Au début du livre Devarim, le verset déclare : « La quarantième année, le premier jour du onzième mois, Moïse parla aux enfants d’Israël au sujet de tout ce que D.ieu lui avait commandé pour eux. »1

Que leur a dit Moïse exactement ?

Le commentaire de Sforno explique2 que Moïse leur répéta toute la Torah révélée jusque-là. C’est l’une des raisons pour lesquelles le Livre de Devarim porte également le nom de « Michné Torah », « la répétition de la Torah ».3

Nos Sages enseignent4 que le Livre de Devarim diffère des quatre premiers livres de la Torah en ce que ces derniers furent émis « de la bouche de D.ieu », tandis que Devarim vient « de la bouche de Moïse ».

Cela ne signifie pas – à D.ieu ne plaise – que les mots du Michné Torah ne sont pas ceux de D.ieu. Au contraire, comme l’explique Rachi5 : « Moïse n’a pas dit aux Juifs le Michné Torah de lui-même. Au fur et à mesure qu’il le recevait de D.ieu, il le leur répétait. »

Puisque les paroles du Michné Torah ne sont pas des paroles de Moïse mais de D.ieu, pourquoi dès lors les quatre premiers livres de la Torah sont-ils considérés comme provenant « de la bouche de D.ieu » alors que le livre de Devarim est considéré comme provenant « de la bouche de Moïse » ? Quelle différence y a-t-il entre les quatre premiers livres et le cinquième ?

La sainteté inhérente à la Torah est telle qu’elle transcende complètement ce monde physique.6 Pour qu’elle descende dans ce monde, un intermédiaire est nécessaire qui doit d’une part être plus élevé que ce monde, et d’autre part se trouver en lui. Cet intermédiaire établit le lien entre la sainte Torah et ce monde matériel.

Moïse fut cet intermédiaire dans la mesure où il combinait des aspects de ce monde avec des niveaux plus élevés. Son humilité était vraiment d’un autre monde ; en même temps, il a atteignit le plus haut degré de perfection possible pour un être terrestre.7

Or, l’information transite par un intermédiaire de deux manières8 :

a) L’information traverse l’intermédiaire, mais elle ne s’unit pas avec lui. Celui-ci ne fait que provoquer sa descente.

b) La communication devient si totalement unifiée avec l’intermédiaire qu’elle est refaçonnée – personnalisée – par son passage à travers lui. Ceci permet alors aux destinataires de recevoir l’information en fonction de leur propre niveau intellectuel.

Un exemple : lorsque l’intellect est transmis par les doigts, quand par exemple on note une idée ou que l’on peint une image, les doigts ne remodèlent pas la pensée. Cependant, lorsqu’une pensée est exprimée avec émotion, celle-ci colorera et changera l’intellect en conséquence.9

C’est là que réside la différence entre les quatre premiers livres de la Torah et le Michné Torah : dans les quatre premiers, Moïse servit d’intermédiaire selon la première modalité, et la Torah est demeurée une communication « de la bouche de D.ieu ». Dans le Michné Torah, en revanche, les paroles de D.ieu étaient revêtues dans l’intellect de Moïse, et sont donc considérées comme émanant « de la bouche de Moïse. »10

Quel est l’avantage à ce que la Torah soit revêtue de l’intellect de Moïse ? Cela semble plutôt impliquer une descente dans la sainteté !

La réponse tient dans le fait que lorsqu’un flux de connaissance divine n’est pas revêtu de l’intellect d’un intermédiaire humain, il échappe à la compréhension car une telle connaissance est par définition hors de la portée du récepteur et l’intermédiaire n’a rien fait pour la rendre plus accessible.

Ainsi, si la Torah n’avait été transmise qu’à la manière des quatre premiers livres (c’est-à-dire « de la bouche de D.ieu »), il aurait été impossible pour les Juifs de la comprendre vraiment. Cependant, lorsque Moïse leur a répété la Torah dans ses propres mots (c’est-à-dire « de la bouche de Moïse »), elle leur devint compréhensible.

Basé sur Likoutei Si’hot vol. 19, p. 9-12
Traduit de The Chassidic Dimension