30:3 Si un homme fait un vœu. En général, la Torah divise tout ce que nous pouvons faire dans ce monde en trois catégories : ce que nous devons faire, ce que nous pouvons faire et ce que nous ne devons pas faire. La catégorie du milieu est évidemment la plus fluide : tout ce qui en fait partie peut devenir des forces positives dans la vie si l’on s’en sert avec les intentions appropriées. En général, s’il est possible à quelqu’un de se livrer à un plaisir que D.ieu a mis dans ce monde pour notre contentement sans mettre en péril sa conscience divine, il est encouragé à le faire.

Cependant, quand le sujet voit qu’un plaisir donné a sur lui un effet négatif, il doit au moins y renoncer temporairement. S’il se sent incapable de résister à l’envie en question, il peut prononcer un vœu formel, qui la lui interdit comme si elle avait été interdite par la Torah. Mais s’il se sent capable de se contrôler, il vaut mieux s’abstenir de ce plaisir sans avoir recours au formalisme d’un vœu. À cet égard, les sages disent : « Sanctifie-toi dans ce qui t’est permis. »1 Dans un cas comme dans l’autre, l’individu doit être honnête avec lui-même par rapport aux aspects de la vie qu’il est prêt à élever et à ceux sur lesquels il ne l’est pas, et jusqu’où il s’engagera pour brider ses appétits.2 En se protégeant des éléments qui pourraient porter préjudice à sa conscience divine, le sujet affaiblit le pouvoir du matérialisme sur lui, en même temps qu’il accroît en lui le pouvoir de la sainteté. Cela accroît également sa force pour résister au mal.3

Or la Torah affirme que certains individus ont le pouvoir d’annuler les vœux formulés par d’autres personnes. Cela signifie, en effet, qu’ils sont en mesure d’accorder à quelqu’un la capacité d’aborder un certain aspect de la réalité, ce qu’il ne réussirait pas à faire pour lui-même. Voici qui est certes l’approche privilégiée, pour autant qu’elle élève à la fois la stature spirituelle de l’individu et lui permet d’élever le niveau spirituel d’une partie plus large de son environnement.

Ceci explique en outre pourquoi les lois des vœux et des serments sont enseignées à ce moment précis, alors que les Juifs s’apprêtaient à entrer en terre d’Israël. Comme nous le savons, le but de leur entrée était de transformer le monde matériel en une demeure pour D.ieu. Ils devaient accomplir cela en s’engageant dans les tâches concrètes de s’établir dans le territoire et le labourer, tout autant que de gagner leur vie et de subvenir à leurs besoins en se servant des matières premières de la terre, le tout à des fins saintes et avec de saintes intentions. Ainsi, quoique l’interaction avec la matérialité requiert parfois de renoncer à l’un de ses aspects, le sujet doit toujours se rappeler que le but de sa vie s’accomplit idéalement en annulant de tels vœux et en participant aux bienfaits de la vie dans le cadre de la sainteté.4

30:4 Si une femme fait un vœu. Voici ceux qui peuvent annuler les vœux d’une femme si ces derniers portent préjudice d’une manière ou d’une autre à la femme elle-même ou, dans le cas du fiancé/mari, à leur relation conjugale :

• un père peut annuler les vœux de sa fille célibataire âgée d’entre onze ans et douze ans et demi ;

• le père et le fiancé d’une fille ayant entre onze ans et douze ans et demi peuvent annuler ensemble ses vœux ; et

• un mari peut annuler les vœux de sa femme.

Dans ces cas, l’annulation par l’homme va à l’encontre de la force du vœu de la femme, l’annulant de la sorte.

En outre, un sage ou un tribunal rabbinique peuvent révoquer les vœux d’un individu (homme ou femme) s’ils se révèlent être un obstacle plutôt qu’une aide dans la vie de la personne et/ou dans sa relation avec D.ieu. Dans ce cas, cependant, le sage ou le tribunal ne détiennent pas le pouvoir légal d’annuler le vœu ;5 ce qu’ils font, c’est interroger l’individu et établir s’il l’aurait fait au cas d’avoir prévu les conséquences actuelles. Si la réponse est négative, il est établi que le vœu a été fait sous de fausses prémisses et devient de ce fait nul après coup.

L’annulation du père/fiancé/mari est analogue au cas évoqué dans le commentaire précédent, dans lequel l’individu a prononcé un vœu formel mais est maintenant prêt à aller jusqu’au point où il n’en a plus besoin, car il peut rester maître de lui-même.

L’invalidation du vœu par le sage ou le tribunal est analogue au cas où l’individu réussit à maîtriser sa conduite mais est maintenant prêt à élever sa conscience au point de maturité où le monde matériel ne pose aucune menace à son cheminement vers le divin. Il peut prendre part aux plaisirs du monde d’une manière liée à D.ieu. Lorsque tel est le cas, le sage ou le tribunal n’ont qu’à révéler le divin latent qui sommeille dans l’âme du sujet, ce qui le débarrassera de son besoin d’abstinence. En effet, il devient évident après coup que, s’il avait manifesté ce niveau de conscience depuis le début, il n’aurait eu aucun besoin de s’abstenir.6

Dans sa jeunesse. Un père peut annuler les vœux prononcés par sa fille avant son mariage, tandis qu’un mari peut annuler les vœux de sa femme après le mariage. En revanche, le fiancé – du fait qu’il agit de concert avec le père – peut annuler les vœux auxquels sa fiancée s’est astreinte avant leur engagement. Ainsi, le fiancé possède plus de pouvoir sur les vœux de sa fiancée qu’il n’en aura quand elle deviendra sa femme.

Dans un sens allégorique, la relation entre D.ieu et le peuple juif est comparable à celle d’un couple marié. L’exil est semblable à la période des fiançailles : la relation a été établie, mais elle ne sera consommée que par le mariage, la Délivrance. Cette idée s’applique à la relation que noue chaque Juif avec D.ieu. Lorsque sa conscience de D.ieu est pleine et accomplie, il vit dans un état de délivrance : il est « marié ». Lorsque sa conscience divine est momentanément interrompue ou à l’état latent, il se trouve en exil : il est à peine « fiancé ». S’étant « fiancé » à D.ieu, il a délibérément renoncé à toutes les autres « relations », et les divertissements variés du monde n’ont pas prise sur lui. Mais il ne peut pas engendrer de « descendance » – de bonnes actions véritables, de celles qui accroissent la conscience divine dans la réalité – jusqu’à ce qu’il soit « marié ».

Pourtant, la situation de « fiançailles » a un avantage : grâce au lien de confiance qui l’unit au père de la femme, le fiancé peut annuler les vœux prononcés avant les fiançailles. Allégoriquement, cela signifie que lorsqu’un Juif s’appuie sur l’aide de D.ieu (le Père) et la sollicite, il peut surmonter sa relation au matérialisme, son lien au monde d’avant ses « fiançailles ». Puisque le matérialisme est ancré dans la réalité de notre monde et que nous y sommes naturellement enracinés, il est pratiquement impossible pour l’individu de rompre ses chaînes à lui seul.

L’idéal est donc de préserver le sentiment d’être seulement « fiancé » à D.ieu même après s’être « marié » à Lui. Ceci devient possible lorsque nous nous rappelons que, D.ieu étant infini, les degrés dans la relation à atteindre avec Lui son également infinis, ce qui fait que le stade accru de conscience atteint devient un état de « fiançailles » par rapport au stade encore plus élevé à venir.7

30:7 Si elle se fiance. Les termes « fiançailles » [אירוסין, eiroussin,] et « fiancé/e » [ארוס/ה, arousse/aroussa] employés ici indiquent un statut juridique précis liant l’homme et la femme sur un mode contraignant et établi selon des procédures spécifiques. Dans la loi juive, les « fiançailles » constituent un état intermédiaire entre le célibat et le mariage dans lequel les membres du couple sont légalement des époux, mais il ne leur est pas encore permis de cohabiter ou d’avoir des relations charnelles.8 Les fiançailles ne peuvent pas se dissoudre par le seul consentement des membres du couple : les fiancés souhaitant se séparer doivent avoir recours à un divorce hala’hique.9 Dans les temps anciens, il était d’usage que les couples se fiancent puis se marient après plusieurs mois (souvent douze), ceci afin de donner à leurs familles le temps de se préparer au mariage.10 De nos jours, cette pratique a été en grande partie abandonnée, et les fiançailles hala’hiques ont lieu en première partie de la cérémonie de mariage. Ainsi donc, quand les couples décident aujourd’hui de se marier, ils ne doivent jamais être considérés comme des « fiancés » [aroussim], mais à peine comme des « promis » [michtad’him].11

31:2 Fais vengeance au nom des enfants d’Israël. Dans les batailles contre Si’hon et Og, Moïse joua un rôle actif. Ici, par contre, il se limita à préparer le peuple à la guerre, tandis que ce fut Pin’has qui le guida dans la lutte.

Ceci est dû au fait que D.ieu avait ordonné au peuple juif de se venger de Madian pour l’avoir attiré vers l’idolâtrie de Péor.12 Comme nous l’avons mentionné,13 l’idolâtrie de Péor est essentiellement de l’hédonisme : la complaisance dans le plaisir sensuel comme une fin en soi plutôt que dans le but supérieur de vivre le Divin ou de l’infuser dans la réalité. L’hédonisme implique que les plaisirs physiques sont soit trop « bas » et vulgaires pour servir des buts divins, soit proscrits de toute vie aspirant à la sainteté. Pour éliminer cette erreur depuis sa source même, il fallait l’inspiration et l’exemple de Moïse.

Cependant, pour réparer les dommages déjà causés et éliminer toute trace de son effet pouvant se manifester dans le futur, il fallait davantage que les froids arguments d’un philosophe théorique. La bataille elle-même fut donc menée par Pin’has, puisqu’il incarnait l’éthique et le zèle du don de soi.

De même, dans notre confrontation personnelle avec le leurre de Péor, nous devons imiter Moïse comme Pin’has. De Moïse nous apprenons à cultiver l’approche appropriée envers le matérialisme et son appât sensuel, celle du judaïsme ; de Pin’has, à attaquer les effets du matérialisme sur nous mus par l’indignation vertueuse.14

31:3 La vengeance de l’Éternel contre Madian. Le mot hébreu « Madian » dérive du mot « conflit » ou « dispute » (madon).15

Il fallait anéantir le mal de la haine sans fondement avant notre entrée en terre d’Israël, parce que cette haine est en conflit flagrant avec le fonctionnement harmonieux de la société, condition préalable pour accomplir tout objectif national quel qu’il soit, et plus encore pour promouvoir le divin dans le monde.

La racine de la haine sans fondement, dite « haine gratuite », est l’ego. L’individu égocentrique se sent menacé par quiconque s’oppose (ou semble s’opposer) à l’orgueil de son moi. Toute vertu dont fait preuve l’autre réduit son sentiment d’importance, de sorte qu’il cherchera désespérément à le délégitimer. Même s’il est possible qu’il ne cherche pas forcément à nuire à l’autre intentionnellement, au fond de lui il se réjouira de le voir souffrir, ou du moins sa souffrance ne le dérangera pas. En outre, l’égocentrique est aveugle aux vertus des autres personnes ; n’étant pas sincère dans sa relation avec D.ieu et le monde, il ne peut pas croire que les autres le soient.

En revanche, celui qui n’est pas rongé par l’égocentrisme met exclusivement l’accent sur les vertus des autres. Leurs souffrances lui causeront une douleur sincère du fait qu’il juge tout un chacun sous un jour favorable, et il ne trouvera pas de justification à leur souffrance. S’il trouve une quelconque faute chez quelqu’un, il lui en fera la remontrance conformément aux directives de la Torah à ce sujet, mais ne le haïra pas.

De même, plutôt que de considérer les différences d’opinion comme un affront à son identité, l’individu altruiste les considérera comme des occasions de parvenir à des perceptions plus élevées et plus complètes de la vérité. Il pourra révéler ses défauts à autrui et chercher leur conseil, se donnant ainsi les moyens de résoudre ses problèmes et de progresser dans le raffinement de sa personne.16

31:4 De toutes les tribus d’Israël. Contrairement à ce qui se produisit lors d’autres guerres, les Lévites furent appelés à combattre dans celle-ci et prirent une partie du butin. La raison en fut que le but de cette guerre, comme il a été souligné plus haut, était de déraciner l’idolâtrie de Péor, l’usage inapproprié ou abusif de la matérialité brute. Les Lévites, consacrés dès leur naissance au service de D.ieu, sont toujours enclins à penser que la réponse appropriée aux défis que pose la matérialité est d’y renoncer en bloc. Il fallait donc les engager dans cette guerre pour qu’ils apprennent à apprécier pleinement la valeur des éléments de la Création se trouvant aux échelons les plus bas de la spiritualité.

La Torah entre dans tous les détails du butin de Madian et de sa purification préalable à son usage par le peuple juif, mais ne dit pas grand-chose de la bataille elle-même. Là encore, c’est parce que le but de la guerre avec Madian n’était pas de conquérir le peuple ou sa terre, mais d’illustrer quelle est l’attitude qui convient vis-à-vis de la matérialité.17

31:17 Toutes les femmes qui… des relations charnelles. Les femmes madianites qui avaient séduit les hommes juifs méritaient sans conteste la peine de mort, car elles étaient coupables de les avoir incités à fauter, et elles s’étaient révélées de ce fait comme des personnes purement malveillantes ou bien incapables de résister à la perversité dominante. Celles qui ne prirent pas part aux machinations de Balaam (si jamais il s’en trouvait), mais étaient tout simplement des femmes non vierges, devaient également être tuées parce que leur approche des relations charnelles et de la féminité avait déjà été contaminée par les liens qu’elles avaient noués dans le cadre de la société madianite corrompue. Leur attitude et leur bassesse morale les rendaient non seulement inaptes à rejoindre les rangs du peuple juif, mais, plus encore, faisaient d’elles une influence dangereuse dont il fallait éviter l’infiltration dans la société de sainteté et les risques bien réels de corruption que cela faisait courir. Mais pourquoi fallait-il tuer les Madianites qui avaient tout simplement atteint l’âge approprié pour avoir des relations charnelles, bien qu’elles aient encore été vierges ?

On peut supposer qu’elles durent être tuées parce que le fait même d’avoir atteint la puberté et d’être dès lors prêtes à rejoindre les rangs des femmes sexuellement actives signifiait qu’elles se considéraient déjà comme partie prenante de la culture madianite dépravée et en avaient absorbé les valeurs. Cela les rangeait dans la même catégorie que les femmes expérimentées sur le plan sexuel.18

31:23 Il sera purifié. Eléazar continua : « S’il s’agit d’un récipient de cuisson où l’on a bouilli de l’eau, il vous faudra l’immerger dans de l’eau bouillante. Si l’on s’en sert en le posant sur le feu, vous le chaufferez jusqu’à ce qu’il devienne incandescent. C’est ainsi qu’un ustensile en métal dégage la nourriture interdite qu’il a absorbée. Mais il faut d’abord en enlever toute rouille, de sorte que rien ne s’interpose entre le métal et l’agent nettoyant. (Contrairement aux récipients en métal, ceux en terre cuite utilisés sur la flamme ne rejettent jamais les aliments interdits qu’ils ont absorbés, de sorte qu’ils ne peuvent en être purgés.) »

31:35 Quant aux êtres humains. Le fait que les totaux étaient tous divisibles par cinquante et par cinq cents était d’autant plus remarquable qu’il fallut la contribution d’un grand nombre de facteurs pour parvenir à ce miracle : la fertilité et la durée de vie des êtres humains et des animaux et bien d’autres, facteurs qui furent tous affectés par des événements qui se déroulèrent bien avant que les animaux et les êtres humains ne soient capturés dans le combat.

Nous apprenons de ceci que nous ne devons jamais nous décourager face aux apparents obstacles à l’accomplissement des commandements de D.ieu ou de notre mission divine. Nous devons nous rappeler que D.ieu a tout arrangé longtemps à l’avance pour nous permettre d’accomplir nos buts divins de la manière la plus adéquate possible.19

32:1 Les descendants de Ruben et de Gad. Comme cela a été expliqué plus haut,20 la guerre avec Madian avait démontré que la bonne attitude envers les éléments inférieurs de la Création n’est pas de les fuir mais de les élever, soit de révéler leur dimension divine et de les contrôler afin qu’ils diffusent la sainteté dans le monde. Comprenant que tel était le cas, les tribus de Ruben et de Gad raisonnèrent que, puisque le territoire situé en dehors de la terre sainte d’Israël était d’une spiritualité inférieure, il conviendrait davantage de s’y installer et de s’en servir à des fins saintes que de coloniser la terre d’Israël.

C’est pour cette même raison qu’ils mentionnèrent leur bétail avant leurs enfants :21 les animaux représentant une forme de vie « inférieure » aux hommes, les tribus de Ruben et de Gad appréciaient davantage le défi qu’ils posaient.

Ainsi, leur erreur fut le contraire de celle des espions et de leur génération. Les espions avaient dédaigné de s’impliquer dans la matérialité, tandis que les tribus de Ruben et Gad en avaient surestimé l’importance.

En même temps, leur approche de l’élévation de la réalité trahissait un certain esprit d’évasion. La participation active des Lévites dans la guerre contre Madian leur avait montré que même ceux qui se consacrent aux formes sublimes du service divin peuvent et doivent s’évertuer à élever la réalité. Aussi, ils optèrent pour l’activité de bergers, car ce métier est propice à un mode de vie méditatif et éloigne le sujet de l’agitation de la vie urbaine. Ils sentaient qu’il était possible d’accomplir les objectifs du service de D.ieu tout en demeurant à l’écart des réalités de la civilisation.

Moïse s’opposa en principe à leur proposition, car il sentit que, si le peuple entrait en terre d’Israël et bâtissait sur le fondement de sa spiritualité supérieure intrinsèque, l’énergie spirituelle qui en résulterait serait d’une puissance telle qu’elle y attirerait les potentiels spirituels du reste du monde. Ceci rendrait inutile toute recherche active de potentiels spirituels en dehors de la terre d’Israël.

Cependant, lorsque les tribus de Ruben et de Gad lui firent remarquer que c’était la Providence divine qui faisait savoir que cette terre leur était destinée – « [c’est] un pays [approprié] pour le bétail, et tes serviteurs possèdent du bétail » –, Moïse convint que D.ieu leur posait le défi d’élever cette région, et qu’il était judicieux de l’accepter. Néanmoins, il stipula qu’ils devraient d’abord entrer en terre d’Israël en même temps que leurs frères, afin de vivre d’une manière directe à quel point la vie y était pure. C’est ainsi qu’ils deviendraient convenablement armés pour préserver la force de l’idéalisme dont ils auraient besoin par la suite, lors de leur descente jusqu’aux niveaux les plus bas de la réalité afin de les élever.

De même, nous ne devons pas considérer le temps que nous sommes contraints de passer au sein du monde profane comme une nuisance ennuyeuse. Nous devons le voir avant tout comme notre vraie mission divine, et, ensuite, comme le moyen privilégié d’assurer que notre étude de la Torah, nos prières et notre accomplissement des commandements de D.ieu sont animés d’intentions pures et appropriées.22

32:2 Les descendants de Gad et de Ruben. À l’instar du reste du peuple, ces tribus étaient déterminées à ne pas reproduire l’erreur commise par la génération qui les avait précédés, celle de rejeter la terre d’Israël. De plus, ils voulaient rectifier cette erreur. Ils savaient que D.ieu avait promis à Abraham d’accorder un jour en héritage au peuple juif non seulement la terre de Canaan, mais encore, plus tard, les territoires appartenant à l’origine à Édom, Moab et Ammon, situés à l’est du Jourdain.23 Ils savaient également que, bien que D.ieu ait interdit aux Juifs de livrer bataille contre ces peuples, certaines parties de Moab et d’Ammon y étaient devenues permises lorsque Si’hon les avait ravies à leurs habitants d’origine. Ainsi, ils estimaient que la prise de possession de ces terres à cette heure précise accélérerait le moment où les Juifs en hériteraient dans leur intégralité. Ils sentaient de même que, si Moïse se trouvait un tant soit peu impliqué dans la possession de la terre, cela raffermirait considérablement l’emprise matérielle et spirituelle qu’en auraient les Juifs. Par leur décision de ne pas entrer en terre de Canaan pour ces raisons positives, ils espéraient rectifier la faute de la génération des explorateurs, qui décidèrent de ne pas y entrer pour des raisons négatives. Ils considérèrent le fait de posséder du bétail en grand nombre et que ces territoires étaient remarquablement aptes au pâturage comme un signe divin qu’ils devaient prendre à cœur de concrétiser leur vision.24

32:33 La moitié de la tribu de Manassé. La tribu de Manassé n’avait réclamé pour soi aucun territoire situé à l’est du Jourdain. Cependant, Moïse comprit que les tribus de Ruben et de Gad avaient raison de supposer que son implication personnelle dans la possession de la terre renforcerait la mainmise du peuple sur elle. Il poussa leur argument un peu plus loin et déduisit que son implication et son effet positif seraient encore plus prononcés s’il venait à implanter de plein gré une autre partie du peuple juif sur leur territoire. L’ancien royaume de Si’hon avait été accordé aux tribus de Ruben et de Gad, mais l’ancien royaume d’Og était demeuré sans propriétaire. Cette région, la terre des Rephaïm,25 était une partie du pays que D.ieu avait promis d’accorder aux descendants d’Abraham lorsqu’ils conquirent le pays pour la première fois,26 et non dans le futur messianique. (Certes, à l’origine Moïse fut d’avis que c’était la terre du côté ouest du Jourdain qui devait être conquise en premier, mais ce plan fut ensuite abandonné.27 ) La tribu de Manassé était connue pour sa dévotion à la terre d’Israël,28 exprimant depuis son nom luimême le souhait de ne pas oublier qu’elle constitue l’habitat naturel du peuple juif ;29 aussi, Moïse les choisit pour exprimer notamment l’espoir et l’aspiration du peuple à hériter de la terre dans son intégralité. En divisant la tribu en deux et en accordant une moitié de l’héritage sur la rive occidentale du Jourdain et une autre moitié sur la rive orientale, Moïse montrait que la tribu n’avait pas reçu la part située à l’est du Jourdain parce qu’elle ne voulait pas vivre dans le pays lui-même. Et de fait la majorité de la tribu traversa le Jourdain et s’installa sur sa rive occidentale.30

32:37 Les descendants de Ruben bâtirent. Les noms d’origine de ces villes étaient associés aux cultes idolâtres que leurs habitants d’alors y avaient pratiqués. L’acte de changer leurs noms était un signe de conquête, le fait de prendre quelque chose de lié précédemment à l’idolâtrie et de s’en approprier à des fins saintes. En ce sens, la tribu de Ruben ne faisait que poursuivre la tâche qui avait été entamée par la guerre contre Madian et les conditions que Moïse leur avait posées : celle de traverser le Jourdain de concert avec leurs frères et celle d’élever les degrés les plus bas de l’échelle spirituelle jusqu’à la sainteté.31

MASSEI

33:1 Voici les voyages. Selon le Baal Chem Tov, ces quarante-deux étapes correspondent aux quarante-deux étapes spirituelles que nous parcourons tout au long de notre vie. Si nous choisissons le bien plutôt que le mal, il est certain que nous expérimenterons ces phases de la vie de la manière que D.ieu veut. Si, à l’instar de la génération du désert, nous faisons des choix erronés, nous les vivrons comme des reculs temporaires.32

Au-delà du fait qu’à chaque étape sur le chemin de la vie nous nous efforcions de faire les bons choix, nous devons reconnaître que même les échecs peuvent être transformés en expériences positives, de croissance.33

 33:52 Vous devrez détruire. Le terme hébreu pour « idolâtrie » (avoda zara) signifie littéralement « culte étranger ». Aussi, toute forme de culte, tout type de servitude « étrangère » à l’aspect Divin de notre personnalité constitue une forme subtile d’idolâtrie. L’objet de notre culte étranger peut être n’importe quoi, depuis l’argent, le succès, la domination ou la renommée, à des idoles plus « innocentes », telles que la sécurité, la sagesse ou la santé. Tout objet ou but auquel nous nous consacrons sans chercher à ce qu’il nous aide à accomplir notre mission Divine reçoit le nom de « culte étranger ».

C’est pour notre propre bien que D.ieu attend de nous une loyauté sans partage : Il veut nous épargner la douleur et le traumatisme qui résultent du fait de servir de multiples maîtres. Lorsque nous apprenons à orienter même nos activités les plus profanes vers le Divin afin que tout moment de notre vie contribue à notre mission Divine, nous pouvons vivre à l’abri des conflits intérieurs qui pèsent malheureusement sur la santé spirituelle et mentale d’un trop grand nombre de personnes. Il est donc fondamental que nous devenions des combattants spirituels, déracinant et détruisant nos idoles intérieures afin d’entrer dans la « Terre promise » d’une vie saine et orientée vers le Divin.34

34:2 La terre tombera en votre possession. L’emploi du verbe « tomber » pour décrire le mode dont la terre d’Israël devient nôtre nous enseigne une leçon importante.

Dans un sens allégorique, la terre d’Israël représente le monde matériel en général ; le fait que nous soyons tenus d’accomplir certains commandements à l’intérieur de ses frontières renvoie à la constatation que nous pouvons accomplir les commandements de D.ieu et élever la réalité matérielle pendant notre vie physique seulement. Cette possibilité ne nous est offerte ni avant ni après que notre âme soit dans notre corps, même si notre âme est vivante avant notre naissance et vit après notre mort. Par rapport à l’existence extatique dont jouissent nos âmes dans leur demeure céleste avant notre naissance, la vie difficile et pleine de défis que nous devons mener dans le monde matériel peut vraiment sembler être une « chute ». Mais, en utilisant toutes nos forces pour capitaliser sur l’opportunité qui est la nôtre uniquement dans ce monde, nous aidons D.ieu à atteindre Son dessein dans la création, à accomplir la finalité de notre existence et, qui plus est, à améliorer considérablement notre aptitude à absorber les révélations divines qui nous attendent dans le monde futur.35

34:17 En votre nom. Nous sommes tous des dirigeants, que ce soit dans notre famille, dans notre cercle d’amis ou parmi nos collègues de travail. En tant que dirigeants, nous devons suivre l’exemple des chefs des tribus du peuple juif. Tout comme ils attribuèrent à chaque membre de leur tribu une parcelle de terre adaptée à ses besoins et capacités, nous devons nous assurer que nos « disciples » soient employés de la meilleure façon possible, tant pour eux-mêmes que pour le groupe. Nous apprenons également des chefs des tribus comment y parvenir. De même que les chefs des tribus reçurent en propriété leurs territoires respectifs au nom des Juifs qui leur étaient liés, de même devons-nous nous mettre mentalement à la place de chacun de nos disciples afin d’apprécier sa personnalité et ses vertus uniques.

Le dirigeant majeur et ultime est, bien sûr, D.ieu Lui-même. Aussi, lorsque le Maître du monde assigne à chacun de nous notre mission dans la vie, Il le fait d’après nos compétences, nos dons et nos talents uniques. Ainsi, s’il arrive jamais que nous souhaitions que nos défis spécifiques dans la vie soient autres que ce qu’ils sont, nous devons nous rappeler que c’est D.ieu Qui nous les a posés, les adaptant précisément à nos capacités et conformément à nos meilleurs intérêts à long terme.36

35:6 Les villes que vous donnerez aux Lévites. La raison pour laquelle les villes lévites tenaient également lieu de villes de refuge était que la vie des Lévites constituait l’antithèse du meurtre involontaire. Aussi, le confinement du meurtrier dans ces villes servait à neutraliser l’effet de son crime.

Un meurtrier involontaire n’est passible de la peine capitale que si la mort a été le résultat de sa négligence.37 La négligence qui risque d’entraîner la mort d’autres personnes constitue un mépris flagrant de leur bien-être. Cette insensibilité envers les autres se trouve aux antipodes des idéaux de fraternité qu’illustrent les Lévites. Le rôle des Lévites consiste à relier le peuple juif à D.ieu par leur service dans le Tabernacle (et le Temple), et de relier les Juifs entre eux par l’enseignement de la Torah, dont « les voies sont des voies agréables, et tous ses chemins sont de paix ».38

Nous tous pouvons, pareillement, apprendre des Lévites et suivre leur exemple. Nous devons tous nous efforcer d’améliorer nos relations avec nos semblables, leurs liens réciproques et leur lien à D.ieu, veillant toujours à ce qu’aucun dommage matériel ou spirituel n’en vienne à affecter quiconque.39

35:11 Des villes de refuge. Dans un sens allégorique, la Torah elle-même est la « ville de refuge », puisque, lorsque nous sommes absorbés dans son étude et que nous intériorisons la conscience Divine qu’elle nous offre, nous sommes protégés des machinations du mauvais penchant.40 L’étude de la Torah nous protège également des effets malsains issus des fautes commises parce qu’elle nous purifie, nous inspirant à regretter nos défaillances passées et à nous amender. Et quand nous nous repentons comme il convient, nos fautes se transforment en mérites.

Cela est vrai même lorsque nous sommes coupables de fautes intentionnelles, tout comme les villes de refuge accordaient également l’asile aux meurtriers intentionnels (du moins jusqu’à ce que leur cas soit porté devant les tribunaux).41

Les routes menant aux villes de refuge devaient être larges et dégagées afin que quiconque aurait besoin de les emprunter puisse le faire facilement. De même, à chaque carrefour se trouvaient des panneaux indiquant clairement la voie vers ces villes de refuge.42

Pareillement, D.ieu maintient la voie menant au mode de vie de la Torah ouvert, accessible et clair pour chacun de nous. En outre, Il nous envoie des signes et des signaux pour nous aider à trouver la bonne direction dans la vie.

Mais, pour entendre la voix de D.ieu avec une plus grande clarté, nous devons aider les autres à trouver la bonne direction dans leur vie. Nous devons tous nous considérer comme des « panneaux indicateurs » ayant pour rôle de guider les autres vers la vie et la bonté. Quand D.ieu nous verra montrer le chemin aux autres, Il nous montrera le nôtre plus clairement.

Idéalement, nous devons essayer d’être davantage que des « panneaux indicateurs » inanimés aidant simplement ceux qui viennent à nous en quête de la bonne voie à suivre. Nous pouvons être des panneaux vivants, tendant la main à nos semblables et les éveillant, si besoin est, au fait que leur plus haute aspiration doit être celle d’une vie sainte et Divine. Les résultats de nos efforts en ce sens ne sont peut-être pas toujours immédiatement évidents, mais ils finiront par l’être, car les effets du bien sont cumulatifs et éternels.43

35:24–25 L’assemblée doit arbitrer. De la juxtaposition des deux impératifs de juger et de protéger les sages dérivent la loi selon laquelle, lorsqu’un haut tribunal vote initialement à l’unanimité dans un cas de peine de mort et y condamne l’accusé, celui-ci sera immédiatement acquitté. Ce n’est que lorsque se trouvent des juges votant en premier lieu en sa faveur que le tribunal peut débattre de la question et, si une majorité reste contre lui, le condamner à mort.44

La raison en est que le but de toutes les peines – y compris la peine de mort – est de racheter le crime commis, purifiant le coupable de sa faute et lui permettant ainsi de poursuivre sa vie. (Quand le châtiment n’est pas la mort, sa vie continue dans cette vie ; quand c’est la mort, sa « vie » continue dans le monde d’en Haut.) Cependant, pour mener à bien ce but il faut que le coupable se repente et avoue sa faute. En d’autres termes, son désir profond de bien agir doit faire surface afin qu’il puisse jouer le rôle de la semence à partir de laquelle se développera sa nouvelle direction dans la vie.

Si quelques-uns au moins parmi les juges trouvent une raison de juger favorablement l’accusé, cela signifie que son « noyau » de bonté est un tant soit peu perceptible et à l’œuvre. Le tribunal se trouve donc à même de prononcer sentence sur l’individu. Même si les juges finissent par le condamner, leurs arguments en sa faveur, mettant l’accent sur ses valeurs et son innocence, éveilleront son bien profond et l’inciteront à se repentir et avouer. Le verdict réussira alors à racheter sa faute et permettra à cet homme de passer à l’étape suivante de son existence.

Mais, lorsque pas même un membre de la Cour suprême – constituée des soixante et onze personnes les plus sages et clairvoyantes de la génération – ne parvient à trouver de raison pour le juger favorablement, cela signifie que son noyau de bien est si profondément enfoui sous la mauvaise conduite l’enveloppant qu’il en est totalement submergé, et aucun espoir ne reste pour le tribunal de l’éveiller et accomplir ainsi le rachat de l’accusé par le biais de leur verdict.

À partir de cette loi, nous pouvons voir à quel point la Torah insiste sur la réalité d’un bien intérieur indestructible en tout un chacun : lorsque le tribunal le plus important et réputé du pays juge de manière tranchante et à l’unanimité à propos d’un individu qu’il est entièrement coupable, la Torah pose que cela est impossible. Aucun être humain n’est entièrement mauvais ; et si nous ne parvenons pas à voir cette vérité, c’est que notre sens de la vue est défaillant. À l’opposé, notre travail est de voir le bien en chacun et de l’attirer à la surface, aidant ainsi la personne à sortir de sa dépravation présente et retourner sur le chemin du bien et de la vie.45

35:25 Jusqu’à la mort du grand prêtre. Sur l’échelle morale, le meurtrier involontaire se trouve au niveau le plus bas. Le seul criminel qui puisse être considéré comme inférieur à lui est le meurtrier avec préméditation. Mais comme le meurtrier encourt la peine capitale, il est considéré comme déjà mort et n’est donc pas pris en compte. Cela laisse le meurtrier involontaire au degré le plus bas de la société, le caractère unique de sa condition étant attesté par le fait que, de tous les individus coupables d’avoir transgressé les interdits de la Torah, ce n’est que lui qui subit le châtiment de l’exil forcé.

En revanche, le grand-prêtre est la personnalité la plus élevée du peuple, l’exemple le plus élevé de sainteté et de pureté auquel quiconque peut aspirer.

Pourtant, la Torah enseigne ici que le meurtrier par inadvertance a un lien spécial avec le grand prêtre : il doit rester en exil aussi longtemps que vit le grand prêtre, et ce dernier doit faire son affaire de prier pour qu’aucun habitant de son pays ne devienne meurtrier par accident.

Ce fait nous enseigne une grande leçon sur l’amour fraternel et l’unité du peuple juif : quels que soient les sommets que nous ayons atteints sur l’échelle de la condition spirituelle ou sociale, nous devons toujours nous soucier de tous les éléments de la société, y compris ceux qui se trouvent au plus bas. Et s’il arrive que ce soit nous qui nous trouvions aux échelons inférieurs de l’humanité, nous devons nous rappeler que nous sommes toujours liés à ceux placés aux échelons supérieurs, car nous sommes tous un seul peuple.46

Jusqu’à la mort du grand prêtre. Il existe deux raisons pour lesquelles l’obligation des parents de la victime de tuer l’agresseur cesse avec la mort du grand prêtre : premièrement, par son service dans le Temple (en accomplissant notamment les rites de Yom Kippour qui rachètent les fautes du peuple) le grand prêtre fait que la présence de D.ieu demeure parmi le peuple et prolonge leur espérance de vie. En revanche, par le fait de tuer quelqu’un, le meurtrier bannit du monde la présence de D.ieu et raccourcit des vies. Aussi, il ne convient pas que le meurtrier soit en liberté tant que le grand prêtre qui se trouvait en fonction au moment où le crime fut commis est vivant.

Deuxièmement, comme nous l’avons vu, la mort d’une personne juste rachète les fautes de sa génération.47 Ainsi, la mort du grand prêtre (certainement une personne juste) rachètera la faute involontaire de l’agresseur. C’est précisément la mort du grand prêtre qui rachète cette faute (pas celle d’une autre personne juste) parce qu’il détenait le pouvoir de prier à Yom Kippour pour qu’un tel malheur ne se produise pas ; ce malheur s’étant produit, il en est tenu pour partiellement responsable.48

36:7 À l’héritage de la tribu de ses pères. Les lois de l’héritage, bien qu’elles fassent partie intégrante de la Torah, furent données par D.ieu une fois que cinq sœurs adultes, célibataires et orphelines – seule progéniture d’un des membres de la tribu de Manassé – réclamèrent leur droit à la parcelle de la terre d’Israël censée revenir à leur père. La requête privée qu’elles présentèrent à Moïse entraîna la révélation de sections de la Torah qui devinrent par la suite en vigueur pour le peuple juif dans son ensemble. Cela nous enseigne que nous ne devons jamais penser que notre vie « privée » ne concerne que nous ou le cercle immédiat de nos parents ou de nos amis, et qu’ainsi nous serions libres de nous conduire dans ces domaines comme bon nous semble.

De même que ces femmes interrogèrent Moïse au sujet de ce qui était en apparence une affaire purement personnelle, nous devons consulter les autorités rabbiniques qualifiées même au sujet des aspects qui semblent être les plus personnels de la vie, car tous nos actes, y compris ceux qui relèvent du « privé », ont des implications plus larges, que l’on ne saurait prévoir.49