Choftim – Les dirigeants

La cinquième partie du Deutéronome continue le second discours d’adieu que Moïse adresse au peuple juif. Elle s’ouvre au moment où Moïse ordonne au peuple de nommer des juges (choftim, en hébreu) afin d’examiner les affaires et faire respecter la loi. Elle continue par les instructions de Moïse concernant les autres dirigeants du peuple juif : le roi, les prêtres et les prophètes.

Étant donné que ces quatre catégories de dirigeants sont traitées au sein d’une même paracha portant le nom de Choftim, il s’ensuit que la Torah considère le juge comme incarnant le prototype de la direction. En effet, le rôle du juge est de veiller à ce que le comportement de l’individu comme celui du peuple soient conformes aux normes spirituelles de la Torah, assurant ainsi le bien-être de l’individu et de la communauté alors qu’ils se combinent pour former une société saine, sûre et fonctionnant comme il se doit. Le maintien d’une telle société est à la base de la révélation de la présence de D.ieu sur terre, rendant le monde digne d’être la demeure de D.ieu.

Dans le cadre du thème général du Deutéronome, la techouva – l’appel au retour à D.ieu après une période d’éloignement –, la paracha de Choftim souligne la nécessité de conférer du pouvoir à une autorité spirituelle et de s’y conformer, de soumettre notre comportement à la critique de ceux à qui nous avons confié la tâche de nous aider à vivre selon les désirs de D.ieu. Cette soumission à l’autorité n’est pas, dans la perspective de la Torah, une soumission à l’oppression totalitaire en conséquence de notre imperfection en tant qu’êtres humains. Au contraire : puisque notre essence, notre âme Divine, ne désire en soi qu’accomplir la volonté de D.ieu au sens le plus plein, toute déviation de cette voie est contraire à notre nature. La soumission à une autorité spirituelle qui détermine si nous agissons en conformité avec les directives de la Torah constitue dès lors un simple moyen pour nous aider à être fidèles à notre être intérieur.

La conclusion de la paracha de Choftim exprime cette notion avec éloquence. Lorsque l’on découvre la dépouille d’un homme victime d’un meurtre commis sans témoins hors des limites de la ville, la Torah prescrit un rituel conçu pour éliminer toute présomption de culpabilité qui pourrait retomber sur la communauté dans son ensemble. Dans la mesure où le meurtre – qui prive la victime de la capacité d’accomplir sa mission dans la vie – est la faute par excellence, et par cela même la métaphore de toute faute, ce rituel affirme que nous ne saurions en être tenus pour responsables ultimes. C’est parce que dans ce monde matériel, un monde niant D.ieu, nous vivons hors de notre élément naturel que nous tombons parfois dans un comportement indigne de notre source Divine. Dès lors, pour ainsi dire, D.ieu fait en sorte qu’il existe quelque chose comme la faute, dont la finalité est de nous amener à atteindre un niveau plus élevé de conscience divine en nous repentant et en réparant les dommages causés par une techouva appropriée et sincère.

La phrase liminaire de cette paracha – « Tu nommeras des juges et des officiers » – indique que le commandement de nommer des juges inclut celui de créer un corps de police bien formé et équipé pour qu’il agisse comme le bras armé de la loi, faisant respecter les décisions des juges en cas de besoin.

Dans l’ordre actuel du monde, cette force de police est une nécessité inévitable ; en effet, les sages du Talmud déclarent : « Un juge sans officier n’est pas un juge ».1 En revanche, dans le futur messianique, lorsque D.ieu « ôtera l’esprit d’impureté de la terre », ce corps de police deviendra superfétatoire ; les plaideurs exécuteront les décisions des juges de leur propre gré. Aussi, le prophète Isaïe nous annonce qu’en ces jours-là, D.ieu « rétablira tes juges comme aux premiers temps, et tes conseillers comme aux débuts »,2 mais ne fait aucune mention des officiers.

Pourtant, le nom donné à cette paracha est simplement Choftim (« juges ») et non pas Choftim veChoterim (« juges et officiers »), de telle sorte que, si la paracha traite des nécessités du présent, son nom concentre notre regard sur l’état idéal du futur messianique, lorsque les officiers ne seront plus nécessaires.

Une manière de hâter l’avènement de la Délivrance est de vivre avec une « conscience messianique », c’est-à-dire de vivre d’ores et déjà – dans toute la mesure du possible et de l’acceptable – comme nous vivrons après l’arrivée du Messie.3 Il s’ensuit que le fait d’accepter sans hésiter les injonctions et conseils de nos « juges » – les autorités religieuses qui appliquent les enseignements de la Torah aux particularités de chaque génération –, sans qu’il faille des « officiers » pour les faire respecter, est en soi un moyen d’entrer dans l’ère messianique.4