Le’h Le’ha – La vocation d’Abraham

C’est avec la troisième section du Livre de la Genèse que commence la chronique d’Abraham, qui fut choisi par D.ieu pour fonder le peuple juif. Le nom de cette section (Le’h Le’ha) vient des premiers mots adressés par D.ieu à Abraham : « Va vers toi », par lesquels Il lui demande de quitter sa Mésopotamie natale (l’Irak actuel) pour s’établir dans la Terre promise. Au cours de ses voyages, Abraham affronta le paganisme en diffusant la conscience que l’ensemble de la Création trouve son origine en le D.ieu unique et qu’elle est perpétuellement dépendante de Lui.

Il n’est nullement exagéré d’affirmer que les deux mots qui ouvrent cette parachah – Le’h le’ha – sont les mots les plus importants jamais prononcés dans l’histoire. C’est avec ces mots que D.ieu fit entamer à Abraham le parcours qui allait inverser le processus de dégénération dans lequel l’humanité était enfermée depuis l’expulsion du Jardin d’Éden, un parcours appelé à aboutir au Don de la Torah au mont Sinaï.

Bien que des justes apparurent avant Abraham, aucun d’eux n’était parvenu – certains n’avaient pas même cherché – à contenir la vague d’éloignement de D.ieu qui avait submergé du monde. Ils avaient au mieux préservé les anciennes traditions, et s’étaient protégés d’un monde hostile au divin et de ses influences corruptrices. Mais ils manquaient du courage et de l’imagination nécessaires pour s’opposer à la corruption et pour tenter de remédier au clivage entre les cieux et la terre.

Abraham, en revanche, ne fut pas intimidé par la corruption qui régnait autour de lui ; bien au contraire, elle l’inspira à devenir un activiste. Comme nous l’avons vu à la fin de la précédente parachah, Abraham évolua au milieu de ses contemporains en leur montrant le caractère aberrant de leur mode de vie et en les encourageant à embrasser son renouveau monothéiste.

Et pourtant, en dépit de ses résultats remarquables, les efforts d’Abraham étaient limités par le fait qu’il ne parlait qu’en son nom. Pour ceux à qui il s’adressait, il n’était qu’un de leurs semblables, plus honnête intellectuellement et plus vertueux. Mais Abraham n’avait pas encore atteint l’étape suivante – la conscience que D.ieu peut être trouvé dans la vie ordinaire. L’intelligence humaine ne pouvait envisager que le D.ieu transcendant puisse être présent de façon immanente au sein de la nature et de la vie quotidienne. C’est ainsi qu’à cette époque, le monothéisme n’était guère plus qu’un déisme – l’idée que D.ieu avait créé le monde et avait mis en mouvement le mécanisme de la nature.

Tout ceci changea lorsque D.ieu adressa Ses premiers mots – Le’h le’ha – à Abraham. En premier lieu, le fait même que D.ieu fit ouvertement écho aux efforts d’un être humain changea les règles pour toujours. D.ieu montra qu’Il était bien accessible à ceux qui étaient sincèrement en quête de Lui. (Il est vrai que D.ieu avait parlé à Noé, mais Il ne l’avait fait que de Sa propre initiative.)

Ensuite, par ces mots D.ieu fit d’Abraham Son émissaire, rendant son message incomparablement plus crédible qu’il ne l’avait été auparavant. Ainsi, ce ne fut qu’à travers les efforts déployés par Abraham après que D.ieu se fut adressé à lui que la Présence divine commença de redescendre sur terre.

Enfin, en enjoignant à Abraham d’« aller », D.ieu fit de lui un être nouveau qui pouvait désormais progresser au-delà de ses capacités. « Va vers toi » signifie : « Va vers ton véritable moi, ton moi supérieur, que tu n’aurais jamais pu atteindre par toi-même. » La définition d’une personne pieuse n’était désormais plus « une personne qui se relie à D.ieu autant que les capacités humaines le permettent » ; sa définition était à présent « une personne qui se relie à D.ieu en franchissant indéfiniment les limites des capacités humaines. »

Dans cette perspective, la parachah Le’h Le’ha relate la façon dont D.ieu porte la dynamique initiée dans la parachah Noa’h à son degré supérieur. La parachah Noa’h a montré comment D.ieu introduisit le concept de techouvah, la possibilité de rectifier une mauvaise action et de refaire notre vie même après avoir commis ce qui serait autrement apparu comme des erreurs fatales. Dans la parachah Le’h Le’ha, D.ieu ne nous donne pas seulement la possibilité de revenir à notre moi originel : Il rend possible pour nous de « revenir » à notre moi authentique et fondamental, le moi dont nous ne soupçonnions pas même l’existence, en révélant en permanence de nouvelles perspectives, toujours plus élevées, de notre personnalité divine intrinsèque et de notre attachement inné à D.ieu.1