Une figure exceptionnelle

Pour le monde juif Rabbi Yossef Its’hak Schneerson était un chef et un défenseur du Judaïsme, qui se sacrifia sa vie durant à la cause de son peuple. Pour un grand nombre d’hommes de toutes les classes de la société, ce fut un patriarche et un sage dont les conseils et les encouragements apportaient réconfort et consolation. Pour la communauté ‘Habad-Loubavitch du monde entier, avec ses milliers de synagogues et ses centaines de milliers de fidèles, sa parole était sacrée et ses désirs des ordres.

Son aspect était des plus imposants : sa barbe d’or et d’argent, ses yeux luisants de bonté et son sourire majestueux faisaient sur tous ceux qui l’approchaient de près une impression inoubliable. Affable et affectueux lorsqu’il s’entretenait avec ses nombreux visiteurs, il pouvait être extrêmement grave, audacieux et péremptoire quand il abordait un sujet touchant le maintien des pratiques religieuses ou les intérêts matériels de ses frères où qu’ils fussent.

Il personnifiait toute la beauté de l’érudition et de la piété, de la bienveillante bonté et de l’humilité, de pureté de cœur et de la foi qui caractérisent le mouvement ‘Habad-Loubavitch. Il était tout ce que doit être un vrai chef juif.

Depuis deux siècles, la dynastie des rabbins Schneerson avait donné au monde juif des chefs de la plus grande valeur. Fidèle à cette tradition, Rabbi Yossef Its’hak se dressait au-dessus des partis et appartint à Israël tout entier. Tous les Juifs sans exception lui furent chers. Ainsi, tandis qu’il consacrait une partie de son temps à la vaste communauté ‘Habad-Loubavitch du monde entier, avec ses problèmes particuliers, tels que la propagation de la philosophie ‘Habad et le maintien de la tradition ‘Habad-Loubavitch, une large part de son activité était réservée à l’amélioration générale du statut économique des Juifs et à la défense du Judaïsme en tous lieux ; au perfectionnement du système d’enseignement de la Torah et au soutien de toutes les institutions fidèles à son esprit, qu’elles fussent ou non affiliées à ‘Habad-Loubavitch. Son dévouement à son peuple, son martyre pour le Judaïsme font du Rabbi Yossef Its’hak l’une des figures les plus révérées et les plus saintes du monde juif tout entier. Il sut imprimer à ses disciples l’attitude qu’il fallait adopter, au cours de la période la plus critique de l’histoire juive.

Rabbi Yossef Its’hak Schneerson naquit à Loubavitch, en Russie, le 12 Tamouz 5640 (1880). Quand il eut quinze ans, son père, Rabbi Chalom Dovber Schneerson, l’initia à son œuvre pour le Klal Israël en faisant de lui son secrétaire personnel.

À l’aide des Juifs de Russie

Pendant plus de cent ans, les membres de la dynastie de Loubavitch jouirent du statut de « citoyens d’honneur » qui leur avait été accordé par le Tzar Alexandre Ier, à l’époque de l’invasion de la Russie par Napoléon Ier, en reconnaissance du grand patriotisme de Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi, fondateur du ‘Hassidisme ‘Habad et à l’origine de la dynastie de Loubavitch. Ce statut privilégié, ainsi que la considération dont jouissaient les rabbins (même aux yeux des non-Juifs) leur permit de rendre des services innombrables à notre peuple dans la Russie des tzars.

Quand on apprit, à Saint-Pétersbourg, la mort de Rabbi Chnéour Zalman, le ministre de la Guerre réunit le cabinet en assemblée extraordinaire pour envoyer un message de condoléances à la famille affligée.

Le message officiel fut remis à son fils à Krémentchoug par des représentants des gouverneurs de Poltava, Tchernigov et Odessa, ainsi que la prière d’indiquer la meilleure manière dont la Russie pourrait récompenser les services patriotiques rendus par le grand défunt. Le fils et successeur du premier chef ‘Habad ne voulut rien pour lui-même, mais demanda pour les Juifs la bienveillance du gouvernement russe et l’amélioration de leur situation économique. Quand on le pria de faire des suggestions précises, il demanda que le gouvernement aide de nombreux Juifs à s’établir dans des campagnes, projet que son père avait entrepris de réaliser juste avant que n’éclate la guerre franco-russe.

C’est ainsi que furent créées les fameuses colonies juives de la région de Kherson, en Ukraine.

Les colonies se développèrent et ce ne fut rien moins que le salut pour des milliers de familles juives.

Le petit-fils de Rabbi Chnéour Zalman, Rabbi Mena’hem Mendel de Loubavitch, talmudiste et codificateur universellement connu, auteur du « Tsema’h Tsedek » et représentant la troisième génération des Rabbis de Loubavitch, fit l’acquisition de vastes terres près de la ville de Chtchedrine, y compris la ville elle-même et de nouvelles colonies agricoles juives s’y installèrent.

Ces efforts furent amplifiés par chaque génération de chefs de ‘Habad jusqu’à la génération de Rabbi Yossef Its’hak Schneerson, époque à laquelle le Comité d’entraide américain commença à s’intéresser activement aux plans agricoles en Russie.

L’installation de nombreux Juifs dans des exploitations agricoles ne fut pas la seule façon dont les Rabbis de Loubavitch s’efforcèrent d’arracher à leurs misérables conditions de vie les Juifs de Russie et de Pologne. Ils propagèrent l’idéal de l’artisanat parmi les Juifs et élevèrent leur position économiquement et socialement jusqu’à un rang honorable dans le monde juif. Les artisans juifs cessèrent d’être considérés comme les rebuts de la société. Le fils du « Tsema’h Tsedek » avait persuadé le gouvernement de leur accorder des privilèges spéciaux de résidence dans les territoires réservés, au même titre qu’aux hommes d’affaires et aux Juifs exerçant des professions libérales. Les Rabbis de Loubavitch œuvrèrent pour la création d’écoles professionnelles pour artisans juifs. Ils s’efforcèrent aussi de procurer du travail et des emplois pour les travailleurs juifs, en créant par exemple la célèbre fabrique de textile de Doubrovna due à l’initiative du père de Rabbi Yossef Its’hak Schneerson.

Les Rabbis de Loubavitch furent les véritables défenseurs des Juifs de Russie, luttant toujours pour sauvegarder leur situation économique en dépit des restrictions et des discriminations imposées aux Juifs par les décrets gouvernementaux qui se succédaient les uns aux autres. Que ce soit par l’annulation ou l’ajournement d’un décret d’expulsion comme ce fut le cas en 5613-17 (1853-17) dans le district de Volhynie ou en 5651 (1891) à Moscou, ou celle du décret interdisant aux Juifs polonais d’exploiter des brasseries en 5621 (1861), ou encore la lutte contre les vagues de pogroms et autres persécutions, les Rabbis de Loubavitch menèrent la lutte sans crainte et avec altruisme, se mesurant avec les plus hautes sphères du gouvernement et de la cour de Russie, et portant les faits à la connaissance du monde civilisé à l’étranger, chaque fois que ce fut nécessaire.

Il n’entre pas dans le propos de cette courte biographie de s’étendre sur les mérites de la première génération des Rabbis de Loubavitch. Les quelques notes ci-dessus n’ont pour but que de donner au lecteur une vue plus exacte de la position qu’occupait Rabbi Yossef Its’hak, non seulement en tant que leader du monde ‘Habad, mais du monde juif dans son ensemble.

Une jeunesse engagée

En sa qualité de secrétaire particulier de son illustre père, le jeune Rabbi Yossef Its’hak prit part à toutes les réunions rabbiniques importantes, aux conférences politiques et aux diverses autres activités publiques de son père. En 5655 (1895), peu de temps après qu’il se fut joint à son père dans son œuvre publique, il prit part à la grande assemblée de chefs religieux et laïques qui eut lieu à Kovno et l’année suivante à Wilno.

Le 13 Eloul 5657 (1897), à l’âge de 17 ans, Rabbi Yossef Its’hak Schneerson épousa Né’hamah Dinah, la fille de Rabbi Abraham Schneerson, homme d’une grande érudition et d’une grande piété. Au cours de la semaine de réjouissances qui suivit la cérémonie du mariage, son père, Rabbi Chalom Dovber de Loubavitch, annonça la fondation de la fameuse Yéchiva Tom’hei Temimim, et l’année suivante il nomma son fils directeur général de cette Yéchiva. Sous la conduite avisée de Rabbi Yossef Its’hak, et grâce aux directives de son père vigilant, la Yéchiva de Loubavitch prospéra et donna naissance à de nombreuses autres Yéchivoth annexes dans diverses parties de la Russie.

Dans la lutte incessante de son père pour l’amélioration du statut économique des Juifs de Russie, Rabbi Yossef Its’hak fut chargé par lui de mener une campagne intensive en vue de la création d’une fabrique de textiles à Doubrovna. Cette campagne, qui eut lieu en 5661 (1901), conduisit Rabbi Yossef Its’hak à Wilno, Brisk, Lodz et Kœnigsberg.

Avec la coopération des rabbins les plus éminents de l’époque, tels que Rabbi David de Karline, Rabbi Elie-’Haïm de Lodz, Rabbi ‘Haïm de Brisk et Rabbi ‘Haïm-Ozer de Wilno et des célèbres philanthropes les frères Jacob et Eliézer Poliakoff, une grande fabrique de textiles fut fondée à Doubrovna, dans le district de Moghilev, donnant du travail à de nombreux ouvriers juifs, assurant la subsistance d’environ deux mille personnes au total.

Nous n’avons pas besoin de nous étendre ici sur la situation difficile des Juifs dans la Russie des Tzars. Cependant, comme nous l’avons déjà signalé, les Rabbis de Loubavitch intercédèrent sans relâche en faveur de leurs frères auprès du gouvernement et de la cour. De telles interventions conduisirent maintes fois Rabbi Yossef Its’hak à la capitale de Saint-Pétersbourg ainsi qu’à Moscou. Ses visites à la capitale furent en général couronnées de succès.

Quand éclata la guerre russo-japonaise en 1904 Rabbi Yossef Its’hak prit une part active à l’action de son père pour l’envoi de Matsot pour Pâque aux soldats juifs du front d’Extrême-Orient.

Affiche annonçant la venue de Rabbi Yossef Its'hak à Jérusalem
Affiche annonçant la venue de Rabbi Yossef Its'hak à Jérusalem

L’immense agitation qui suivit cette guerre, sa répression et la vague de pogroms qui balaya les colonies, poussèrent une fois de plus son père à une action intensive. Rabbi Yossef Its’hak fut envoyé en Allemagne et en Hollande, y parla avec de grandes personnalités et les persuada d’intercéder en faveur des Juifs persécutés en Russie. Ces démarches, elles aussi, eurent d’excellents résultats.

En 5668 (1908), Rabbi Yossef Its’hak prit part de nouveau à l’assemblée rabbinique qui eut lieu à Wilno. L’année suivante il alla en Allemagne pour y discuter avec les chefs juifs. À son retour il participa à la préparation de la prochaine assemblée rabbinique de 5670 (1910).

Ses activités publiques énergiques et à grande échelle, sa défense vigilante des droits des Juifs russes et sa lutte constante contre les autorités locales et nationales provoquèrent le déplaisir du régime tsariste. Au cours des dix années 5662/5671, Rabbi Yossef Its’hak fut arrêté quatre fois à Moscou et Saint-Pétersbourg. Les enquêtes n’ayant rien trouvé de compromettant dans ses activités, il fut relâché chaque fois avec une sévère mise en garde, ce qui cependant ne l’empêcha jamais de poursuivre son action en faveur de son peuple avec une ardeur toujours plus grande. En 5677 et 5678, Rabbi Yossef Its’hak prit de nouveau une part de premier plan aux assemblées de Rabbins et laïques à Moscou et Kharkov.

Le 6ème Rabbi de Loubavitch

Vint le moment où, à la mort de son père, le 2 Nissan 5680 (1920), Rabbi Yossef Its’hak demeura seul pour assumer la pleine responsabilité du commandement. À la demande du monde ‘Habad tout entier Rabbi Yossef Its’hak accepta de devenir le Rabbi de Loubavitch.

À cette époque, les circonstances changèrent beaucoup. La Russie saignait des séquelles de la guerre, de la révolution et des luttes intestines et, comme d’habitude, les Juifs en étaient les premières victimes. Rabbi Yossef Its’hak se trouvait alors pratiquement seul, face à une tâche qui demandait un effort surhumain. Il se mit à travailler au rétablissement de la vie communautaire et religieuse juive en Russie. Sa lutte se déroulait sur deux fronts. La situation matérielle des Juifs avait été réduite au dernier degré de pauvreté et de souffrance et l’avenir du Judaïsme traditionnel était gravement compromis par l’action du groupe juif impie connu sous le nom de Yévsektsya, la sinistre section juive du parti communiste soviétique.

Alors qu’il affrontait seul des obstacles insurmontables dans sa lutte pour le maintien du Judaïsme traditionnel en Russie, Rabbi Yossef Its’hak réalisa que le grand centre russe de la Torah était destiné à se transporter dans un autre pays. En conséquence, Rabbi Yossef Its’hak fonda une Yéchiva de Loubavitch à Varsovie en 5681 (1921) et aida un grand nombre d’étudiants et de recteurs de ses Yéchivoth de Russie à se rendre en Pologne. De même que ses devancières en Russie, la Yéchiva de Loubavitch en Pologne se transforma rapidement en un véritable réseau de Yéchivoth, ayant de nombreuses annexes où des centaines d’étudiants s’inscrivirent.

Entre-temps, Rabbi Yossef Its’hak continuait hardiment son œuvre en Russie, établissant et entretenant partout des Yéchivoth, des écoles de Torah et d’autres institutions religieuses. Il faisait fi des avertissements et des menaces de la Yévsektsya. À cette époque, Rabbi Yossef Its’hak était fixé à Rostov sur le Don, mais à la suite d’accusations calomniatrices, il dut en partir. Il s’établit à Leningrad d’où il continua sans relâche ses activités. C’est alors qu’il organisa également un comité spécial pour aider les artisans et ouvriers juifs qui désiraient respecter le Chabbat. Il envoya des maîtres, des rabbins et d’autres messagers jusqu’aux communautés juives les plus éloignées de Russie, afin d’affermir leur vie religieuse. Très souvent il prit en charge des rabbins et des institutions en faisant des emprunts auprès de ses amis, car il était très difficile d’organiser des secours financiers à cette époque.

Rabbi Yossef Its’hak jugea nécessaire d’organiser des communautés ‘Habad hors de Russie. C’est alors que la « Agoudath ‘Hassidei ‘Habad » des États-Unis et du Canada fut fondée et un contact régulier fut établi entre le Rabbi de Loubavitch et ses disciples du Nouveau Monde.

En 5687 (1927), Rabbi Yossef Its’hak fonda la Yéchiva de Loubavitch à Boukhara, province éloignée de Russie.

Une délivrance miraculeuse

Sa lutte contre ceux qui voulaient miner la religion juive et les pratiques juives devint de plus en plus difficile. La Yévsektsya avait résolu de mettre un terme à ses activités. Ils eurent d’abord recours à l’intimidation.

Cependant, cette lutte acharnée atteignit son comble dans l’été de 5687 (1927) quand Rabbi Yossef Its’hak fut arrêté et mis au secret dans la fameuse prison Chpolerna de Leningrad. La vie du Rabbi fut alors en grand danger, mais grâce à l’intervention opportune d’éminents hommes d’État étrangers elle fut épargnée. Cette intervention arriva in extremis alors que le Rabbi avait déjà été condamné à mort.

Le 3 Tamouz, Rabbi Yossef Its’hak fut envoyé en exil à Kostroma dans l’Oural. Finalement, cédant de nouveau à la pression d’hommes d’État étrangers, les mêmes autorités qui l’avaient arrêté, libérèrent le Rabbi de Loubavitch le jour de son anniversaire le 12 Tamouz, et il eut la permission de s’installer dans le village de Malakhovka, près de Moscou. De nouvelles intercessions eurent pour résultat de permettre au Rabbi de quitter la Russie et de venir à Riga en Lettonie. Le lendemain de Souccot, le Rabbi partit pour Riga avec sa famille et sa volumineuse bibliothèque historique de grande valeur.

Son œuvre se poursuit en dehors de Russie

Sans s’accorder un moment de répit, le Rabbi de Loubavitch reprit ses activités. Il commença par fonder une Yéchiva à Riga. En 5688-9 il prit l’initiative de fournir des Matsot aux Juifs russes. Ses efforts furent grandement récompensés.

A sa descente de bateau à New York
A sa descente de bateau à New York

En 5689 (1929), Rabbi Yossef Its’hak se rendit en Erets Israël et de là aux États-Unis. Il reçut un accueil officiel à New York et fut nommé citoyen de la ville par le préfet de police représentant le maire. Des centaines de rabbins et de chefs laïques accueillirent le Rabbi et cherchèrent à faire sa connaissance personnelle. Au cours de cette visite, Rabbi Yossef Its’hak fut également reçu par le président Hoover à la Maison Blanche.

De retour en Europe il poursuivit ses diverses activités et, pour augmenter l’efficience de son travail, il s’établit à Varsovie (5694).

La presse américaine se fait l'écho de l'événement
La presse américaine se fait l'écho de l'événement

Les Yéchivoth de Loubavitch en Pologne acquirent alors une importance et une vitalité considérables. La Yéchiva principale de Varsovie et Otvock attirait des centaines d’étudiants venus de Pologne, de l’étranger et même des États-Unis.

Deux ans plus tard, le Rabbi s’installa à Otvock près de Varsovie et dirigea de là toutes ses activités.

La seconde Guerre Mondiale le rattrape

L’orage éclata de nouveau en septembre 1939 quand l’Europe se trouva aux prises avec une seconde Guerre Mondiale. Refusant toutes les occasions de quitter l’enfer de Varsovie avant de s’être occupé du sort de ses Yéchivoth et d’avoir fait tout ce qui était en son pouvoir pour ses frères affligés de la capitale polonaise, le Rabbi de Loubavitch y demeura pendant le terrible siège et le bombardement de Varsovie et sa capitulation finale aux mains des envahisseurs nazis.

Cependant, ce n’est pas en vain qu’il souffrit durant cette période et qu’il échappa de peu à la mort sous un terrible bombardement. Il avait réussi à évacuer un grand nombre de ses étudiants vers des régions plus sûres, et tous les Américains qui étudiaient à la Yéchiva de Loubavitch à Otvock furent rapatriés. De plus, son courage et son intrépidité furent une source de réconfort pour la communauté juive éprouvée de Varsovie. Ce n’est que lorsqu’il eut réalisé qu’il ne pouvait rien faire de plus pour eux que le Rabbi de Loubavitch consentit finalement à se rendre aux instances de ses nombreux partisans à Varsovie et à l’étranger, en particulier aux États-Unis, qui le pressaient de quitter les ruines croulantes et fumantes de la capitale polonaise pour se rendre aux États-Unis. Grâce à la coopération du Département d’État des États unis à Washington, les partisans et amis fervents du Rabbi en Amérique travaillèrent sans relâche à faciliter son voyage de Varsovie à New York. Finalement Rabbi Yossef Its’hak et sa famille furent emmenés à Berlin et de là à Riga.

Riga, la capitale de la Lettonie, qui était encore neutre à cette époque, offrit au Rabbi de Loubavitch de nouvelles occasions d’aider les nombreux réfugiés qui avaient réussi à s’échapper de Pologne pour venir en Lituanie et en Lettonie et parmi lesquels se trouvaient un grand nombre d’étudiants et de rabbins.

Installation à New York

Le 9 Adar II 5700 (19 mars 1940) le Rabbi de Loubavitch arriva à New York à bord du « Drottningholm » et fut accueilli avec enthousiasme par des milliers de disciples et de nombreux représentants de diverses organisations ainsi que par les autorités civiles.

Dès son arrivée, Rabbi Yossef Its’hak fit savoir que ce n’était pas pour sa propre sécurité qu’il était venu aux États-Unis, mais qu’il avait une mission importante à accomplir durant son séjour dans ce pays libre et béni. Cette mission était de faire de l’Amérique un centre de Torah qui remplacerait les communautés juives européennes anéanties.

Les dix ans qui s’étaient écoulés entre la première et la seconde visite du Rabbi en Amérique avaient laissé leur empreinte sur sa constitution. Sa santé avait été profondément minée par la souffrance et le martyre. Néanmoins, il se lança immédiatement corps et âme dans sa nouvelle mission.

La principale Yéchiva Tom’hei Temimim de Loubavitch fut bientôt fondée et elle fut la première de nombreuses Yéchivoth et écoles de Torah à travers les États-Unis. Rabbi Yossef Its’hak poursuivit ses efforts pour ses frères d’outre-mer déchirés par la guerre et en même temps consacra chaque parcelle de son énergie aux Juifs d’Amérique afin d’apporter ici un renouveau religieux.

Cérémonie d'acquisition de la citoyenneté américaine. A ses côtés, son gendre, le futur Rabbi de Loubavitch.
Cérémonie d'acquisition de la citoyenneté américaine. A ses côtés, son gendre, le futur Rabbi de Loubavitch.

Après un bref séjour à New York, le Rabbi transporta son quartier général à Brooklyn. Le premier numéro de la revue mensuelle « HaKriah VéhaKedouchah » fut publié comme organe officiel de l’Agoudath ‘Hassidei ‘Habad internationale et continua à paraître durant toute la guerre.

Le Rabbi fonda alors les organisations « Ma’hané Israël » et « Merkos L’Inyonei Chinuch ». La première est consacrée à l’affermissement général du Judaïsme orthodoxe en Amérique et dans le monde entier et l’autre à toutes les phases de l’instruction juive y compris la fondation et l’entretien de nombreuses écoles pour filles, la publication de livres scolaires et de littérature, l’organisation de la jeunesse juive en groupes et cercles autour du Judaïsme, etc.

Ces fondations ne sont pas des institutions de ‘Habad, mais elles sont vouées à la cause générale d’affermissement du Judaïsme et cherchent à remédier à la situation de l’instruction juive dans son ensemble, conformément à la politique suivie par les Rabbis de Loubavitch depuis cinq générations.

La maison d’édition « Kehot Publication Society » fut ensuite fondée. Elle s’est développée et étendue au loin avec des ramifications en Europe et en Extrême-Orient.

Des institutions au service du peuple juif

Le but des organisations Ma’hané Israël et Merkos L’Inyonei Chinuch est de veiller au bien de tous les Juifs sans distinction de parti ou de groupe. L’idée de Ahavath Israël (amour d’Israël) qui imprègne toute l’œuvre de ces organisations ne permet pas de distinction entre un Juif et un autre là où le bien spirituel et matériel des Juifs est en jeu. Par la propagation de littérature dans l’esprit de notre Torah et de nos prophètes d’autrefois, par la distribution d’objets de culte, par le maintien d’institutions religieuses, etc., l’organisation Ma’hané Israël a apporté une nouvelle vitalité et une nouvelle raison de vivre à de nombreux Juifs de toutes les classes de la société. Les Juifs qui étaient sous les drapeaux furent l’objet d’une attention particulière et ainsi une vague de renouveau religieux souleva officiers et soldats juifs dans leur pays et à l’étranger, chose qui avait été considérée comme impossible en Amérique.

La section d’édition du Merkos L’Inyonei Chinuch a publié des millions de volumes de diverses publications, comprenant des livres scolaires hébraïques, des éditions pour la jeunesse, et des revues mensuelles, en hébreu, yiddish, anglais, français, arabe, espagnol et russe. Qui peut calculer l’immense effet moral de ces publications sur notre jeunesse juive qui a été nourrie de littérature totalement étrangère à l’esprit juif ?

Des milliers d’enfants des lycées de New York et d’autres villes ont maintenant des cours d’instruction religieuse toutes les semaines grâce à l’initiative du Merkos L’Inyonei Chinuch, mettant à profit la disposition du ministère de l’Éducation américain qui laisse à tous les élèves une heure de liberté par semaine pour l’instruction religieuse. Le Comité pour la propagation de l’instruction juive fut fondé pour poursuivre cette tâche sous les auspices du Merkos L’Inyonei Chinuch. Il a mobilisé une légion d’instructeurs volontaires pris dans les rangs des aînés parmi les étudiants de Yéchiva pour donner ces classes spéciales d’instruction religieuse. Ces maîtres reçoivent une instruction et une formation pédagogique spéciales afin d’être en mesure de mener les classes de la meilleure manière possible.

Ainsi, non seulement des milliers d’enfants juifs sont-ils ramenés dans le sein du Judaïsme, mais grâce à eux, la lumière et la chaleur du Judaïsme pénètrent progressivement dans leurs foyers.

Non moins important est le travail du Merkos L’Inyonei Chinuch dans le domaine du ’Hinoukh Habanoth – l’instruction des filles. Des écoles de filles et des séminaires pour la formation d’institutrices, sous le nom de « Beth Sarah » et « Beth Rivkah », ont été créés par cette organisation. Ce réseau d’écoles exerce son activité aux États-Unis, au Canada, en France et en Afrique du Nord.

Environ cinquante groupes de « Méssiboth Chabbath » pour garçons et filles avaient été fondés par la même organisation aux États-Unis : les enfants et les jeunes gens juifs pouvaient y prendre conscience de leur grand héritage spirituel. Se rencontrant chaque Chabbat dans une atmosphère agréable, conduits par un garçon ou une fille – selon le groupe – de leur âge et de leur entourage, ces enfants prenaient conscience des bases de la religion juive, de la sainteté du Chabbat et d’autres préceptes. Aujourd’hui, ce mouvement s’est étendu à l’Europe, Israël, l’Amérique du Sud, l’Australie, etc.

L’aide aux réfugiés

Les années d’après-guerre chargèrent Rabbi Yossef Its’hak de soulager et de réadapter les survivants de la guerre. Il fonda la « Ezrath Plétime Véssidouram », l’organisation d’aide matérielle et spirituelle pour réfugiés.

Rabbi Yossef Its’hak multiplia ses efforts dans ce domaine, et, avec l’aide du Tout-Puissant, il réussit à sauver des centaines de ses anciens élèves, comme de nombreux autres Juifs de Russie, Pologne, Lituanie, Lettonie, etc., qu’il installa dans plusieurs pays comme rabbins, cho’hatim (abatteurs rituels), professeurs et directeurs de centres d’enseignement religieux, sans parler de ceux qui s’engagèrent dans d’autres branches.

Peu avant sa mort, Rabbi Yossef Its’hak adressa à ses adeptes le message suivant : Il y a beaucoup à faire en Afrique du Nord. Le judaïsme marocain manque de professeurs et de guides ; et c’est votre tâche que de répandre la connaissance de la Torah parmi eux. »

De ce message résulta l’entreprise éducative et religieuse organisée au Maroc et en d’autres pays encore, au point qu’à l’heure actuelle, on compte de nombreuses écoles, séminaires de professeurs, Yéchivoth et Talmud-Torah. Toute cette œuvre porte le nom de « Ohalei Yossef Its’hak », en hommage à celui qui la conçut.

Une révolution des esprits

La place est trop limitée pour que nous puissions donner ici un compte rendu plus détaillé de ce que furent les activités de Rabbi Yossef Its’hak de Loubavitch. Les résultats obtenus dans le domaine de l’instruction juive et l’affermissement général du Judaïsme qui peuvent être attribués à l’influence directe ou indirecte du Rabbi démontrent clairement le vieux proverbe juif : « Rien ne peut résister à une ferme volonté. »

Rabbi Yossef Its’hak a fait disparaître en de nombreux domaines le handicap qui, plus que toute autre chose, a été responsable de l’état déplorable du Judaïsme et de l’instruction juive en Amérique. Le handicap était la croyance commune que « l’Amérique est différente de l’Europe » et que « l’Amérique n’est pas susceptible de devenir un centre de Torah et de Yirath Chamaim (crainte de D.ieu) ». Le Rabbi insista constamment sur, le fait que le strict respect de la Torah comme facteur de vie juive n’est pas limité à un pays déterminé ou à des conditions spéciales de temps et d’espace. De plus, il démontra à tout notre peuple par la parole et par l’action que même si un Juif est éloigné du Judaïsme et de la Torah, le cœur et l’âme juive demeurent inébranlables et le Juif peut toujours prendre conscience de son grand héritage spirituel, à condition qu’on emploie les bons moyens pour l’y rendre sensible.

Pour paraphraser les paroles du plus sage des hommes (Proverbes 10,25), on peut dire vraiment que Rabbi Yossef Its’hak Schneerson, Rabbi de Loubavitch fut l’une des pierres angulaires du monde juif de notre génération.

Son âme quitta ce monde le 10 Chevat 5710 (1950), en laissant la succession à Rabbi Mena’hem Mendel Schneerson, son gendre qui devint le septième Rabbi de Loubavitch, sous les auspices duquel l’œuvre sacrée de son illustre prédécesseur continua à prospérer dans tous les domaines de la vie juive et dans tous les coins du monde.