« D.ieu dit à Moïse : Parle aux prêtres, les fils d’Aharon, et tu leur diras : “Qu’aucun prêtre ne devienne rituellement impur au contact d’un mort...” »1

La raison de l’apparente redondance dans ce verset (« Parle aux prêtres » suivi peu après « Tu leur diras ») est « d’enjoindre les adultes à propos des mineurs ».2

La première injonction, « Parle », s’adresse à Moïse. L’expression supplémentaire, « et tu leur diras », est une instruction adressée aux prêtres afin qu’ils préservent l’état de pureté rituelle de leurs enfants.3

Dans son sens littéral, cette injonction rend les prêtres responsables du comportement de leurs enfants et pas seulement de leur éducation. Et, plus généralement, elle enseigne que les parents n’ont pas seulement le devoir de transmettre à leurs enfants des connaissances, mais également de s’assurer qu’ils mettront en pratique ces connaissances.

Cette obligation de surveillance parentale s’applique spécifiquement dans trois domaines de la loi juive : l’interdiction de consommer des insectes, de boire du sang et de se rendre rituellement impur.

Son sens large, comme message universel à tous les éducateurs, est éclairé par les trois occurrences bibliques desquelles découle cette importante leçon.

Le premier domaine comportemental que les parents doivent surveiller est l’éventuelle absorption de bestioles rampantes par leurs bambins, selon l’interdiction biblique de consommer des insectes.

Cela semble facile, pas vrai ? (OK, pas si facile que ça quand votre enfant en est encore à ramper lui-même et très ouvert d’esprit – et de bouche – envers tout ce qui rampe avec lui. Mais au moins c’est faisable.)

Ce qui est beaucoup moins facile, c’est de mettre en pratique l’idée éducative qui se dégage de cette loi.

Selon le Talmud,4 le désir d’ingérer des insectes n’est pas naturel et est motivé par une pulsion de révolte contre D.ieu qui nous en a interdit la consommation.

Le mangeur d’insectes représente l’enfant qui n’est pas animé du désir de savoir et d’apprendre davantage, l’enfant qui résiste et se révolte contre l’éducateur et contre le système éducatif qui lui apportent le savoir.

Dans un sens plus général, il représente la personne qui a des idées et une manière de vivre bien arrêtées et qui est fermée à toutes nouvelles perspectives.

Rencontrer un élève si indifférent peut être très démoralisant pour l’éducateur, car celui-ci est confronté à un manque d’intérêt plutôt qu’à un manque d’aptitudes. Avec ce dernier, il est possible de travailler, beaucoup moins avec le premier.

Le choix de la Torah de ce contexte particulier comme sa première préoccupation éducative est sa manière de proclamer sa première règle éducative : il n’existe pas de personne qui ne puisse être aidée et sauvée. Nous n’avons pas le droit de considérer un quelconque enfant (en âge ou en connaissances) comme étant sans espoir.

Dans une allocution prononcée en 2003 au sujet de sa relation avec le Rabbi de Loubavitch et de ses réflexions à son sujet, le professeur Alan Dershowitz5 raconta :

« Il y a 15 ou 20 ans de cela, j’ai eu la ‘houtspah – dans le plus mauvais sens du mot – d’écrire une lettre arrogante au Rabbi de Loubavitch.

J’avais lu dans le journal que le mouvement Loubavitch honorait Jesse Helms, et il n’y avait personne en Amérique que je méprisais plus que Jesse Helms. En tant que président du Comité des Affaires étrangères du Sénat américain, il représentait tout ce à quoi je m’opposais à cette époque, y compris le fait d’être virulemment anti-Israël.

J’écrivis au Rabbi une lettre qui disait “Comment pouvez-vous honorer un homme qui soutient tout ce qui est opposé aux valeurs juives en Amérique ?”

Puis je reçus une lettre de réponse du Rabbi, une lettre très, très respectueuse, une lettre que je chéris pour son contenu. Et il me fit la leçon, mais de manière très délicate, me disant qu’on ne doit jamais désespérer de quelqu’un. On ne doit jamais, jamais perdre espoir en quelqu’un. Aujourd’hui Jesse Helms peut être contre Israël, mais demain, si nous savons comment l’approcher et de quelle manière s’adresser à lui, peut-être se révélera-t-il le champion de la cause d’Israël.

Et je me dois de vous dire, j’avais des doutes à ce sujet, mais, comme on dit, le reste appartient à l’histoire. Bien que je demeure en désaccord avec Jesse Helms sur de nombreux sujets, concernant Israël, il est devenu notre champion... »

Avoir une habitude dans le sang

Le second comportement que les parents doivent étroitement surveiller chez leur enfant est celui de la consommation de sang, elle aussi d’interdiction biblique.6

Un commentaire du Midrache suggère qu’il fut un temps où le peuple juif était consommateur de sang (animal), ayant été influencé par la culture et les habitudes culinaires égyptiennes de l’époque.

D’où le verset7 : « Sois fort, ne consomme pas de sang... » Comme s’il fallait du courage pour ce sevrage.

Mais cela nécessita de la force et du courage, car, au fil du temps, c’était devenu partie intégrante du régime alimentaire des Juifs.

Ainsi, la consommation du sang représente-t-elle les mauvaises habitudes ancrées dans le caractère et l’esprit, ou encore un mode de vie qui n’est pas en accord avec les idéaux raffinés du Judaïsme.

Là encore, il s’agit d’un défi auquel les éducateurs sont couramment confrontés. Quel que soit ce que l’on enseigne à ses élèves, ou la qualité de l’atmosphère qui règne dans la classe, la formation de leur caractère dépend de l’environnement qu’ils retrouvent à la maison le soir, et de la vision du monde de leurs parents et de leur entourage familial.

Cela doit sembler tellement vain à un enseignant d’enseigner à ses élèves une chose qui sera immédiatement disqualifiée ou contredite par leurs parents.

Et cela est également, voire spécialement, vrai pour l’éducation des adultes. La difficulté supplémentaire s’agissant d’influencer des adultes tient au fait qu’ayant atteint un certain degré de confort dans la vie, ils sont moins enclins à l’enthousiasme et à l’ouverture d’esprit caractéristiques de la jeunesse et nécessaires à tout réel changement.

À nouveau, le message de la Torah est clair : ne sous-estimez pas le pouvoir de l’éducation. Vous ne savez pas quelle perspective nouvelle, quelle histoire, quelle expérience scolaire ou quel souvenir pourra propulser votre élève vers un changement positif.

Et, en ce qui concerne les élèves adultes, certains des plus brillants Sages du Judaïsme ont commencé tard : Abraham, Moïse, Jonas, Rabbi Akiva et Onkelos, pour ne citer qu’eux.

Débuts surnaturels

La troisième sphère de la loi juive qui requiert la supervision parentale est celle mentionnée au début de cet article : le commandement de préserver la pureté des enfants des prêtres.

Selon la pensée juive,8 les lois d’impureté ne sont pas régies par les lois de la logique, et symbolisent donc les aspects suprarationnels du Judaïsme.

Certains éducateurs estiment que l’éducation juive devrait commencer par les aspects rationnels du Judaïsme, et seulement après que l’enfant ait grandit et soit devenu plus réceptif à l’irrationnel peut-on lui parler d’une mer qui s’ouvre ou d’un âne qui parle. L’idée derrière cette approche est d’éviter de « submerger » les enfants avec des idées qui dépassent leur cadre de références et leur expérience.

Cette notion ne peut être plus éloignée de la vérité. En premier lieu parce que les enfants sont particulièrement disposés à la foi. Ils n’ont pas encore été endoctrinés par la société à considérer la logique et ses lois « immuables » comme seules arbitres de la vérité. Ensuite, s’il est un moment pour enseigner la foi à un enfant juif, c’est bien quand son esprit est encore en formation, afin que les aspects surnaturels et suprarationnels de la vie et de la religion ne soient pas perçus par la suite comme des rajouts qui demeureraient dès lors étrangers à son être et à sa vision du monde.

Il était tellement important aux yeux de l’un des Rabbis ‘hassidiques que ses enfants commencent leur éducation par l’étude des aspects miraculeux de la Torah que, lorsqu’il apprit que l’un des enseignants de ses enfants avait sauté le récit de la Création, il le fit immédiatement remplacer.

La même perspective s’applique quand on initie au Judaïsme des Juifs n’ayant pas eu d’éducation en la matière. Une approche consiste à commencer par les aspects de la Torah présentant un attrait logique ou émotionnel pour ne pas « submerger » cet « enfant » en connaissance d’idées qui dépassent son cadre de référence et son expérience. Cette approche réclame même que la pratique des lois de la Torah soit retardée jusqu’à ce que l’élève maîtrise la pensée juive et soit mentalement « à l’aise » et « prêt » pour aller de l’avant.

Cette philosophie est fondamentalement erronée, car elle introduit D.ieu à travers la pensée et non à travers l’âme, déclarant en substance que la logique est la base de la foi juive et non que la foi est la base de la logique juive.

Quel meilleur maître que D.ieu, qui choisit la Genèse comme point de départ de l’éducation, faisant débuter l’enseignement de Ses enfants par le récit merveilleux et surnaturel de la création ?

Basé sur une lettre du Rabbi imprimée dans Likoutei Si’hot vol. 2 p. 679