1:1 Que Moïse adressa. Sentant qu’il mourrait bientôt, Moïse comprit que le temps était venu de réprimander les Juifs pour leurs méfaits afin qu’ils se repentent et, guidés par son successeur, soient prêts à commencer l’étape suivante de leur vie en tant que peuple, avec un dévouement renouvelé pour leur objectif divin.
De plus, à présent que les Juifs étaient sur le point d’entrer en terre d’Israël et de commencer à y vivre, Moïse comprit qu’il était temps de revoir les aspects des enseignements de la Torah qui avaient besoin d’être clarifiés, et de transmettre ceux qu’il n’avait pas encore transmis du fait qu’ils ne s’appliquaient pas dans le contexte de la vie dans le désert.
Par profond respect pour le peuple, il ne mentionna pas explicitement ses méfaits, mais se contenta d’y faire allusion en nommant le lieu où ils s’étaient produits, ou bien en s’y référant de manière indirecte.
Moïse les admonesta pour s’être plaints à Alouch, dans le désert de Sin, quand ils manquaient de vivres ;1 pour avoir gardé de la manne pour le lendemain matin ;2 pour être sortis le jour de Chabbat afin d’en ramasser ;3 pour s’être plaints du manque d’eau ;4 pour s’être plaints du manque de viande ;5 pour avoir adoré Baal Péor lorsqu’ils se trouvaient dans la plaine de Moab ;6 pour avoir douté que D.ieu les sauverait quand ils campaient face à la mer des Joncs et que les Égyptiens les poursuivaient ;7 pour avoir douté que D.ieu les sauverait effectivement lorsqu’ils sortaient de la mer des Joncs ;8 pour avoir douté de la capacité de D.ieu à vaincre les habitants de la terre d’Israël après avoir entendu le rapport des explorateurs lorsqu’ils campaient à Ritma, dans le désert de Paran ;9 pour avoir maudit la manne blanche et délicieuse que D.ieu leur avait donné à manger ;10 pour s’être associés à la rébellion de Kora’h,11 qui eut lieu après leur déplacement de ‘Hatseirot à Ritma ;12 et pour avoir fabriqué le veau d’or, faisant ainsi effrontément un mauvais usage de l’abondance que D.ieu avait déversée sur eux lorsqu’ils avaient quitté l’Égypte.13 Tout en se référant indirectement aux fautes du peuple juif, Moïse faisait également allusion aux circonstances atténuantes qui en atténuaient la gravité :
Le désert : Le désert qu’ils traversaient était hostile et dangereux.14 Il est donc compréhensible qu’ils aient été saisis de panique face à l’éventualité d’un épuisement des vivres.
La plaine : C’était la plaine de Moab, dont les habitants étaient connus pour leur dépravation.15 Dans ce milieu débauché, il était particulièrement difficile de résister aux avances des séductrices moabites.
En face de [la mer des] Joncs : Là-bas, ils étaient cernés de toutes parts : par la mer infranchissable devant eux, et par les Égyptiens se rapprochant d’eux par l’arrière. On peut comprendre qu’il ait été difficile de rester ferme et de garder un comportement à la hauteur de telles circonstances.
À Paran : Les explorateurs revinrent de leur mission de reconnaissance avec un rapport effrayant. Le peuple juif lui-même n’aurait jamais douté de la capacité de D.ieu à l’aider à conquérir la terre ; ce n’est qu’après avoir écouté ce rapport qu’ils perdirent courage.
Décrier la [manne] blanche : La manne avait certes le goût de tout ce dont pouvait avoir envie quiconque en mangeait,16 mais elle avait toujours cette couleur blanche, indéfinie. Avoir à manger des aliments toujours identiques est une raison suffisante pour trouver à se plaindre.
‘Hatseirot : Kora’h provoqua cette rébellion de son propre chef ; le peuple n’aurait jamais songé à se rebeller contre Moïse.
Le [veau] d’or : Ce n’est que parce que D.ieu Lui-même leur prodigua une telle abondance d’or lorsqu’ils quittèrent l’Égypte que les Juifs succombèrent à la tentation de l’employer à mauvais escient.17
Ainsi, même quand il admonestait le peuple, Moïse prenait soin de le justifier.18
Du côté du Jourdain. À plusieurs reprises la Torah nous a indiqué la localisation des enfants d’Israël en des termes plus précis : les plaines de Moab.19 La raison pour laquelle elle fait ici usage de la description plus vague et générale de « l’autre côté du Jourdain » est que le Deutéronome s’adresse à la génération qui entrera bientôt en terre d’Israël. Avant même d’entrer dans le pays, l’attention des Juifs doit être centrée sur lui au point de considérer leur emplacement actuel comme l’autre côté du Jourdain.
Le message pour nous, alors que nous nous trouvons au seuil de notre entrée en Terre Promise avec l’avènement de la Délivrance ultime, est que nous devons dès à présent nous concentrer sur notre destination ultime aussi résolument que si nous y vivions déjà. Si les circonstances nous obligent pour le moment à en être à l’extérieur, nous devons tout de même nous considérer non pas comme étant chez nous, mais quelque part « là-bas ».20
1:4 Moïse attendit. Moïse avait une autre raison d’attendre pour réprimander les Juifs jusqu’après avoir vaincu les rois amoréens : les gens acceptent plus facilement la réprimande après avoir reçu un bénéfice venu de celui qui la leur a adressée.
Ici le don matériel ne constitue pas un acte hypocrite. Lorsque nous formulons un reproche à quelqu’un, nous lui accordons une faveur spirituelle ; aussi, en faisant précéder cette faveur spirituelle d’une faveur matérielle, nous nous assurons que les deux parties considèrent la réprimande sous le jour qui convient. Par son exemple, Moïse nous montre que ce principe s’applique même lorsque l’individu ou le groupe doivent être admonestés pour une faute aussi grave que la fabrication du veau d’or. De l’exemple de Moïse, nous apprenons que nous devons apporter aux autres notre aide la plus complète – tant matérielle que spirituelle – afin de les remettre sur le bon chemin dans la vie.
En aidant autrui de la sorte, nous gagnons l’aide de D.ieu pour trouver notre propre chemin dans la vie, ainsi que Son aide pour subvenir à nos besoins matériels et à ceux de nos proches.21
1:5 Dans les soixante-dix langues originelles. Étant donné que la Torah écrite est la parole explicite de D.ieu, la logique dicterait que seule son étude dans le texte hébreu original est considérée comme une étude véritable, par laquelle nous accomplissons le commandement d’étude de la Torah. Après tout, les subtiles nuances de sens et d’implication inhérentes au texte – sans parler de ses sous-entendus allusifs et mystiques – ne peuvent être remarquées et appréciées que dans l’original. D’autre part, puisque à l’origine la Torah orale fut transmise par Moïse en hébreu, il semblerait également que seule son étude en hébreu peut compter comme une véritable étude de la Torah. Par conséquent, en demandant à Moïse d’expliquer et d’inscrire la Torah dans toutes les soixante-dix langues originelles, D.ieu établit le précédent pour toute étude ultérieure de la Torah dans les langues profanes.
Bien que, pour les raisons mentionnées, il soit préférable d’étudier la Torah dans sa version originale, son étude dans les langues profanes a ceci d’avantageux que, ainsi, elles sont élevées et sanctifiées, au moins au moment où elles servent à cette fin. En outre, exprimer des concepts de la Torah dans des langues profanes permet à la sainteté et au message de la Torah d’imprégner même les couches de l’existence qui sont a priori antithétiques ou contraires à la conscience divine.22
1:6 Vous avez résidé trop longtemps sur cette montagne. D.ieu fait ici allusion à l’enseignement qui préconise de ne jamais rester trop longtemps à un même niveau dans notre relation avec Lui, sans avancer et s’élever. En effet, nous devons nous efforcer d’atteindre le degré suivant de spiritualité dès que nous avons pris conscience de son existence.23
De plus, ce verset nous enseigne à ne pas nous cloîtrer dans une salle d’étude et nous consacrer uniquement à notre raffinement personnel. Au contraire, D.ieu nous met au défi de quitter cet environnement pur et sacré en nous faisant voyager vers un endroit éloigné de « Sa montagne » pour éclairer même ces contrées lointaines par la lumière Divine de la Torah.24
1:12 À moi seul. Nous sommes tous chargés de la même mission que Moïse : éduquer et nous guider nous-mêmes – ainsi que ceux qui se trouvent dans notre sphère d’influence – dans les voies de la Torah. Si l’on s’interroge sur la façon d’endosser une si grande responsabilité, nous devons nous rappeler que, lorsque Moïse posa la même question à D.ieu, Il lui fournit aussitôt une solution pratique. Tout comme D.ieu offrit à Moïse les moyens d’accomplir sa mission, D.ieu nous offre les moyens et les ressources pour accomplir la nôtre, aussi ardues ou écrasantes que puissent paraître nos responsabilités.25
18 Je vous avais alors prescrit. Voici les différences de procédure entre les affaires civiles et les affaires de crime capital : 1) Les affaires civiles peuvent être jugées par un tribunal constitué de trois juges ; celles portant sur la peine capitale requièrent un tribunal composé de vingt-trois juges. 2) En matière civile, les arguments présentés en premier lieu peuvent être en faveur ou contre le défendeur ; en matière de peine capitale, les arguments présentés en premier lieu doivent être en faveur de l’accusé. 3) En matière civile, la décision défavorable au défendeur peut être prise à la majorité d’une seule personne ; en matière de peine capitale, la décision défavorable à l’accusé doit être prise à la majorité de deux personnes. 4) En matière civile, si d’autres éléments de preuve sont produits après le prononcé de la décision, ils peuvent être utilisés pour annuler cette décision, qu’elle soit favorable ou défavorable au défendeur ; en matière de peine capitale, ils ne peuvent être utilisés qu’en faveur de l’accusé. 5) En matière civile, des juges stagiaires peuvent prendre la parole en faveur ou contre le défendeur ; en matière de peine capitale, ils ne peuvent prendre la parole qu’en sa faveur. 6) Dans les affaires civiles, un juge peut retirer son vote, qu’il soit favorable ou défavorable au défendeur ; dans les affaires capitales, il ne peut le retirer que s’il était défavorable à l’accusé. 7) En matière civile, si la discussion se poursuit la nuit, les juges peuvent rendre leur décision dans la nuit même ; en matière de peine capitale, ils doivent remettre leur décision au lendemain. 8) Dans les affaires civiles, si le tribunal prend une décision défavorable au défendeur, il peut la rendre le jour même où l’affaire a été examinée ; dans les affaires capitales, il doit attendre le lendemain pour ce faire afin d’accorder davantage de temps à l’ajout d’éléments de preuve supplémentaires en faveur de l’accusé. 9) Dans les affaires civiles, le juge le plus âgé donne son avis en premier, tandis que dans les affaires capitales, c’est le plus jeune qui donne son avis en premier, afin qu’aucun juge ne soit influencé par l’avis d’un juge plus âgé. 10) Un juge de naissance illégitime peut siéger dans les affaires civiles, mais pas dans les affaires de condamnation à mort.26
1:27 Vous avez calomnié D.ieu. Moïse dit : « Vous prétendez que D.ieu répond à votre amour par de la haine, posant qu’Il a été forcé de vous donner le pays qui est le vôtre parce que c’est ce qu’Il avait promis aux patriarches, mais qu’Il a donné la terre de choix aux Égyptiens et vous a réservé une terre de qualité inférieure. Mais c’est vous qui avez répondu à Son amour par de la haine, parce que votre plainte était manifestement fausse : l’Égypte a beau être généreusement irriguée par la crue annuelle du Nil, il faut de grands efforts pour acheminer cette eau sur les champs afin de les irriguer. En revanche, bien qu’en terre d’Israël il vous faille obtenir la pluie par votre bonne conduite27 et prier constamment pour elle, dès lors qu’elle tombe du ciel, c’est elle-même qui arrose les champs ! »
Vous avez calomnié D.ieu. Jusqu’au moment de la Délivrance ultime, lorsque tous les obstacles empêchant la pleine révélation de la bonté de D.ieu auront disparu, il restera malheureusement des situations où l’amour de D.ieu se confondra, à nos yeux, à de la cruauté. En attendant, notre défi est de rester pleinement conscients que D.ieu manifeste à tous moments Son amour pour nous, même si parfois cela semble être exactement le contraire. Rester conscients de cet amour nous incitera à y répondre en accomplissant Sa volonté au maximum de nos capacités. Cela, à son tour, éliminera les derniers obstacles qui restent encore et nous empêchent d’atteindre la Délivrance ultime.28
2:4–5 Prenez grand soin et ne les provoquez pas. Dans Son pacte original avec Abraham (l’Alliance des Moitiés), D.ieu promit de donner à ses descendants le territoire occupé par dix peuples : les Kenites, les Kenizites, les Kadmonites, les Hittites, les Pérézéens, les Rephaïm, les Amoréens, les Cananéens, les Guirgachéens et les Jébuséens.29 Mais D.ieu ne permit pas au peuple juif de conquérir le territoire occupé par les trois premiers peuples (conquis plus tard par Ammon, Moab et Edom, respectivement) la première fois qu’ils entrèrent dans le pays, au temps de Moïse et de Josué. Ce n’est que dans l’avenir, aux temps messianiques, qu’» Edom et Moab leur seront soumis, et les enfants d’Ammon leur obéiront ».30
La raison en est que ces dix peuples incarnaient les trois attributs intellectuels et les sept attributs émotionnels qui constituent la personnalité humaine non rectifiée (l’» âme animale »). Le pendant spirituel de la conquête de Canaan et sa transformation en terre d’Israël est la conquête de tous ces attributs et leur transformation en des équivalents divins. Le fait que D.ieu nous ait ordonné de conquérir les sept peuples cananéens, mais nous ait interdit de conquérir les trois autres jusqu’aux temps messianiques, signifie qu’en attendant nous pouvons seulement parfaire nos émotions, mais pas notre intellect.
Ceci est dû au fait que la façon de rectifier n’importe quel aspect de la réalité est d’en corriger la source. Nos émotions étant régies par notre intellect, nous pouvons nous servir de lui pour nous « enseigner » à nous-mêmes quoi aimer et quoi haïr.
Cependant, la situation de l’exil est telle que cette possibilité d’influencer notre intellect n’est pas à notre portée. L’intellect est gouverné par des aspects de nos personnalités profondément enfouis et hors de la portée de la conscience, et les outils nous permettant de contrôler cette partie de nous-mêmes ne nous sont pas pour l’instant totalement disponibles.
Néanmoins, alors que nous approchons de l’avènement de l’ère messianique et que la lumière du futur commence à luire, nous pouvons savourer un « avant-goût » de cette période en étudiant en profondeur les enseignements du ‘hassidisme. Ces enseignements puisent dans les aspects les plus élevés de notre âme ; en les étudiant, nous pouvons avec certitude commencer à rectifier notre intellect ainsi que nos émotions.31
3:18 Traversent, armés, devant vos frères. La conquête de la terre d’Israël correspond à la conquête intérieure du côté animal de notre personnalité afin de nous assurer de mener notre vie sur un mode Divin. La force intérieure qui nous guide dans cette bataille – nos « tribus intérieures » de Ruben et de Gad – est notre capacité à risquer notre vie pour ces principes.
Habituellement, il nous suffit de nous rappeler que nous serions prêts à faire don de notre vie pour nos principes, et que, par essence, toute menace envers notre mission Divine constitue une attaque directe contre eux. Résister à nos pulsions animales devient alors une affaire beaucoup plus simple.
Cependant, lorsque nous sommes confrontés à un défi majeur qui met en péril notre identité ou notre mode de vie juifs, nous devons invoquer non seulement le rappel de notre volonté de tout sacrifier pour nos principes, mais également la volonté elle-même. C’est là notre capacité à affirmer notre judaïsme, aussi puissants que soient les pouvoirs de persuasion, de ridicule ou de contrainte que les forces contraires lancent contre nous. Nos tribus intérieures de Ruben et de Gad doivent bondir en avant comme des « bataillons » séparés et anéantir l’ennemi d’un seul coup.
En utilisant cette force intérieure, nous hâtons notre délivrance personnelle ainsi que la Délivrance véritable et finale, tant du peuple juif que de l’humanité entière.32
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