« D.ieu dit à Moïse : Dis aux prêtres, les fils d’Aharon, et tu leur diras : “Qu’aucun prêtre ne se rende rituellement impur au contact d’un mort...” »1

Pourquoi le verset répète-t-il l’ordre de « dire » ?

« La Torah emploie cette répétition pour mettre en garde les adultes concernant les enfants. »2

Le don de la Torah au Sinaï n’aurait-il pas été une occasion plus propice pour donner ce commandement ?Le premier « Dis » s’adresse à Moïse. « Et tu leur diras »  est une instruction adressée aux prêtres pour qu’ils éduquent leurs enfants. (Grammaticalement, la place des « deux points » est en fait « les fils d’Aharon » et non après « « et tu leur diras ».)

Il s’agit de la première référence biblique à l’obligation faite aux parents d’éduquer leur descendance.

Mais pourquoi ici, pourquoi maintenant ?

Le don de la Torah au Sinaï n’aurait-il pas été une occasion plus propice pour donner ce commandement ? L’ambiance s’y prêtait, l’atmosphère était adéquate. Comme le relate le Midrach, avant que D.ieu n’accepte de nous donner la Torah, Il avait réclamé des garants pour son observance. Après plusieurs propositions infructueuses de notre part, les seuls garants qu’Il avait acceptés furent les enfants, ceux qui détiennent l’avenir entre leurs mains.3

N’aurait-ce pas été le moment idéal pour charger les parents de guider ces petites mains ?

Une autre question :

On nous enseigne que chaque texte fait partie d’un contexte. Mais celui-ci n’est-il pas un peu « hors sujet » ?

Après tout, ce texte traite des prêtres et de leurs lois, ce qui semble impliquer qu’éduquer ses enfants est strictement une affaire de prêtres. Cela ne peut pas être vrai. Le Judaïsme ne tient-il pas l’éducation comme un idéal et un devoir universels ?

Chose intéressante, la réponse à ces deux questions est la même.

L’éducation des enfants est un processus en constant développement, dont le perfectionnement, non l’existence, est l’objet de ce verset. Car, le devoir des parents d’enseigner à leurs enfants la différence entre le bien et le mal, leur donnant ainsi les bases de l’éducation, est une donnée de base du Judaïsme, implantée dans notre ADN ancêtre Abraham, à propos duquel D.ieu témoignait : « Je le chéris parce qu’il ordonne à ses fils et à sa maison après lui de garder la voie de D.ieu d’accomplir la droiture et la justice. »4

En revanche, que les parents aient l’obligation d’élever le niveau de l’éducation de leurs enfants, chaque fois que c’est possible, est la révolution que notre verset introduit, comme en atteste clairement le contexte sacerdotal.

Toute personne peut être un prêtre de D.ieu si elle le désireDans un passage étonnant, Maïmonide écrit : « Ce n’est pas uniquement la tribu de Lévi, mais tout être humain5 qui le désire et décide de se vouer au service de D.ieu... est sanctifié au degré de sainteté du Saint des Saints… et il mérite de voir ses besoins comblés dans ce monde comme les Lévites et les Prêtres. »6

Toute personne peut être un prêtre de D.ieu si elle le désire.

Éduquer son enfant implique de créer chez lui ce désir.

Le souhait d’anniversaire

Ceci nous conduit au point suivant.

Les parents investis dans leur rôle et en quête de ressources seront sans aucun doute intéressés par une innovation fondamentale relativement récente dans le domaine de l’éducation.

Cette contribution considérable au domaine éducatif nous a été rendue accessible par Rabbi Chalom DovBer de Loubavitch – qui allait plus tard devenir le cinquième Rabbi de ‘Habad-Loubavitch – alors qu’il n’avait que quatre ou cinq ans.

A l’occasion de son anniversaire, le petit Chalom DovBer rendit visite à son saint grand-père, Rabbi Mena’hem Mendel, appelé du nom de son œuvre, le « Tséma’h Tsedek ». Comme il en avait l’habitude lors de cette audience annuelle, son grand-père le bénit. Mais à la surprise du Rabbi, son jeune petit-fils éclata en sanglots.

Il avait récemment étudié le passage de la révélation de D.ieu à Abraham après sa circoncision.7 En larmes, il demanda à son grand-père : « Pourquoi D.ieu s’est-Il révélé à Abraham et pas à moi ?... »

Ce jour-là, l’enfant aurait pu demander à son grand-père n’importe quoi. C’était là pour lui l’occasion de formuler un souhait. Sauf que, contrairement à la plupart des souhaits prononcés avant de couper un gâteau d’anniversaire, celui-ci s’accomplirait avec certitude.

Et que choisit-il de demander, à l’âge de quatre ou cinq ans à peine ?

D’être honoré d’une révélation divine.

Cette requête – et plus encore les larmes qui l’accompagnaient – nous en dit long sur l’éducation exemplaire dont il bénéficia. Qu’un enfant d’un âge si tendre puisse exprimer, non seulement une appréciation, mais une aspiration profonde pour quelque chose d’intangible et de divin, témoigne de la méthode d’éducation révolutionnaire à laquelle ses parents avaient souscrit.

Une méthode à travers laquelle même un enfant peut être conduit à rechercher le sens et la piété, dans laquelle les sujets spirituels ne sont pas considérés comme hors de portée des enfants.

L’altruisme et l’aspiration à la spiritualité ne sont pas des valeurs artificiellement imposées à l’hommeRabbi Chmouel et la Rabbanit Rivka, les parents de Chalom Dov Ber, ne considéraient pas les enfants comme on l’avait toujours fait auparavant – et comme bon nombre d’adultes le font toujours – comme de petits êtres égoïstes, capables de faire ce qu’il faut uniquement pur de mauvaises raisons, motivés seulement par la carotte et le bâton et exclusivement intéressés par les plaisirs immédiats.

Ils voyaient les enfants comme des êtres purs, capables d’un sincère service de D.ieu.

Élever le niveau

Cette nouvelle approche de l’éducation des enfants se distingue non seulement des normes et de la pensée du monde laïc, mais également de celles du monde religieux.

Voici ce que Maïmonide avait à dire sur les enfants :

« En éduquant des enfants – qu’ils soient petits en âge ou en connaissance – nous leur apprenons de servir D.ieu par peur de la punition et en anticipation d’une récompense. Ce n’est que lorsqu’ils grandissent et acquièrent de la sagesse que vous pouvez entreprendre de leur inculquer un esprit altruiste... »8

Ailleurs, Maïmonide écrit :

« En éduquant de jeunes enfants, il est nécessaire de les encourager avec des choses qui leur sont précieuses à leur âge... Dites-leur que vous leur donnerez des noisettes et des douceurs [s’ils font ce qu’il faut]... car à leur jeune âge, leur capacité intellectuelle est limitée et ils sont incapables d’apprécier l’importance de faire le bien uniquement parce que c’est bien... »9

Ceci semble exprimer l’idée répandue à l’époque de Maïmonide, et certainement la réalité d’alors, selon laquelle les enfants étaient incapables d’élévation spirituelle.

Mais la réalité a changé. Rabbi Chalom DovBer a enseigné par l’exemple que les enfants doivent désormais être considérés différemment. Eux aussi peuvent être altruistes. Eux aussi peuvent faire le bien de façon désintéressée. Eux aussi peuvent désirer une relation avec D.ieu.

L’altruisme et l’aspiration à la spiritualité ne sont pas des valeurs artificiellement imposées à l’homme. Elles font intrinsèquement partie de la nature humaine, et doivent seulement être exprimées.

La sensibilité d’un enfant

« N’est-il pas suffisant que j’aie humilié le tailleur une fois ? Dois-je recommencer ? »Il existe une autre histoire qui met en lumière le chemin novateur et révolutionnaire tracé par le jeune Chalom DovBer. Notez que ce second épisode souligne un changement positif pas seulement dans la relation entre un homme et son Créateur, mais englobe aussi ses relations avec son prochain.

Chalom DovBer avait alors quatre ans lorsque le tailleur local se rendit chez ses parents pour livrer un vêtement commandé par sa mère, la Rabbanit Rivkah. Intrigué par les poches intéressantes du tailleur, le garçon mit sa main dans l’une d’elles. A la grande humiliation du pauvre tailleur, il en tira un morceau de tissu non utilisé.

Il se mit à bredouiller toutes sortes d’excuses, mais le mal était fait. Il était humilié.

Après le départ du tailleur, la Rabbanit réprimanda gentiment son fils. Elle lui expliqua que l’homme avait eu honte à cause de lui. Mortifié d’avoir blessé le tailleur, le petit garçon éclata en pleurs.

Quelques semaines passèrent, mais il n’oublia pas la chose.

Il s’approcha un jour de son père – le futur quatrième Rabbi de ‘Habad-Loubavitch – et lui demanda sincèrement :

– Comment se repent-on d’avoir fait honte à quelqu’un ? 

– Que s’est-il passé ? l’interrogea son père.

– Je préfère ne rien dire, répondit l’enfant.

Ce soir-là, sa mère lui demanda pourquoi il avait décidé de taire l’histoire à son père.

Faisant montre d’une extrême sensibilité, il répondit : « N’est-il pas suffisant que j’aie humilié le tailleur une fois ? Dois-je recommencer ? »

C’était un accident. Il n’avait pas fouillé dans la poche du tailleur pour y chercher des restes du tissu. Mais, en entendant quelle avait été la honte du tailleur, il avait pleuré. Non parce qu’il avait mal agi, mais parce qu’il avait fait du mal à autrui. Un autre Juif avait été blessé, et donc lui aussi.

Voilà ce qui s’appelle une éducation « de prêtre ».

En quoi suis-je concerné ?

Ces histoires nous imposent d’élever notre vision de nos enfants et notre ambition à leur égard. Ils peuvent être des altruistes en quête de spiritualité. Ils ont seulement besoin qu’on les aide à développer cette faculté.

Nos enfants sont prêts. La vraie question est : le sommes-nous ?10