13:17 Dieu ne les dirigea pas. Nous sommes toujours en train de quitter « l’Égypte », d’avancer vers « le mont Sinaï », et Dieu nous conduit le long du trajet de la manière la plus facile possible. Si nous rencontrons des obstacles, nous devons nous rappeler que Dieu les a placés là uniquement parce que la voie la plus facile est trop facile, et que nous serions tentés de revenir en Égypte au premier signe que le chemin du mont Sinaï est en conflit avec notre précédent mode de vie. Ces obstacles sont là pour éprouver notre attachement à nos convictions et nous fortifier en nous poussant à faire appel à nos forces intérieures latentes.
En surmontant ces obstacles apparents, il n’est plus besoin de livrer une guerre réelle contre nos ennemis spirituels. Nous pouvons suivre notre route vers le mont Sinaï sans entraves, affranchis de la menace des forces spirituelles qui barreraient autrement notre chemin.1
13:19 Moïse prit avec lui les ossements de Joseph. Le peuple juif était sur le point d’entreprendre un voyage à travers un désert dont la stérilité et les périls reflétaient la désolation spirituelle. Afin de pouvoir survivre à une telle traversée, Moïse s’assura que tous soient accompagnés par l’essence et l’esprit de Joseph ; autrement dit, qu’ils soient tous prêts à transformer le paysage le plus sombre en une demeure convenant à la Divinité.
L’odyssée de l’exil est comparable à un voyage à travers un désert aride et périlleux, « le désert des nations ».2 Pour trouver la force de persévérer dans des périodes de désolation, nous devons nous inspirer de Joseph. Nous devons nous efforcer de ramener même les individus les plus éloignés et les plus rebelles au bercail en leur montrant qu’ils sont vraiment les enfants bien-aimés de Dieu. Si nous restons fidèles à cet objectif, nous pouvons être assurés qu’à la fin, aucun Juif ne sera laissé en arrière.3
13:21 Une colonne de nuée. En plus de les guider, le pilier de nuage aplanissait le sol et le débarrassait, sur son passage, des serpents et des scorpions.4 En plus de la colonne de nuée placée à leur avant-garde, Dieu entoura le peuple – des quatre côtés, au-dessus et au-dessous –5 de nuées qui les protégeaient des éléments6 ainsi que de toute attaque.7 Elles expulsaient en outre tous ceux qui avaient commis une faute,8 donnant ainsi constamment au peuple un retour sur son état spirituel. Par le mérite d’Aharon,9 ces nuées remplissaient le rôle de « garde d’honneur », entourant le peuple même quand il n’était besoin de le protéger dans aucune direction en particulier. En tant que « garde d’honneur », les nuées blanchissaient et repassaient même les vêtements du peuple.10 Mais les nuées n’entouraient pas la multitude diverse qui l’accompagnait.11 En l’honneur de ces nuages, le peuple nomma l’endroit Souccot (« abris protecteurs »).12
Alors même que le peuple se dirigeait vers le désert, la majorité ne demanda pas à Moïse comment ils allaient y survivre ; implicitement, ils avaient confiance que Dieu les soutiendrait.13
14:7 Des officiers commandaient. Escomptant la victoire, les Égyptiens avaient richement paré leurs coursiers d’ornements d’or et d’argent et de pierres précieuses.14 Il s’agissait là des Égyptiens craignant Dieu qui avaient pris soin de sauver leurs animaux lors des plaies. Mais même ces Égyptiens méritaient de mourir, parce qu’ils haïssaient les Hébreux (comme le prouvait leur empressement à proposer à Pharaon l’usage de leurs bêtes) et qu’ils les avaient persécutés sadiquement. Aussi, Dieu contraint Pharaon à mener ces individus au combat afin de les anéantir.15
14:10 Pharaon se rapprocha. En les poursuivant, Pharaon rapprocha aussi les Juifs de Dieu, comme en témoignèrent leurs appels à Lui lorsqu’ils virent l’armée égyptienne s’avancer vers eux.
C’est souvent la présence de l’opposition qui fait jaillir en nous nos réserves d’énergie les plus profondes. Les efforts de Pharaon, bien qu’il ait été l’incarnation du mal, provoquèrent dans le peuple juif un éveil symétrique ; lui aussi comprit qu’il fallait prendre des mesures désespérées.16
14:13 Mais Moïse dit au peuple. Les Hébreux se trouvaient au bord de la mer des Joncs, sans radeaux, et les Égyptiens approchaient rapidement. Quatre factions se formèrent parmi eux, chacune avec un plan d’action différent :
« Jetons-nous dans la mer et noyons-nous ! »
« Capitulons et retournons en Égypte ! »
« Faisons-leur la guerre ! »
« Prions ! »17
Ces quatre factions reflètent quatre attitudes erronées que nous sommes, nous aussi, susceptibles d’adopter lors de notre confrontation avec l’obscurité spirituelle :
• Parfois, nous souhaitons « sauter dans la mer », nous plonger dans la prière et l’étude de la Torah, fermant les yeux sur l’obscurité qui nous entoure.
• Parfois, nous acceptons de faire face à l’obscurité (« retourner en Égypte »), mais en tant qu’esclaves. Nous nous résignons à notre destin malheureux de vivre dans l’obscurité.
• C’est mieux quand nous disons « faisons la guerre » – nous aspirons à vaincre les pharaons de notre monde obscur. Mais, lorsque Dieu nous demande d’aller au mont Sinaï, ce n’est pas le moment de livrer bataille.
• La quatrième voie est la plus élevée : « Prions ». Au cours de la prière, nous faisons un avec Dieu, perdant notre conscience de nous-mêmes et ne désirant rien d’autre qu’accomplir Ses désirs. Mais hélas, la prière est passive, et ceci n’est pas non plus le bon chemin.
Au lieu de tout cela, Dieu nous ordonne de suivre notre route, de continuer notre chemin vers le Sinaï, de rapprocher nous-mêmes et le monde qui nous entoure de la Torah, une bonne action après l’autre.18
Vous ne les reverrez plus jamais. Cette déclaration n’est pas seulement une affirmation mais un commandement : il est interdit aux Juifs de s’installer en Égypte ;19 nous sommes seulement autorisés à nous y rendre pour des raisons commerciales.
Rabbi Its’hak Louria explique la cause cette interdiction comme suit : partout dans le monde se trouvent dispersées des « étincelles » de sainteté. Notre mission est de les ramener à leur source en utilisant notre environnement matériel afin d’accomplir le plan de Dieu pour le monde. Quand le peuple juif partit d’Égypte, il emmena tout ce qui pouvait être élevé ; l’Égypte fut totalement vidée de ses étincelles de sainteté.20 Aussi, puisqu’ils n’ont aucune mission à accomplir en Égypte, il est interdit aux Juifs de s’y installer, puisque tout ce qu’un Juif fait se doit d’avoir une finalité divine.
Cela explique pourquoi les voyages d’affaires sont autorisés. Quoique les étincelles issues de l’Égypte aient toutes été élevées, des produits venant d’autres pays continuent à y être introduits par les relations commerciales, avec leur contenu spirituel associé. Il est donc permis et même nécessaire que certaines personnes s’y rendent faire du commerce dans le but de rassembler ces étincelles difficiles à saisir.21
14:15 Qu’ils reprennent leur marche. L’ouverture de la mer des Joncs est généralement considérée comme l’évènement miraculeux et surnaturel par excellence. Pourtant, même dans ce cas, il fallut un acte naturel pour catalyser le miracle : Dieu ordonna au peuple d’avancer et ordonna à Moïse de lever son bâton sur l’eau. Dieu exige toujours un acte humain d’abord, et ce n’est qu’après qu’Il accomplit les miracles.
Il en va de même dans tous les domaines de la vie. Il ne suffit pas d’implorer les bénédictions de Dieu ; nous devons faire un effort qui servira de canal pour la bénédiction.22
14:21 Au moyen d’un puissant vent d’est. Si Dieu avait laissé le vent s’arrêter, les murs d’eau se seraient effondrés et la mer serait revenue à son niveau naturel.
Lorsque Dieu créa le monde, Il agit aussi contre l’état « naturel » des choses : Il créa l’existence à partir de la non-existence. Comme pour l’ouverture de la mer, Dieu doit maintenir Sa force créatrice « soufflant » sans cesse sur la réalité afin de l’empêcher de revenir à son état originel par défaut, de non-existence. La réalité n’est donc pas quelque chose d’existant par soi-même ou du fait de la propriété d’existence dont Dieu la dota lorsqu’Il la créa à l’origine. Elle continue d’exister uniquement parce que Dieu l’infuse activement et continuellement de Sa force créatrice.
Ceci implique que le monde qui existe à présent est absolument différent du monde qui existait un instant avant. C’est un monde totalement nouveau et nous aussi sommes des hommes neufs, pas prisonniers d’un rapport de cause à effet avec le passé. Nous avons la liberté absolue de choisir entre le bien et le mal à n’importe quel moment, n’ayant à suivre ni le vécu préalable ni la force de l’habitude.23
Et les eaux furent divisées. L’ouverture de la mer constitua l’aboutissement de la sortie d’Égypte pour plusieurs raisons :
• L’armée égyptienne était demeurée intacte après l’Exode, de sorte que la menace d’un nouvel esclavage guettait toujours. Ce n’est qu’une fois que les eaux reculèrent, puis engloutirent les Égyptiens vivants que le processus de libération s’acheva véritablement.
• Dieu avait promis à Abraham que ses descendants quitteraient l’exil avec une grande fortune. Les richesses égyptiennes que les Juifs recueillirent dans la mer dépassèrent celles qu’ils avaient emportées d’Égypte.24
• Spirituellement parlant, la promesse de Dieu à Abraham était que les Juifs libéreraient toutes les étincelles de sainteté emprisonnées en Égypte. Puisque c’est surtout dans la mer que la richesse de l’Égypte devint la leur, il s’ensuit que la libération la plus considérable des étincelles se produisit également dans la mer.
• Enfin, le but majeur de l’Exode, la réception de la Torah, ne pouvait être atteint qu’en ayant d’abord les révélations spirituelles qui eurent lieu lors de l’ouverture des eaux.25
D’un point de vue spirituel, quitter l’Égypte signifie affranchir l’âme divine du joug de l’âme animale. L’âme divine est libre quand elle réalise que, tout entourés de « pharaons » que nous puissions être, nous n’avons pas besoin pour autant de devenir ses serviteurs. Mais l’âme ne peut ressentir pleinement cette liberté tant que « la mer n’a pas été ouverte », c’est-à-dire, tant que la nature véritablement divine de la réalité n’a pas été révélée.
C’est bien pour cette raison que, tout comme nous sommes tenus de mentionner la sortie d’Égypte dans nos prières quotidiennes, nous devons également mentionner l’ouverture de la mer, car elle fait partie intégrante de notre libération spirituelle quotidienne.26
14:29 À leur droite et à leur gauche. Le but de la division de la mer n’était pas simplement de fournir une route pour fuir les Égyptiens ; elle constituait également un avant-goût du don de la Torah, quand la Divinité sous-jacente dans le monde matériel serait pleinement révélée.
Cette révélation fut déclenchée par un évènement survenant en parallèle chez les Juifs. Dans des circonstances normales, le contexte matériel contraignant dans lequel nous vivons nous oblige à développer notre personnalité avec des limitations, mettant l’accent sur l’un ou l’autre trait de caractère ou propension à l’exclusion des autres. Lorsque nous répondons à l’appel de Dieu de participer à la tâche de rectifier le monde, nous allons naturellement vers les aspects de la mission divine qui correspondent aux traits dominants de notre personnalité. Nous essayons de répondre à Dieu selon nos propres termes. Ainsi, ils acquirent le mérite d’être prêts à servir Dieu « à leur droite et à leur gauche », soit même par des voies couramment opposées.
Mais la Torah nous demande de mobiliser toutes les facettes possibles de la nature humaine dans l’accomplissement de l’œuvre de Dieu, même celles qui se contredisent entre elles. En avançant vers l’acceptation de la Torah, les Juifs firent preuve de leur volonté de Le servir selon Ses termes.
Cette volonté révélait leur essence véritable, qui, elle, transcendait la personnalité particulière que chacun avait développée. Voilà pourquoi ils méritèrent l’ouverture de la mer, un acte analogue de révélation dans le cadre de la nature.27
14:31 Israël vit... ils eurent foi en l’Éternel. Une fois que les Juifs virent et validèrent ce à quoi, par le passé, ils avaient seulement cru, ils devinrent capables de « mettre à niveau » leur foi et de croire en ce qui restait encore au-delà de ce qu’ils avaient vu.
Le potentiel de ce processus est infini. Une fois que nous parvenons à comprendre ce que jusqu’alors nous ne pouvions que croire, nous réalisons qu’il y a encore davantage à croire en Dieu. Nous nous efforçons alors de comprendre ces degrés nouvellement acquis, auxquels au tout début nous ne pouvons que croire. Et à peine accomplissons-nous cela que nous réalisons qu’il y a des dimensions du Divin encore plus élevées, nous donnant encore davantage à croire. C’est ainsi que nous élargissons perpétuellement les horizons de notre foi et notre capacité à nous lier à Dieu à des niveaux de plus en plus élevés.28
Et en Moïse, Son serviteur. Nous trouvons ici une référence au concept de Rabbi – pour qui croire en lui est en quelque sorte au même niveau que croire en Dieu – et à la nécessité de l’identifier. Le Zohar affirme que Dieu donne à chaque génération un Juste prééminent, qui est « une extension de Moïse ».29 Ce « Moïse », tel le Moïse originel, fait office de lien entre sa génération et Dieu.30 La foi en cet homme extraordinaire raffermit notre foi en Dieu, et l’attachement à lui approfondit notre attachement à Dieu.
Moïse est non seulement le canal à travers lequel nous pouvons atteindre Dieu, mais il est aussi le vecteur par lequel Ses bénédictions viennent à nous. Les prières du sage pour quelqu’un qui souffre physiquement ou spirituellement peuvent accomplir ce que dont nos prières sont incapables. Ce sage est notre lien avec Dieu dans les deux sens.
La croyance en la puissance du Moïse de la génération ne contredit en rien le dogme juif fondamental selon lequel il ne saurait y avoir d’intermédiaires entre Dieu et l’homme, car, pour mériter ce rôle, le sage se doit d’être, comme Moïse, dépourvu d’ego et complètement transparent. Contrairement à un pont, qui relie les deux rives d’un fleuve, le lien avec Dieu qu’il procure peut être imaginé comme un nœud qui attache simplement deux morceaux de corde. Alors qu’un pont est une troisième entité interposée entre les deux rives, le nœud n’est rien en soi ou pour soi ; il n’est que la connexion qui relie les deux cordes.31
15:2 Voici mon Dieu. Lorsque nous nous employons à comprendre Dieu, à intérioriser la réalité de Son existence, Il devient « notre » Dieu. Mais s’Il n’est que le Dieu de nos ancêtres, c’est-à-dire, si notre relation avec Lui ne se trouve fondée que sur la tradition, Il reste alors distant et « souverainement grand ». Sa présence dans nos vies restera abstraite et impersonnelle.32
Néanmoins, ce n’est que lorsque notre raison est fondée sur la foi que nous sommes certains qu’elle ne sera pas influencée par les imperfections de la logique humaine ou par les limites de son intellect. Notre raison, fermement ancrée dans la foi que nous héritons de nos ancêtres, nous conduira au bien et à la vérité.33
15:15 Édom... Moab. Ces deux peuples ne craignaient pas d’avoir à faire la guerre aux Hébreux puisqu’ils ne vivaient pas sur la Terre promise, mais ils étaient cependant affligés de leur gloire et les jalousaient. Ces deux peuples, descendants d’Abraham, enviaient les Hébreux pour avoir hérité de la Terre promise, tandis que les peuples non liés à Abraham ne le faisaient pas. Il est vrai que les Ismaélites et les Ammonites étaient eux aussi liés aux Juifs ; or Ismaël s’était repenti avant de mourir,34 et les Ammonites n’affichaient pas leur jalousie à l’égard d’eux du fait de la relation ancestrale qui les unissait35. Quant aux enfants engendrés par Abraham avec ses concubines, il les avait envoyés dans des terres lointaines bien longtemps avant,36 et ils n’avaient à l’époque aucun contact avec les Juifs.37
15:16 L’épouvante et effroi. Une épouvante rampante et dévorante s’abattit sur les habitants de la terre d’Israël, qui se trouvaient alors loin des Juifs, et un effroi subit s’empara de ceux qui étaient à présent près d’eux : les Philistins38 et les Amalécites.39 Par la suite, lorsque les Juifs approchèrent de la terre d’Israël, l’épouvante s’abattit sur les nations environnantes (comme Édom et Moab), qui, bien que leur territoire ne serait pas conquis, craignirent d’être pillées – ceci, alors que l’effroi frappa les nations occupant la terre d’Israël au moment où les Juifs étaient sur le point de les déposséder.40
15:20 Avec des tambourins et des danses. La joie des femmes dépassa celle des hommes : les hommes et les femmes chantèrent, mais, en outre, celles-ci dansèrent et jouèrent du tambourin. La raison en est que les femmes, guidées par Miriam, avaient ressenti avec davantage d’intensité que les hommes l’amertume de l’exil ; comme nous l’avons vu,41 le prénom de Miriam lui-même exprimait l’amertume de l’exil. Sa sensibilité à la douleur de l’exil la porta, après avoir prophétisé que Moïse délivrerait le peuple,42 à jouer un rôle actif dans la réalisation de sa prophétie.43 La détresse qu’elle éprouvait au sujet de l’exil et son aspiration à sa fin étaient si grandes que sa joie d’être libérée en vint à dépasser celle des hommes.44
15:23 Car l’eau était amère. Littéralement, cette phrase signifie « car elles étaient amères. » Cela peut être compris comme signifiant que ce sont les personnes, plutôt que les eaux, qui étaient amères. Dans ce contexte, la phrase entière se lit comme suit : « Ils ne pouvaient pas boire de l’eau à Mara car ils étaient amers ».
Si l’on est amer, tout a un goût amer. Ce n’est que lorsque le peuple fut « adouci » que les eaux devinrent douces, elles aussi.45
15:25 Un décret et un statut. Ces commandements ne devinrent officiellement obligatoires que lorsque Dieu les redonna avec le reste de la Torah sur le mont Sinaï ; ils ne furent livrés ici que pour être étudiés.46 Le « décret » que Dieu leur donna alors était celui se rapportant aux rites de purification de la vache rousse ;47 en tant que « statuts », Il réitéra les sept commandements fondamentaux donnés à toute l’humanité. En outre, Dieu leur donna les lois de Chabbat et du respect des parents,48 ainsi que l’ensemble de lois49 qu’Il redonnera par la suite, pendant les quarante premiers jours où Moïse demeurera au sommet du mont Sinaï après le don de la Torah.50
16:4 D’un jour pour l’autre. Même si nous croyons que tout est dans les mains de Dieu, nous sommes toujours enclins à penser que nos propres efforts jouent également un rôle dans l’acquisition de notre subsistance matérielle, ne serait-ce que parce que Dieu veut que nous travaillions pour vivre. En revanche, la manne ne s’obtenait pas par l’effort humain, ce qui ne laissait nulle place à de telles conceptions erronées.
Même ainsi, Dieu ne permit pas au peuple de recueillir davantage de manne que celle qui tombait en une journée, car, dès lors que le « garde-manger » serait plein, le peuple cesserait de se sentir dépendant de Lui. Le but même de la manne était donc de servir d’épreuve pour voir si le peuple s’abandonnerait complètement à la miséricorde de Dieu, terminant chaque jour avec rien d’autre que leur confiance en ce qu’Il les soutiendrait le lendemain comme Il l’avait fait en ce jour.51
D’un autre côté, Dieu demanda au peuple d’aller ramasser la manne plutôt que de la livrer à leurs pieds. Il les préparait ainsi à leur future entrée dans le monde réel. Si, pour obtenir de la manne, il n’avait fallu aucun effort humain, le peuple aurait mis ce miracle sur le compte d’un évènement isolé, sans rapport avec la vie réelle. En étant tenus de recueillir la manne, ils apprenaient que l’effort humain et les bénédictions de Dieu œuvrent de concert.
La manne nous enseigne que notre subsistance vient du ciel. Même quand elle semble être le fruit de notre travail, il s’agit en réalité d’un don de Dieu.52
16:17 Certains, davantage, et d’autres, moins. Certains d’entre eux reconnaissaient la nature élevée de la manne et désiraient en recueillir autant que possible, et d’autres, à qui cette sensibilité spirituelle faisait défaut, portaient peu d’intérêt à la manne. Il y en avait même qui négligeaient les instructions de Moïse et conservaient la manne pour le lendemain ou sortaient en ramasser le Chabbat. Pourtant, ils en reçurent tous la même quantité.
La leçon pour nous ici est que nous ne devons pas avoir la présomption de juger qui est plus ou moins « méritant » de la nourriture spirituelle ou matérielle que nous sommes en mesure de partager. Nous devons plutôt chercher à satisfaire les besoins spirituels et physiques de nos semblables de la même manière. Même quelqu’un qui n’apprécie peut-être pas la valeur de ce que nous avons à lui offrir, ou qui pourrait même en abuser, mérite le meilleur que nous puissions lui donner.53
16:23 Un Chabbat saint pour l’Éternel. Voici la première référence explicite dans la Torah à l’obligation d’observer le Chabbat. Il est approprié que le Chabbat soit présenté en relation avec la manne, car le Chabbat et la manne ont une finalité commune : souligner notre dépendance totale à Dieu comme la vraie source de toute subsistance. Croire que l’effort humain est le seul facteur déterminant du succès rend difficile de justifier l’abandon d’une journée entière de revenus. Ne pas travailler le Chabbat est une affirmation nette et claire de notre foi en ce que la subsistance se trouve dans les mains de Dieu, et que notre travail n’est rien de plus qu’un canal à travers lequel coulent Ses bénédictions.54
16:29 Qui vous a donné le Chabbat. En disant « C’est l’Éternel qui vous a donné le Chabbat », Moïse laissa entendre que Dieu le donne à tout un chacun, individuellement. Quoique la forme extérieure de l’observance du Chabbat soit la même pour tous, la nature de l’expérience spirituelle intérieure de Chabbat diffère d’une personne à l’autre. La quantité et la qualité de l’inspiration spirituelle que nous ressentons le jour du Chabbat dépendent dans une large mesure de la quantité d’efforts physiques et spirituels que nous avons consacrés à le préparer au cours de la semaine de travail précédente.55
17:6 Il en jaillira de l’eau. Ce rocher miraculeux servit de puits et accompagna le peuple dans ses voyages ultérieurs. Dès lors, ils eurent toujours de l’eau, jusqu’à ce que le rocher disparaisse.56 Même si c’est Moïse qui transforma le rocher en puits, c’est par le mérite de sa sœur Miriam qu’il continua de procurer de l’eau.57
17:8 Amalek survint. Le peuple avait mis en doute l’idée que Dieu était « parmi eux », conscient d’eux et attentif à leurs besoins. Ceci eut lieu après que Dieu leur eût par miracle et avec amour fourni de la nourriture, de l’eau et une protection : Il leur avait donné la manne céleste, leur avait procuré l’eau d’un rocher du mont Sinaï et les avait abrités par les nuées de gloire. Mettre en cause les soins et la bienveillance de Dieu était une attitude extrêmement insolente, qui appelait une réponse sévère.58 Pour démontrer aux Hébreux qu’Il est toujours prêt à venir à leur aide, Dieu encouragea les Amalécites – aussi effrayés par les Hébreux que tous les autres peuples –59 à les attaquer. Le peuple juif aurait ainsi à réclamer Son secours et Lui répondrait sur-le-champ.60 Ils attaquèrent les hommes spirituellement faibles qui avaient péché ; les nuées les ayant donc expulsés, ils se trouvaient dépourvus de protection.61
Amalek survint. L’attaque physique du peuple d’Amalek fut la manifestation extérieure de l’attaque spirituelle de l’Amalek intérieur en chacun. La valeur numérique du nom Amalek (עמלק) est la même que celle du mot « doute » (ספק). Par la question : « Dieu est-Il présent parmi nous ou non ? », le peuple avait exprimé le doute qu’il ressentait à propos de l’implication de Dieu dans la vie.
Cet Amalek intérieur continue de nous tourmenter depuis ce jour, essayant de semer le doute et de refroidir notre ferveur religieuse. Il reconnaît que Dieu existe, mais essaie de nous convaincre qu’Il est trop grand pour se soucier des détails de notre pratique du judaïsme.
Un doute en appelle un autre, et c’est ainsi que notre Amalek intérieur finit par nous convaincre que Dieu n’a aucune implication dans la vie des hommes. Cela nous amène à abandonner notre quête du spirituel et du Divin.62
Amalek survint et se battit contre Israël. En tant qu’allégorie, l’Égypte signifie une conscience restreinte du Divin, tandis que la réception de la Torah et l’entrée sur la terre d’Israël représentent l’acquisition d’une conscience élargie du Divin.
Tout au long de l’exil égyptien, nos ancêtres s’agrippèrent à leur foi, une foi simple et parfaite, mais ils ne réussirent pas à dépasser ce stade. Leur foi fut assez forte pour les empêcher de s’assimiler entièrement à la culture égyptienne, mais leur servitude au matérialisme égyptien ne laissa pas la foi remplir leur cœur d’un amour actif et de la crainte de Dieu. Transformer la foi en émotion n’est possible que lorsque l’esprit est sans entraves et qu’il est tourné vers la méditation sur la réalité, la splendeur, la transcendance et l’immanence de Dieu. Cette conscience élargie du Divin engendre des émotions divines développées qui remplissent le cœur d’amour et de respect ; puis ces émotions nous motivent à observer les commandements de Dieu et à mener une vie sainte et bonne.
Néanmoins, il est presque impossible de passer directement de la conscience réduite à la conscience élargie. Même si nous nous efforçons résolument de contourner notre matérialisme inné, notre intellect récemment délivré n’est pas d’emblée assez fort pour réussir à remplir notre conscience d’amour et de crainte de Dieu, dépassant tous les autres désirs, amours et craintes et s’y substituant.
Par conséquent, il faut une étape intermédiaire, où l’intellect n’a pour but que de nous motiver à contrôler notre comportement, conscients de la réalité de Dieu et de ses implications dans notre vie.63
Il s’agit là, dans un sens allégorique, du désert allant de l’Égypte vers la terre d’Israël que nous traversons. Le désert farouche fait allusion à l’état spirituel dans lequel nous ne sommes pas encore devenus complètement « civilisés », pas plus que nous ne contrôlons un système de valeurs étranger à nous qui s’efforce de nous asservir à son mode de vie matérialiste.
Or nous voici face à un nouvel ennemi, Amalek. Amalek cherche à dissocier notre intellect de nos émotions, empêchant que nos liens intellectuels naissants avec Dieu influencent notre manière de ressentir et, partant, notre manière d’agir.64 Tout comme le peuple d’Amalek nous attaqua effrontément en dépit des miracles que Dieu venait de faire pour nous, l’Amalek intérieur est la voix effrontée à l’intérieur de nous qui nous invite à ignorer les implications de ce que nous savons et à agir dans le mépris capricieux de nos convictions.
Ainsi, tout comme la sortie d’Égypte se répète allégoriquement à chaque génération et chaque jour, il en va de même pour Amalek. Nous devons chaque jour nous affranchir davantage du joug du matérialisme et faire taire la voix insolente qui cherche à enrayer notre progrès spirituel.
Dès lors que nous aurons réussi à quitter notre Égypte intérieure et à l’emporter sur notre Amalek intérieur, nous voilà prêts à recevoir à nouveau la Torah et à entrer sur notre Terre promise.
La mise en œuvre accomplie de ce processus de développement spirituel de nature individuelle hâtera la réussite collective, conduisant le monde entier à sa Délivrance messianique.65
17:9 Choisis des hommes. Moïse dit à Josué : « Certes, nous sommes pour la plupart protégés des attaques par les nuées qui nous entourent ;66 or il nous reste également à défendre ceux d’entre nous qui ne le sont pas en repoussant cette attaque. Je n’ai pas reçu d’instruction concrète de la part de Dieu à ce sujet, mais le fait que nous venions d’être attaqués indique sans aucun doute que Dieu nous a abandonnés temporairement afin de nous montrer de quelle manière Il viendra à notre secours quand nous aurons besoin de Lui. Puisque cette bataille se livrera par des voies naturelles – au moins jusqu’à ce qu’Il vienne à notre aide –, ce ne sera pas moi qui dirigerai le peuple, car je suis âgé de quatre-vingts ans et seuls les hommes ayant entre vingt et soixante ans67 sont censés lutter dans l’armée. »68
Moïse s’adressa à Josué comme à son égal, car on doit honorer son élève comme on s’honore soi-même ; l’ami, comme on honore le maître ; et le maître, comme on honore Dieu.69
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