À Medziboz, où résidait le saint Baal Chem Tov, vivait un jeune homme nommé Élie Sokolover. Profondément impressionné par les enseignements du saint homme et par la ferveur de son amour pour D.ieu, il devint l'un de ses plus dévoués adeptes.

Un jour, il entendit que le Baal Chem Tov avait dit à ses disciples que quiconque désirait voir ses prières entendues par le Ciel, devait les réciter avec lui, le Baal Chem Tov, en l'accompagnant mot à mot. Décidé à suivre ce conseil, Élie se leva le lendemain matin de bonne heure afin d'aller faire ses prières en même temps que le saint Baal Chem Tov, conformément aux recommandations de ce dernier.

Revêtu du Tallith et des Tefiline, le jeune homme attendit, le cœur battant, que le maître révéré parût dans la synagogue et entamât ses prières du matin. Le Baal Chem Tov ne tarda pas à arriver, et aussitôt commença : « Adone » ; Élie répéta après lui « Adone », en tâchant de pénétrer la signification du mot aussi loin que ses jeunes connaissances le lui permettaient. Le Baal Chem Tov poursuivit : « Olame », d'une voix que faisait vibrer la profonde compréhension d'un sujet aussi transcendant que la naissance du monde. Et Élie répéta « Olame », avec toute la concentration d'esprit dont il put charger un mot aux si vastes implications. Les prières se continuèrent ainsi, Élie attentif à suivre le Baal Chem Tov fidèlement, mot pour mot, sa voix reflétant les sentiments sincères qu'il éprouvait. Chaque matin, la même scène se répétait, et Élie commençait à s'apercevoir qu'il comprenait peu à peu l'importance réelle de la prière.

Un matin, alors qu'ils priaient tous deux, le jeune homme entendit le Baal Chem Tov réciter à plusieurs reprises la phrase « Lo bigvourath hassousse ye'hpats » (« Il ne Se complaît point dans la force du cheval »). D'abord Élie répéta fidèlement les mots comme il en avait l'habitude. Puis, comme le maître les redisait inlassablement, le jeune homme perdit patience et poursuivit ses prières pour son compte. Élie ne pouvait pénétrer la signification particulière qui s'attachait à la phrase relative au déplaisir de D.ieu à l'égard de la force du cheval. A partir de ce matin-là, il s'abstint de prier avec le Baal Chem Tov, et le fit séparément.

À quelque temps de là, Élie rendit visite au maître. Le saint homme en profita pour lui demander : « Dis-moi, Élie, pourquoi nous avoir désertés, moi et mes prières du matin ? » Élie lui répondit sans détour : il n'était pas arrivé à comprendre la raison pour laquelle le Baal Chem Tov n'avait cessé de répéter le passage ayant trait au déplaisir qu'occasionnait à D.ieu la force du Cheval.

– Ah ! Était-ce cette phrase ? répondit le Baal Chem Tov. Eh bien, cela n'aurait pas dû être cause de ton changement de pensée ou de sentiment. Si tu avais pu voir plus loin, tu aurais découvert une excellente raison à mon acte. Voilà. Si tu t'en souviens, c'était un vendredi. Ce même jour, à une très grande distance de nous, sur une route, un Juif voyageait à pied. Estimant qu'il ne pourrait rejoindre la ville la plus proche avant le coucher du soleil, il avait décidé de passer le Sabbat dans le champ qu'il longeait. À ce moment précis, un voleur de grand chemin avait enfourché son cheval à la recherche d'une agression à commettre. Déjà il traversait les bois et se dirigeait en droite ligne vers le lieu où se trouvait le Juif. La vie de ce dernier et tout ce qui lui appartenait étaient en danger. C'est pourquoi j'ai si longtemps répété le passage en question ; je l'ai fait jusqu'à ce que la confusion se fut emparée de l'esprit du bandit. Incapable alors de trouver son chemin, il n'avait rien pu faire d'autre que s'en retourner là d'où il était venu.