L’une des personnalités les plus remarquables de « l'âge d'or » de l'histoire juive d'Espagne fut Rabbi Bahya ben Joseph Ibn Pakoudah. Sa grande piété et sa sainteté l'ont fait surnommer « Ha'hasside » (le Pieux). Bien qu'il ait été l'un des érudits les plus éminents en Torah de son temps, il y a quelque huit siècles, peu de détails sur sa vie sont parvenus jusqu'à nous. Nous savons qu'il fut un Dayan (Juge) à Saragosse. Mais nous ignorons les dates exactes de sa naissance et de sa mort, comme aussi le nombre d'années qu'il vécut. Son ouvrage dont l'importance est grande, et qui est empreint de sainteté, « 'Hovoth Halevavoth » (les Devoirs des Cœurs) qu'il écrivit avant l'an 4916 (1156) – époque à laquelle Rabbi Abraham Ibn Ezra en fait mention – le rendit célèbre.
Il fut à peu près le contemporain de Rabbi Salomon Ibn Gabirol. On ne sait s'il vécut peu avant ou peu après Rabbi Salomon. La question est controversée. On s'accorde cependant à reconnaître unanimement que « 'Hovoth Halevavoth » est l'un des ouvrages les plus considérables et les plus inspirés qu'on ait écrits sur la Torah et les Mitsvot.
L'amour et la crainte
Cette œuvre fut rédigée par Rabbi Bahya en arabe, et plus tard traduite en hébreu par un traducteur célèbre : Rabbi Judah Ibn Tibbon (en l'an 4940-1180 environ).
Dans son avant-propos, l'auteur explique pourquoi il entreprit d'écrire un tel livre : aucun grand érudit juif avant lui n'avait choisi pour sujet l'importance de l'étude approfondie des Mitsvot relevant du cœur. Aussi prit-il à tâche de combler cette lacune, dans le but de stimuler la conscience que tout Juif doit avoir de D.ieu et de Ses commandements. Ce qui, pensait-il avec juste raison, devait engendrer la crainte du Tout-Puissant (Yirath Hachem) et l'amour du Tout-Puissant (Ahavath Hachem), rendant ainsi plus parfait le service de D.ieu.
Rabbi Bahya a divisé son livre en dix parties (Chéarime – « Portes »), qu'il a considérées comme les différents barreaux d'une échelle. En gravissant ces barreaux, un Juif peut atteindre le niveau le plus élevé dans le service du Tout-Puissant. Dans la première partie, intitulée « Chaar haYi'houd » (la Porte de l'Unité), l'auteur discute le précepte fondamental de la religion juive, la croyance en un D.ieu unique (A'hdouth HaBoreh). Le Tout-Puissant est le Créateur de tout l'univers ; et pour comprendre Sa grandeur et Sa bonté, nous devons méditer profondément sur les merveilles de la nature, et prendre conscience que D.ieu veille sur le monde entier avec bonté. Combien reconnaissant, dès lors, doit être chaque être humain, et particulièrement le Juif que D.ieu a élu afin qu'il Le serve !
L'auteur passe ensuite au « Chaar haBita'hone » (la Porte de la Confiance). Il y décrit l'importance des vertus et la laideur des vices, et nous donne les moyens de corriger nos défauts. La confiance en le Tout-Puissant est à la base de tout. En ayant conscience de Sa grandeur et de Sa bonté, nous nous sentons pleins de confiance en Lui. Et une fois acquise cette confiance, nous servirons D.ieu avec un cœur délivré des soucis et des déceptions. Le fidèle a beau posséder des qualités à toute épreuve ; il n'en doit pas moins veiller et rester sur ses gardes. Le Yétsère Hara (l'inclination au mal) cherche constamment à affaiblir la confiance de l'homme en le Tout-Puissant, et à créer en lui des doutes. L'auteur montre par quels moyens on peut les éviter et les surmonter.
L'orgueil : un grave défaut
L'un des plus graves défauts de l'homme est l'orgueil. L'humilité et la Crainte du Tout-Puissant sont les traits les plus beaux du Juif. Un Juif a le devoir d'être toujours modeste dans ses rapports avec les autres ; il doit toujours avoir du respect pour celui qui a plus de connaissances que lui, ou plus de qualités ; si on lui adresse des louanges, il ne doit pas oublier ses lacunes ; et si on l'insulte, il ne doit pas s'en irriter, mais plutôt se livrer à un examen rigoureux de soi-même et tâcher de s'amender ; si le Tout-Puissant lui accorde des richesses, il doit être très attentif à ne pas s’écarter du droit chemin, comme c'est souvent le cas, l'homme enrichi oubliant que D.ieu ne lui a donné tous ces biens qu'en dépôt, et dans un but déterminé.
Un Juif doit éviter tout péché, si petit soit-il ; et quand il accomplit une Mitsva, il doit le faire en y mettant tout son cœur et toute sa dévotion au Tout-Puissant.
Un Examen de Conscience
Rabbi Bahya parle ensuite de la Techouvah (la Repentance). Le pécheur ne doit jamais se sentir perdu, car D.ieu, dans Sa miséricorde, lui a donné, comme à tout un chacun, la merveilleuse possibilité de la Techouvah, qui est la possibilité de se purifier. Ici l'auteur décrit aussi les moyens d'atteindre cet état sublime de la Techouvah.
Il discute ensuite l'importance pour chacun de connaître sa propre position, et de se livrer de temps en temps à un examen de conscience (Hechbone Hanéfèche). Cela est nécessaire pour monter d'un niveau à l'autre et d'atteindre à la perfection. Il met en garde contre les trop nombreux plaisirs terrestres, et engage à prêter plus d'attention aux valeurs éternelles qui conduisent à Ahavath Hachem (l'amour du Tout-Puissant).
Le « 'Hovoth Halevavoth » est l'un des textes de Moussar les plus beaux et les plus saints. Si bien que beaucoup d'auteurs ultérieurs ne se privèrent pas de puiser à cette « source ». L'ouvrage est, en effet, très populaire et on l'étudié avec le même intérêt jusqu'à nos jours.
Cette œuvre classique révèle l'exaltation de l'âme de celui qui l'a conçue. Aussi n’est-il pas étonnant qu'elle ait été appréciée et aimée par tout le peuple juif à travers le monde.
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