Nous nous avançons, sans que rien puisse nous retenir, vers l’été, sa chaleur et tout ce que la saison peut nous offrir. La nature même s’en est, comme chaque année, rendu compte : les arbres ont reverdi et tout ce qui est lié au monde matériel sent monter en lui une nouvelle puissance. En fait, tout se passe comme si le but de la période consistait à nous entraîner à donner à l’aspect physique des choses et de nous-mêmes une place majeure. C’est alors que, du fond de notre conscience, monte une lancinante question : une telle démarche est-elle bien justifiée ? Certes, le judaïsme n’a jamais prôné l’ascèse. Bien au contraire, le monde, créé par D.ieu, doit devenir, par notre effort, Sa demeure. Et, en tout état de cause, il est le lieu et l’instrument de Son service. Pourtant, le risque existe de le laisser devenir une grossière carapace de matérialité qui repousserait la lumière du spirituel, nous empêchant ainsi de la percevoir et faisant de nous les otages d’un univers qui aurait perdu tout contact avec le sens de son existence. Comment faire pour vivre l’été qui monte de la bonne manière, sans rien perdre de soi ?
Comme souvent au sein du peuple juif, le secret tient peut-être dans un livre. Il se nomme « Pirkei Avot – Maximes des Pères » et développe en quelques chapitres les chemins du lien avec D.ieu. La tradition veut qu’on le lise et l’étudie chaque Chabbat dans la période. Et les Sages de le présenter comme une sorte d’antidote à la folie des choses du monde. Car la nature de l’homme est bien là. Il peut être si facile et donc si tentant de céder à un certain culte du corps. La société qui nous entoure encourage parfois un tel choix, donnant à la déjà vieille notion de « civilisation des loisirs » une connotation d’oubli. C’est pourquoi, il est bon, justement dans cette période, de reprendre un peu de hauteur. Il est bon, Chabbat après Chabbat, au fil d’un livre – comme on dirait au fil d’un fleuve – de retrouver ces notions simples et complexes, anciennes et nouvelles à la fois, qui, base de notre peuple, continuent de le construire.
« Celui qui veut aller au-delà de l’application stricte de la loi accomplira les paroles des Pères » nous est-il recommandé. Et sans doute n’en faut-il pas moins. Car c’est bien de toute notre présence dans le monde et du rôle qu’il nous appartient d’y jouer qu’il est question ici. En ces matières, si la règle est indispensable, la recherche du sens l’est tout autant. C’est ainsi que les « Pirkei Avot » prennent le caractère d’un rendez-vous attendu. Avec soi, son passé et son avenir. Avec le monde, sa grandeur et le projet Divin qu’il porte. Avec le temps, dont les ensoleillements doivent d’abord être ceux de la lumière de notre âme.