16:18 Dans toutes tes villes. Le terme utilisé ici pour « villes » signifie littéralement « portes ». Au sens allégorique, ce verset peut donc s’interpréter comme se référant aux « portes » du corps – les oreilles, les yeux, le nez et la bouche, par lesquelles les stimulus du monde extérieur pénètrent dans notre corps et notre monde personnel. En conséquence, ce verset nous enjoint de nommer des « juges et des policiers » pour protéger ces portes contre l’intrusion de tout stimulus qui serait préjudiciable à notre santé spirituelle.1
Comme on l’a vu,2 les juges n’étaient pas seulement chargés de rendre des jugements, mais aussi de faire respecter le comportement convenable. De même, nos « juges » intérieurs sont tant notre étude de la Torah – qui nous enseigne quelles influences sont bénéfiques (et donc permises) et lesquelles sont préjudiciables (et d’ores et déjà interdites) – que notre comportement en accord avec les enseignements de la Torah. Nos « officiers » intérieurs ne sont convoqués que lorsque nos inclinations au mal s’opposent aux décisions de nos « juges » intérieurs, auquel cas nous devons nous mobiliser pour déjouer leurs machinations.
Dans ce contexte, il est aisé de comprendre pourquoi Moïse ne nomma pas des officiers lors du séjour du peuple juif dans le désert – et pourquoi D.ieu promet, concernant le futur messianique, de « restaurer tes juges comme dans les temps anciens »,3 mais pas les officiers. Pas plus dans le désert que dans le futur messianique, le mal ne l’emporta sur nous ni ne le fera, de sorte qu’il n’y eut et qu’il n’y aura pas besoin de mesures de protection visant à assurer notre obéissance à la volonté de D.ieu.4
17:8 Le Sanhédrine. Le Sanhédrine, la haute cour de 71 juges, tire son autorité de Moïse et des 70 anciens que D.ieu avait choisis pour qu’ils l’aident dans son rôle d’autorité juridique supérieure du peuple juif.5 La fonction fondamentale du Sanhédrine est judiciaire : rendre des décisions définitives sur toutes les questions de droit portées devant lui par les tribunaux inférieurs, ou sur celles qui relèvent spécifiquement de lui. Il est chargé en outre de veiller à ce que la population connaisse la loi et y obéisse – avec l’aide d’agents de la force publique (« officiers ») si besoin est.6
De même, le Sanhédrine est habilité – tant qu’il le fait conformément aux directives de la Torah – à rédiger de nouvelles lois. À ce titre, le Sanhédrine constitue le terreau de la Torah orale, dans la mesure où il l’élargit et l’applique à de nouveaux cas en accord avec l’évolution et le développement de la civilisation. En tant que tel, le Sanhédrine exprime notre potentiel spirituel le plus élevé, celui qui nous permet de nous identifier à D.ieu si pleinement que nous assumons Son rôle de source de la Torah. Aussi, il n’est pas étonnant qu’en plus d’être experts en matière juridique, les membres du Sanhédrine soient tenus de posséder un caractère moral et une humilité exemplaires. Seuls ceux qui se sont délestés de leur ego et de leurs intérêts personnels peuvent servir de canaux aptes à déverser la sagesse divine dans le monde.
Comme nous l’avons vu,7 le commandement de la Torah stipulant de nommer des juges et des policiers sur tout le territoire peut être interprété de manière allégorique comme signifiant que chacun d’entre nous doit assumer individuellement la responsabilité de l’étude de la Torah et de la mise en œuvre de ses directives. Dans cette optique, les deux rôles du Sanhédrine qui viennent d’être décrits, son rôle exécutif et son rôle créatif, se reflètent dans notre relation personnelle avec D.ieu.
Pareillement, chaque commandement que nous accomplissons comprend ces deux facettes de la relation à D.ieu. Nous trouvons tout d’abord l’intention commune qui sous-tend l’exécution des commandements de D.ieu : celle d’accomplir Sa volonté. De plus, au-delà de chaque commandement individuel se trouve une intention particulière : sa pertinence unique et sa capacité à améliorer notre vie. La première intention est totalement opérationnelle, axée sur l’accomplissement de la tâche divine qui se présente à nous ; la seconde intention est plus créative, car elle est centrée sur l’intégration dans notre vie de la leçon à tirer du commandement en tant que force pour le développement spirituel.8
17:11 Un jugement manifestement erroné. Comment se peut-il que la Torah, l’expression ultime et absolue de la vérité, insiste pour que nous obéissions au conseil de ses sages même lorsqu’ils ont prononcé un avis manifestement erroné ? La réponse à cette question se trouve dans l’attitude de la Torah envers la relation entre la vérité divine et ce que nous percevons comme étant la réalité objective. La Torah a beau témoigner d’un grand respect pour le pragmatisme, faisant grand usage de la connaissance empirique, elle reconnaît en même temps la supériorité de la vérité divine sur les phénomènes matériels et la capacité de celle-là à déterminer ceux-ci – ce que nous pourrions désigner comme « idéalisme positif ». Ainsi, le Talmud affirme9 qu’un tribunal de droit juif reconnu par D.ieu, dans la mesure où il fait sienne la voix de la Torah, détient le pouvoir de changer la réalité.
Par conséquent, lorsque le Sanhédrine ou tout autre tribunal de droit juif dûment autorisé « s’égarent », leurs décisions modifient la réalité en question, ce qui, par voie de conséquence, rend leur jugement correct !10
17:15 Tu auras certes le droit de te nommer un roi. La Torah ne s’oppose pas à l’institution de la monarchie. En effet, dans la vision prophétique, le Messie est d’abord dépeint comme un roi.
Les motivations positives pour instituer une monarchie sont généralement les suivantes : tout d’abord, fournir à la société une autorité supérieure susceptible de la contraindre à obéir à la loi, assurant ainsi son fonctionnement approprié ; deuxièmement, dans la mesure où les plus hauts niveaux de raffinement spirituel ne sont pas accessibles à tout le monde – et que tous n’ont pas la liberté nécessaire à la poursuite de tels accomplissements –, il convient de nommer quelqu’un qui aurait atteint ces niveaux afin qu’il inspire le peuple à éveiller en soi la spiritualité qu’il ne possède pas encore mais que la personne désignée incarne, permettant ainsi au peuple de vivre par procuration l’oubli de soi devant D.ieu. Cette deuxième raison est pertinente même quand le peuple ressent la « crainte de D.ieu » de base, qui rend superflue la première raison.
En l’absence de monarchie formelle, le rôle d’une autorité supérieure au-dessus de nos têtes est assumé par l’institution rabbinique.11 Aussi, les sages enseignent à chacun de nous : « Donne-toi un maître [de Torah] »,12 afin de lui demander conseil sur toutes les questions de la vie spirituelle, et soumettre à son analyse et à sa critique nos progrès sur le chemin spirituel.
Nous ne devons pas nous tromper en pensant qu’il n’existe pas de candidat approprié pour servir de « roi » puisque nul n’est parfait, et capable de ce fait de nous comprendre d’une manière objective. La Torah nous assure que, si nous cherchons comme il se doit, nous trouverons certainement les guides les mieux adaptés à nos besoins spirituels.13
18:3 L’épaule, les joues et l’estomac. Ces parties spécifiques des animaux que nous offrions en sacrifice étaient destinées aux prêtres en l’honneur de Pin’has, le petit-fils d’Aharon. Pin’has se servit de ses joues pour prier D.ieu de l’aider alors qu’il utilisait son épaule pour enfoncer l’épée à travers l’estomac de ceux qui étaient en train de défier D.ieu.
Dès lors que le peuple juif est un « royaume de prêtres et un peuple saint »,14 nous devons tous apprendre de l’exemple de Pin’has. Lorsque nos forces intérieures ou celles du dehors s’opposent au progrès continu du monde vers son dessein Divin et que tous nos appels à la coopération sont rejetés, nous devons invoquer notre Pin’has intérieur afin de nous imposer sur notre entêtement ou l’entêtement d’autrui par la pure puissance de la sainteté.15
18:4 Tu donneras. Puisque la Torah ne spécifie pas de quantité minimale pour la terouma ou la toison issue de la première tonte, l’obligation peut être remplie par un don infime. Or, la loi rabbinique stipule que ces dons doivent représenter au moins un soixantième du rendement global parce qu’ils sont censés pourvoir à la subsistance des prêtres, tenant la place de l’héritage foncier accordé aux autres tribus. De nos jours, puisque tout le monde est présumé être rituellement impur et qu’il s’agit d’un crime capital pour quiconque se trouve dans cette condition de consommer de la terouma, la pratique est revenue à l’exigence initiale, selon laquelle une petite quantité de produit est mise de côté à titre de terouma, après quoi elle est laissée à se dégrader ou pour être brûlée. Toutefois, le commandement de faire don de la première tonte est toujours accompli de nos jours. En effet, mettre de côté la toison ne la rend pas sainte, car cela demanderait qu’un prêtre d’une lignée attestée l’utilise ; aussi, le minimum rabbinique pour ce commandement reste en vigueur.16
18:6 Si un prêtre lévite. Afin de s’assurer que le Temple fonctionne d’une manière ordonnée, Moïse organisa les prêtres en groupes, dont17 chacun devait servir dans le Temple pendant un nombre précis et identique de semaines chaque année. Le groupe en fonction recevait uniquement les portions des sacrifices communautaires revenant aux prêtres (par exemple, les offrandes quotidiennes ou celles de Chabbat)18 qui étaient offerts pendant leur période de service. Le reste de l’année, chaque groupe « vendait » ses droits sur ces portions aux autres groupes en échange des droits exclusifs sur elles durant sa propre période de service. ◊*
18:10–15 La divination. Le but de la divination est de prédire le futur dans l’intention de choisir la ligne de conduite la plus efficace dans le présent. La Torah interdit cette démarche parce que nous devons mener notre vie selon ses lois, et non d’après nos idées éventuelles sur ce qui pourrait s’avérer avantageux. Dans les « zones grises » de la vie, autrement dit les questions sur lesquelles la Torah n’offre pas de directive explicite et qui pourraient susciter des doutes sur la marche à suivre (par exemple, quelle carrière poursuivre, avec qui se marier, etc.),19 il est permis – et même conseillé – de tenter de vérifier la volonté de D.ieu par les moyens qu’il a Lui-même fournis : comme la Torah le décrit ici, nous sommes autorisés à consulter à cette fin des prophètes authentiques, et même, depuis la fin de l’ère de la prophétie, la vision inspirée des sages reconnus de la Torah qui a pris leur place.20
18:13 Reste de tout ton cœur avec l’Éternel. Lorsque nous sommes liés à D.ieu, nous ne sommes soumis à aucune forme de prédestination. Aussi, nous ne devons aucunement nous préoccuper de prédire l’avenir, de nous libérer de « sortilèges » déployés par des forces réelles ou imaginaires, ou de faire face à l’influence possible d’incarnations antérieures sur notre vie.
La façon la plus sûre d’assurer notre bonheur et notre succès dans la vie est de nous consacrer de tout cœur à apprendre ce que D.ieu attend de nous (par l’étude de Sa Torah), en Lui adressant directement nos prières et en accomplissant Sa volonté.21
18:22 Ne le crains pas. Si un prophète annonce une calamité, le fait que la calamité ne se produise pas ne le désigne pas pour autant comme un faux prophète, car il se peut que les transgresseurs (dont le comportement a entraîné la prophétie négative) se soient depuis repentis, et que par cela même D.ieu ait annulé ou commué leur châtiment.22
Nous ne devons pas écouter un prophète qui prétend transmettre un ordre Divin si cet ordre vient contredire ce qui est enseigné dans la Torah.23 L’exception à cela est : si un prophète jouissant d’une réputation établie nous ordonne de contrevenir à la Torah comme une mesure temporaire, que réclamerait une situation critique particulière. On en trouve un exemple lorsque le prophète Elie offrit un sacrifice sur le mont Carmel afin de combattre l’idolâtrie,24 même si le Temple avait déjà été construit et que les offrandes en tout autre endroit étaient dès lors interdites. ◊
19:8 Dans le futur. En plus de déclencher la reprise de toutes les pratiques de la Torah suspendues pendant l’exil, l’avènement de la Délivrance messianique ouvrira une ère de paix et de prospérité mondiale permanente.25 Ces changements ne nécessiteront pas une modification fondamentale de la nature humaine ; après tout, le passé connut des moments de paix et de prospérité.
Cependant, il nous est annoncé que cette paix et cette prospérité seront éternelles, ce qui impliquerait à tout le moins une réforme ultime de la nature humaine afin d’éviter de retomber dans la malfaisance. Ainsi, il existe des prophéties indiquant qu’à un moment donné dans le futur messianique se produira une transformation radicale de la nature humaine où D.ieu fera disparaître le mauvais penchant, ce qui nous rétablira dans l’innocence morale d’Adam et Ève avant qu’ils aient mangé le fruit de l’Arbre de la Connaissance.26 Lorsque cette transformation aura lieu, l’on ne commettra plus de meurtre intentionnel, et même les meurtres involontaires ne se produiront pas, puisque les fautes involontaires arrivent quand certaines fautes intérieures, cachées réapparaissent à la surface ; nous serons purgés également de ces fautes.
Cependant, les villes de refuge pourraient encore être nécessaires pour racheter ceux qui auraient commis auparavant des meurtres involontaires. Ces personnes devront s’exiler dans la ville de refuge la plus proche.
L’existence de villes de refuge même dans le futur messianique indique que la permission accordée par la Torah au vengeur du sang de tuer un tel meurtrier lorsqu’il s’en trouve à l’extérieur ne représente pas une concession à la barbarie humaine, mais un acte valable et juste. Comme nous l’avons noté, les fautes involontaires reflètent la présence d’un mal profondément enraciné ; dès lors, si, par la providence divine, quelqu’un commet un meurtre involontaire, cela indique qu’il souffre d’une grave défaillance morale intérieure nécessitant un traitement sévère – c’est-àdire la mort, ou la vie sous menace de mort durant une période prolongée. Comme nous l’avons vu, la Torah détaille différentes procédures pour l’exécution capitale ; ici, elle décrète qu’elle soit administrée par le vengeur du sang, ou, en son absence, par un mandataire nommé par le tribunal.27
Comme Il l’a juré à tes ancêtres. Ce n’est pas un hasard si l’on trouve évoquée la Délivrance future dans le contexte des villes de refuge. Les villes de refuge protègent le meurtrier involontaire du vengeur du sang, et l’exil du meurtrier dans la ville de refuge rachète la faute non intentionnelle qu’il a commise.28 Dans un sens allégorique, le vengeur du sang est notre mauvais penchant. Il tente de nous inciter à la faute, nous faisant ainsi souffrir une certaine forme de « mort » spirituelle, c’est-à-dire une perte de vitalité dans notre vie spirituelle. La Délivrance messianique sera notre refuge ultime contre ce poursuivant, étant donné que le mauvais penchant sera alors annulé.29 De même, la Délivrance messianique et la reprise concomitante du service du Temple donneront l’occasion d’achever leur rachat à tous ceux qui en auront besoin.
En attendant, l’étude de la Torah reste notre refuge contre notre mauvais penchant, car la sainteté de la Torah a le pouvoir de neutraliser l’effet qu’a le mal sur nous.30
19:15 Au moins deux témoins. La seule exception est que la déposition d’un seul témoin peut servir à contraindre une personne accusée d’une obligation financière non remplie à jurer qu’elle n’y est pas impliquée. La grande responsabilité d’avoir à prêter serment31 la dissuadera vraisemblablement de mentir. ◊
La déposition de deux témoins. Le droit juif distingue deux types de témoins : les témoins d’attestation, qui doivent être présents lors du déroulement d’une certaine procédure juridique pour qu’elle soit considérée comme juridiquement valide ; et les témoins porteurs de témoignage, dont le rôle est de déclarer devant le tribunal qu’ils ont été présents lors d’un acte en particulier, confirmant ainsi qu’il a bien eu lieu. Un exemple du premier type de témoins est constitué par ceux qui doivent être présents à une cérémonie de mariage ou à une procédure de divorce pour qu’elle soit valide ; un exemple du second type est le cas décrit dans ce verset : les témoins d’un meurtre.
Ainsi, dans ce verset, le sens des mots « la question doit être confirmée » connaît un changement subtil selon qu’elle porte sur l’un ou l’autre type de témoins. Dans le premier cas, la phrase signifie « la procédure sera considérée comme juridiquement valide » ; dans le second, « l’acte sera considéré comme ayant eu lieu ».
Les correspondants spirituels de ces deux types de témoins sont ceux qui, respectivement, attestent et portent témoignage de la transcendance absolue de l’essence de D.ieu. Pour expliquer : aucun témoignage n’est nécessaire pour prouver l’existence de la puissance divine immanente qui soutient la création ; il nous suffit de contempler l’ordre et le fonctionnement de la nature pour en déduire l’existence de ce pouvoir. Il n’est pas non plus besoin de témoignage pour justifier l’existence de la puissance divine transcendante qui fait naître la réalité : tout comme elle accepte la réalité du Divin immanent, la pensée comprend que le Divin ne saurait être l’expression ultime du potentiel de D.ieu.
Ce qui requiert bien un témoignage, c’est la notion selon laquelle l’essence de D.ieu est quelque chose d’entièrement abstrait, qu’elle est non seulement au-delà de notre aptitude à la comprendre, mais encore de celle de l’imaginer. La véracité de cette notion doit être établie par des « témoins », étant donné qu’aucun impératif logique ne pose que tel est le cas.
La Torah fait référence « au ciel et à la terre » comme porteurs de ce témoignage.32 Par rapport aux êtres humains en tant qu’individus, le ciel et la terre évoquent l’infini. Les corps célestes existent « éternellement ». Autrement dit, ils ne présentent aucun changement perceptible à travers les générations, et, bien qu’aucune des créatures de la terre ne vive éternellement, leurs espèces persistent « éternellement », sans changement perceptible à travers les générations. Ainsi, le ciel et la terre portent témoignage de l’existence d’une puissance (relativement) infinie incorporée dans la création, et, puisque la création entière est créée par D.ieu, cette infinité relative doit découler d’une véritable infinité au sein de D.ieu, ce qui indique l’existence d’un aspect de Lui se trouvant infiniment au-delà de notre capacité à le concevoir.
Alors que le ciel et la terre portent témoignage de l’infini de D.ieu, le peuple juif atteste de cet infini ; il le réalise, pour ainsi dire. C’est par l’étude de la Torah et l’observance des commandements de D.ieu que le peuple juif introduit dans le monde matériel Son essence ineffable, accomplissant ainsi de manière paradoxale l’exploit radicalement impossible d’exprimer dans ce monde fini ce qui est inexprimable par nature.
Le témoignage du ciel et de la terre permet effectivement au monde d’apprécier l’infini de D.ieu, mais cela n’implique pas forcément que l’univers ne pourrait pas exister en dehors de Lui. En revanche, l’attestation de l’infini de D.ieu, telle que l’expriment notre étude de la Torah et l’accomplissement des commandements, implique de manière explicite que l’existence de D.ieu est la seule existence vraie, que toutes les autres formes d’existence dépendent de Lui, et que « rien n’existe en dehors de Lui ».33
20:8 Les officiers ajouteront. D’un autre point de vue, cette dernière raison pour être dispensé du service ne s’adresse qu’à ceux qui craignent que leurs fautes l’emportent sur leurs mérites, ce qui les rend indignes de la protection divine. Dans ce contexte, lorsque le prêtre annonçait d’emblée que les soldats ne devaient pas craindre de s’engager dans la bataille,34 ceux qui avaient peur comprenaient que, s’ils ne pouvaient pas remplir cette condition, ils devaient rentrer chez eux, sans besoin d’une dispense supplémentaire. D.ieu déchargeait alors du service militaire le propriétaire d’une nouvelle maison, le propriétaire d’un nouveau vignoble et l’homme en situation de fiançailles – non pas parce qu’ils seraient soumis à une certaine angoisse qui saperait leur capacité à s’engager dans le combat, mais afin de ne pas embarrasser les fauteurs qui décideraient de quitter les rangs, leur défection pouvant être attribuée à leur appartenance à l’une des trois autres catégories. Dans ce contexte, la raison pour laquelle l’annonce concernant la crainte était prononcée en dernier lieu était de protéger les fauteurs : si elle était annoncée en premier, tout le monde aurait vu ces gens se préparer d’ores et déjà à quitter le champ de bataille, mettant ainsi à bas la raison d’être de l’exemption des trois autres catégories de soldats.35
Quoi qu’il en soit, une fois que les prêtres et les officiers ont conclu leurs discours, les hommes dispensés de rejoindre les rangs de combat quitteront les rangs et rentreront chez eux. Mais ils restent obligés d’approvisionner les troupes en eau ou en vivres, comme de réparer les chemins, selon les besoins.36
20:19 L’homme est-il un arbre du champ ? Conformément à sa formulation en hébreu, cette phrase offre la latitude d’être interprétée non seulement comme une question, mais aussi comme une affirmation : « L’homme est un arbre du champ ». L’angle principal sous lequel l’arbre est un équivalent métaphorique de l’être humain est que, tout comme l’arbre pousse et produit des fruits, nous devons aussi mûrir et être productifs dans la vie.
De tous les constituants de l’être humain qui manifestent la croissance et la maturation, le plus marquant est celui de nos émotions : nos goûts et nos dégoûts, nos aspirations et nos rêves. Lorsqu’elles sont gouvernées et entraînées par notre intellect, nos émotions peuvent mûrir de manière surprenante, au point de ne guère ressembler aux émotions infantiles ou primaires que nous avons ressenties dans notre enfance.
En outre, ce qui distingue le règne végétal des autres formes de vie, c’est que les plantes doivent être toujours liées à leur source de vitalité – la terre – pour rester en vie. Certes, les poissons doivent toujours rester dans l’eau, mais ils peuvent migrer d’un plan d’eau à un autre. Transplanter une plante, par contre, est quelque chose de bien plus difficile à réaliser. Ceci ressort notamment dans le cas des arbres, qui restent vivants et se développent d’année en année. Leur capacité non seulement à survivre aux changements de saisons, mais à prospérer malgré eux, témoigne de leur lien étroit avec leur source de vie. De même, les émotions sont plus profondément enracinées dans l’âme que ne l’est l’intellect. Elles sont donc à la fois plus solides et contraignantes que l’intellect, qui peut passer d’une conclusion à une autre comme l’animal se déplace d’un endroit à l’autre.
Aussi, ce sont précisément nos émotions qui dénotent le développement de la personne que nous sommes devenus. N’importe qui peut être doué d’une intelligence ou d’un talent supérieur, mais les émotions vraiment raffinées ne s’obtiennent que par des efforts soutenus vers l’amélioration de soi.
Le signe qu’une personne a atteint un certain degré de maturité émotionnelle est qu’elle a décidé à dessein d’abandonner le repli sur soi enfantin et de contribuer au monde. L’allégorie de cette maturité est l’arbre fruitier. Contrairement à l’arbre stérile, qui nous impressionne par sa présence imposante ou nous offre de l’ombre (pour laquelle il ne sacrifie rien), l’arbre fruitier nous gratifie de nourriture et de délice à ses frais.
Ainsi, une première leçon de la métaphore de l’arbre est : bien que certains puissent mener leur vie comme des « poissons », totalement immergés dans la source de vie spirituelle – l’étude de la Torah et la prière –, la plupart d’entre nous vivons comme des « arbres », exposés aux éléments extérieurs et ayant à surmonter les différents climats spirituels qui caractérisent le monde matériel. En conséquence, il nous est impératif de posséder des racines profondes, autrement dit de nous assurer de rester fermement enracinés dans l’étude de la Torah et fidèles à l’héritage de nos ancêtres. De même, ceux d’entre nous qui consacrent la vie principalement à l’étude de la Torah doivent réaliser qu’il ne suffit pas d’être des « poissons » se déplaçant dans la mer de la pensée abstraite, mais également des « arbres » grandissant continuellement au fur et à mesure qu’ils affinent leurs émotions, de sorte que, lorsqu’ils s’aventureront hors de l’incubateur de la Torah, ils garderont l’orientation spirituelle appropriée.37
21:2 Le Sanhédrine sortira. On comprend aisément pourquoi le tribunal de la ville la plus proche doit être impliqué dans le rituel du rachat pour un meurtre sans témoins : dans le cadre du rituel, les juges ont à se décharger de leur culpabilité éventuelle d’avoir failli à lui fournir une escorte appropriée. Or, pourquoi le Sanhédrine, siégeant à Jérusalem, devait-il faire l’effort de se rendre dans un lieu lointain pour participer au rituel ? En quoi est-il à blâmer si le crime a été commis ?
Le Midrach38 répond que le Sanhédrine est responsable de l’éducation morale du peuple ; dès lors, ses membres ont une certaine responsabilité dans un tel crime, même indirecte. Voici un enseignement indubitable pour ceux d’entre nous qui détiennent des positions d’influence : nous ne devons pas nous contenter d’exécuter convenablement les tâches associées à notre position ; nous devons utiliser notre influence pour l’édification morale du plus large public possible.
Au sens allégorique, celui qui est « tué » à l’extérieur, dans le « champ », fait référence à quiconque serait tombé victime d’une vision profane matérialiste – personnelle ou bien issue de la société –, ce qui l’éloigne de la Torah, notre source de vie véritable et de vitalité. Si quelqu’un se disait que ceux ayant la chance de ne pas se compter parmi les victimes d’une telle perspective n’ont pas à se soucier de cet individu, la Torah nous indique ici le contraire. C’est le Sanhédrine lui-même qui assumait la responsabilité d’une telle personne, et les autorités locales devaient lui fournir une éducation en Torah appropriée (« de la nourriture », la Torah étant notre nourriture spirituelle) ainsi que lui inculquer la nécessité de garder les commandements de D.ieu (« les vêtements », car les commandements nous protègent de la froideur spirituelle et nous préservent des influences négatives). En suivant leur exemple, nous devons également faire tout ce qui est en notre pouvoir pour subvenir aux besoins matériels et spirituels de nos frères et sœurs tombés dans la détresse.39
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