Chaque année, à Lag BaOmer (18 Iyar), nous évoquons le grand et saint Tana (sage de la Michna), Rabbi Chimone bar Yo’haï, qui mourut à cette date, il y a plus de 1800 ans. Jusqu’à nos jours, les juifs pieux vont en pèlerinage au village de Mérone en Israël, pour réciter des prières sur le tombeau de ce grand et saint érudit.
Un disciple de Rabbi Akiva
Jeune garçon, Rabbi Chimone fit ses études à la yeshiva (l’académie) de Yavné fondée par Rabbi Yo’hanane ben Zakaï dont la mort coïncide à peu près avec la naissance de Rabbi Chimone. Le maître principal de Rabbi Chimone fut le célèbre Rabbi Akiva dont l’académie était à Bnei Brak. Rabbi Chimone s’était tellement attaché à lui, que ce dernier l’appelait « mon fils ».
Pendant les persécutions atroces commises sur l’ordre de l’empereur romain Hadrien, lorsque les académies talmudiques furent fermées, et l’étude du Talmud interdite sous peine de mort, Rabbi Akiva continua à enseigner publiquement le Talmud, et son disciple dévoué, Rabbi Chimone, resta à son côté, jusqu’à ce que Rabbi Akiva soit arrêté. Même alors, Rabbi Chimone rendit visite à son maître dans la prison pour y recevoir son enseignement. Mais la mort les sépara, car Rabbi Akiva fut condamné à mourir en martyr pour le Kidouch Hachem (la sanctification du Nom de D.ieu).
Devenir un rabbin sous la domination romaine
Ce furent des temps difficiles pour les Juifs en Israël qui devaient subir les persécutions de l’Empereur romain Hadrien. Les savants avaient de grandes difficultés pour étudier le Talmud et diriger les écoles. L’enseignement était interdit sous peine de mort. S’ils étaient pris, le maître et l’élève étaient tous deux exécutés. Si le peuple juif n’allait plus disposer de maîtres, c’est la survie du Judaïsme lui-même qui était en danger. C’est ainsi que le grand sage, Rabbi Yéhouda ben Bava délivra publiquement la semikha – l’ordination rabbinique – à cinq grands savants, défiant ainsi la loi cruelle d’Hadrien. Parmi ces cinq savants se trouvait Rabbi Chimone ben Yo’haï (et aussi Rabbi Méïr). Mais les soldats romains étaient sur leurs traces et les repérèrent alors que la cérémonie s’achevait. Les savants désignés réussirent à se sauver, mais Rabbi Yéhouda ben Bava fut arrêté et mis à mort.
Défiant les Romains
Finalement, le cruel Hadrien mourut à la suite d’une maladie très douloureuse, et ses décrets ne furent plus suivis avec la même cruauté que pendant sa vie. Ce fut alors que les chefs spirituels de cette époque se réunirent pour délibérer sur les mesures à prendre afin de restaurer la vie religieuse des Juifs. Parmi les chefs assemblés à Oucha, nous trouvons aussi Rabbi Chimone. Par souci de sécurité, les savants se rendirent à Yavné où ils conférèrent dans un vignoble. Parmi eux se trouvaient Rabbi Yéhouda, Rabbi Yossé le Galiléen et Rabbi Chimone bar Yo’haï.
Discutant de ce qu’il convenait de penser des « progrès » apportés en Terre Sainte par la civilisation romaine, Rabbi Yéhouda fit l’éloge des réalisations des Romains en matière d’urbanisme. Rabbi Yossé n’émit aucune opinion, mais Rabbi Chimone déclara son mépris des Romains, affirmant que toutes leurs « belles réalisations » avaient seulement pour objet leur recherche des richesses et des plaisirs. Yéhouda ben Guérim, un disciple de Rabbi Chimone qui se trouvait alors parmi eux, rapporta ces propos à sa famille et, finalement, les Romains eurent vent de ce qui s’était dit. En réaction, l’administration romaine combla d’honneurs Rabbi Yéhouda qui avait parlé en sa faveur, ordonna d’exiler Rabbi Yossé pour ne pas avoir suivi l’exemple de Rabbi Yéhouda, mais condamna Rabbi Chimone à mort pour avoir osé critiquer l’État romain.
La vie en cachette
Rabbi Chimone prit la fuite avec son fils Elazar. Pendant quelque temps ils se cachèrent dans un Beth Hamidrash, où l’épouse de Rabbi Chimone leur apportait tous les jours du pain et de l’eau. Mais lorsque les recherches furent intensifiées, ils décidèrent de chercher une meilleure cachette. Ignorés de tous, ils vécurent retirés dans une caverne. À l’entrée de celle-ci, D.ieu fit pousser un arbre fruitier – un caroubier – et fit jaillir également une source d’eau fraîche. Pendant douze ans Rabbi Chimone bar Yo’haï et son fils restèrent dans la grotte, se nourrissant de caroubes et d’eau. Ils profitèrent de ce séjour pour étudier et prier, si bien qu’ils devinrent les hommes les plus saints et les plus sages de leur temps.
Le retour aux affaires mondaines
Douze ans s’étaient écoulés lorsque le prophète Élie leur apporta la bonne nouvelle d’un changement dans le gouvernement, ainsi que de leur amnistie. Le père et le fils quittèrent leur cachette et en traversant un champ où un fermier juif labourait le sol, ils firent la remarque suivante : « Voilà les hommes qui abandonnent l’étude sacrée de la Torah pour des choses matérielles ».
À peine eurent-ils prononcé ces mots, que tout le champ partit en fumée. Une voix céleste se fit alors entendre : « Êtes-vous venus pour détruire mon monde ? Retournez à votre caverne ! » Ils retournèrent donc à la grotte et y restèrent encore douze mois. Ils ne la quittèrent que lorsqu’ils entendirent à nouveau la même voix céleste leur ordonnant d’en sortir.
Cette fois leur attitude envers le monde fut tout autre. Apercevant un juif qui portait deux bottes de myrte et qui se dépêchait de rentrer chez lui car c’était un vendredi après-midi, ils lui demandèrent ce qu’il voulait faire avec le myrte.
L’homme répondit : « C’est pour décorer ma maison en l’honneur du Chabbat. »
« Une botte de myrte ne serait-elle pas suffisante pour parfumer votre maison ? », lui demandèrent-ils.
Et l’homme de répondre : « Je prends deux bottes, l’une pour “Souviens-toi du jour du Chabbat” et l’autre pour “Garde le jour du Chabbat pour le sanctifier”. »
Rabbi Chimone dit alors à son fils : « Regarde combien les préceptes de D.ieu sont précieux pour nos frères ! »
Ayant acquis la conviction que les Juifs respectaient toujours les commandements de la Torah et observaient toujours le Chabbat, malgré les lois et les persécutions des cruels chefs romains, Rabbi Chimone et son fils en furent fortement encouragés.
En continuant leur chemin ils rencontrèrent Rabbi Pin’has ben Yaïr, un autre célèbre savant dont le Talmud nous rapporte tant des choses merveilleuses. Rabbi Pin’has ben Yaïr était le beau-père de Rabbi Chimone bar Yo’haï, et il était parti à leur rencontre. En s’apercevant combien la santé de son gendre était altérée suite à son séjour prolongé dans la grotte, Rabbi Pin’has ben Yaïr fondit en larmes, mais Rabbi Chimone le consola en lui assurant qu’il n’aurait jamais atteint un tel degré d’érudition et de sagesse divine s’il n’avait pas passé toutes ces années dans la caverne.
Enseignant à Tékoa
Rabbi Chimone s’établit dans la ville de Tékoa où il fonda une grande yeshiva. Les plus illustres savants de l’époque s’y rendaient pour recevoir ses instructions. Parmi eux se trouvait Rabbi Yehouda HaNassi (« le Prince »), le compilateur de la Michna.
Un jour Rabbi Chimone rencontra Yéhouda ben Guérim, l’homme qui lui avait causé tant d’ennuis. Rabbi Chimone s’exclama : « Et cet homme vit encore ? » Quelque temps après, Yéhouda ben Guérim mourut.
Mais, les persécutions religieuses recommencèrent. Les Romains interdisaient l’observance du Chabbat et d’autres importantes lois juives.
Les Sages décidèrent alors d’envoyer une délégation à Rome et choisirent Rabbi Chimone bar Yo’haï pour la conduire.
En arrivant à Rome, ils apprirent que la fille de l’Empereur romain était atteinte d’une aliénation mentale et que personne ne pouvait la guérir. Rabbi Chimone se rendit au palais et demanda la permission de traiter la malade. Après quelques jours de traitement, la princesse était guérie ! L’Empereur désirant se montrer reconnaissant, proposa alors à Rabbi Chimone de choisir la chose la plus précieuse du trésor romain. Rabbi Chimone y trouva les décrets relatifs aux persécutions ordonnées contre les Juifs. Il les demanda en récompense de ses services. C’est ainsi qu’il réussit à écarter le danger qui planait sur les Juifs à cette époque.
Un maître d’Israël
Rabbi Chimone était un des plus grands docteurs de la Loi et de l’Éthique juives. Ses nombreux adages et préceptes contenus dans le Talmud attestent de la sainteté de son caractère et de son dévouement à la Torah. Un jour, il dit : « Si j’avais été présent au pied du mont Sinaï lors de la promulgation de la Torah, j’aurais demandé deux bouches, une pour l’étude continuelle des paroles de la Torah, et l’autre pour manger. » Puis, il se ravisa et déclara que ce ne serait pas judicieux, du fait que l’homme, avec une seule bouche, émet déjà tant de mauvaises paroles. Combien pire serait-ce s’il en avait deux !
Bien qu’il eût vécu retiré du monde pendant un bon nombre d’années, Rabbi Chimone n’ignorait pas l’importance des bonnes relations humaines. Il dit : « L’homme devrait se jeter dans un four brûlant plutôt que d’humilier quelqu’un en public ! » – « Tromper quelqu’un par la parole est pire encore que d’extorquer frauduleusement de l’argent. » – « Le prétentieux est comme le païen qui vénère les faux dieux. ». Dans les Maximes de nos Pères, nous trouvons cet adage de Rabbi Chimone : « Il existe trois couronnes : celle de la Torah, celle de la prêtrise et celle de la royauté. Cependant, la couronne d’une bonne renommée est supérieure à toutes les autres. »
Rabbi Chimone bar Yo’haï est l’auteur du livre sacré intitulé le Zohar (qui signifie « éclat ») qui contient beaucoup d’interprétations mystiques de la Torah. Ce livre est la source principale de la Kabbalah. Pendant des siècles, ce livre saint fut étudié par un petit nombre de savants choisis, jusqu’à ce que le grand érudit Rabbi Moïse ben Chem Tov de Léon publiât le Zohar, il y a environ sept cents ans de cela.
Rabbi Chimone est aussi l’auteur des midrashim halakhiques intitulés Sifri et Mekhilta.
Rabbi Chimone bar Yo’haï mourut à Mérone, un petit village près de Safed, dans le pays d’Israël. Comme nous l’avons déjà mentionné au début, beaucoup des Juifs se rendent chaque année à Lag Baomer (le 18 Iyar), anniversaire de sa mort, en pèlerinage sur son tombeau, où ils allument des bougies et récitent des prières.
Par égard pour Rabbi Chimone bar Yo’haï, l’arc-en-ciel demeura invisible dans le ciel toute sa vie durant. En effet, l’arc-en-ciel est le signe que D.ieu se souvient de la promesse qu’Il fit à Noé de ne plus détruire le monde lorsque celui-ci éveillerait Sa colère. Or, du vivant de Rabbi Chimone bar Yo’haï, le mérite de ce saint homme protégeait le monde entier.
C’est la raison pour laquelle les enfants jouent avec arc et flèches le jour de Lag BaOmer, qui est l’anniversaire du décès de ce grand Maître de la Michna.
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