation, les aliments et les boissons, les drogues, les médicaments, la physiopathologie, les cas rares. Un grand nombre de spécialités sont traitées depuis les troubles cardio-vasculaires, le diabète sucré, les tumeurs, la psychosomatique, les nerfs, le tube digestif, les troubles respiratoires, les maladies infectieuses et parasitaires, l’anatomie, l’embryologie, la gynécologie-obstétrique, le sport, l’anesthésie. Ce traité a été la source médicale la plus consultée du Moyen Âge.
  • Le Traité des Poisons,
  • Le Traité de la Conservation de la Santé (on y trouve des règles concernant la santé physique, mentale et sociale),
  • Le Traité de l’Asthme (qui traite des troubles psychosomatiques) etc.

En 1932, on a retrouvé un « Glossaire de Phytothérapie », de 350 remèdes à base de plantes, classées par ordre alphabétique avec leurs noms populaires (en arabe, grec, persan et en dialecte berbère, marocain, égyptien).

La « Prière Médicale » qui lui est attribuée est un acte de foi professionnelle, aussi noble que le Serment d’Hippocrate, qui inspire encore aujourd’hui de nombreux médecins juifs :

« Mon D.ieu, remplis mon âme d’amour pour l’Art (médical) et pour toutes les créatures. N’admets pas que la soif du gain et la recherche de la gloire m’influencent dans l’exercice de mon Art, car les ennemis de la vérité et de l’amour des hommes pourraient facilement m’abuser et m’éloigner du noble devoir de faire du bien à Tes enfants. Soutiens la force de mon cœur pour qu’il soit toujours prêt à servir le pauvre et le riche, l’ami et l’ennemi, le bon et le mauvais.

« Fais que je ne vois que l’homme dans celui qui souffre. Fais que mon esprit reste clair auprès du lit du malade et qu’il ne soit distrait par aucune chose étrangère afin qu’il ait présent tout ce que l’expérience et la science lui ont enseigné, car grandes et sublimes sont les recherches scientifiques qui ont pour but de conserver la santé et la vie de toutes les créatures.

« Fais que mes malades aient confiance en moi et mon Art pour qu’ils suivent mes conseils et mes prescriptions. Éloigne de leur lit les charlatans, l’armée des parents aux mille conseils, et les gardes qui savent toujours tout : car c’est une engeance dangereuse qui, par vanité, fait échouer les meilleures intentions de l’Art et conduit souvent les créatures à la mort. Si les ignorants me blâment et me raillent, fais que l’amour de mon Art, comme une cuirasse, me rende invulnérable, pour que je puisse persévérer dans le vrai, sans égard au prestige, au renom et à l’âge de mes ennemis. Prête-moi, mon D.ieu, l’indulgence et la patience auprès des malades entêtés et grossiers.

« Fais que je sois modéré en tout, mais insatiable dans mon amour de la science. Éloigne de moi l’idée que je peux tout. Donne-moi la force, la volonté et l’occasion d’élargir de plus en plus mes connaissances. Je peux aujourd’hui découvrir dans mon savoir des choses que je ne soupçonnais pas hier, car l’Art est grand, mais l’esprit de l’homme pénètre toujours plus avant. »1

Le Rambam mourut à Fostat (le vieux Caire) en Égypte en 1204 (le 20 Tévet), il fut inhumé à Tibériade, en Terre Sainte. La calèche transportant son cercueil fut attaquée par des brigands qui l’abandonnèrent et le cheval conduisit tout seul le cercueil à l’emplacement où il devait être enterré. Sur sa tombe est inscrit en hébreu :

« MiMoché ad Moché, Lo Kam kéMoché »

« De Moïse jusqu’à Moïse, il n’y eut personne comme Moïse. »

Maïmonide fut pleuré dans le monde entier par les juifs et les non-juifs. À Fostat on décréta trois jours de deuil et à Jérusalem un jeune public fut institué. Cette figure du peuple juif suscite toute notre admiration, lui dont l’objectif principal fut de rassembler et codifier tous les enseignements de la sagesse juive afin qu’ils puissent se transmettre plus aisément au cours des générations, malgré la situation difficile dans laquelle pouvait se trouver le peuple juif.