Rabbi 'Hananyah, le fils de Akachya, dit : « Il plut au Seigneur, béni soit-Il, de rendre Israël digne ; aussi lui donna-t-Il une vaste Torah et beaucoup de commandements. Ainsi qu'il est dit : Il plut à D.ieu, dans Sa droiture, de faire la Torah grande et honorable. »

Cette phrase de Rabbi 'Hananyah vient de la Michna (la dernière Michna de Maccoth). Elle nous est familière car elle suit toujours Pirkei Aboth (le Traité de nos Pères) que nous disons le Chabbat, entre Pessa'h et Chavouot (et que certains, selon leur coutume, disent tout l'été durant).

A première vue nous croyons, à entendre Rabbi 'Hananyah, que D.ieu, parce qu'il était satisfait de nous et désirait nous favoriser, nous a donné une Torah sans fin et de nombreux devoirs – commandements ou préceptes – à accomplir. N'eût-il pas été plus simple et plus profitable pour nous, pourrions-nous penser, si nous avions une petite Torah et seulement quelques devoirs ?

L'histoire qui va suivre nous aidera à comprendre la vraie sagesse de Rabbi 'Hananyah.

Il était une fois un jeune homme qui n'avait aucune expérience des affaires. Pendant quelque temps après son mariage, son beau-père subvint à ses besoins afin de lui permettre de poursuivre ses études. Mais le jour vint où son beau-père lui dit : « Mon garçon, il est temps que tu ailles dans le vaste monde et que tu te fasses par toi-même une place au soleil. Voici une somme d'argent suffisante. Va dans la Grande Ville; tu pourras y acheter de belles marchandises qui te permettront par la suite de réaliser un bénéfice intéressant. J'ai là-bas un très bon ami. Tu ferais bien d'aller le voir et d'écouter ses conseils. »

Le jeune homme prit l'argent et partit pour la Grande Ville. Là, après s'être trouvé une chambre dans un hôtel, il se rendit chez le vieil ami de la famille. Il le mit au courant du but de son voyage, lui fit savoir avec précision de combien d'argent il disposait et promit de suivre à la lettre ses conseils.

« Laisse-moi faire », dit l'ami. Sur ce, le jeune homme le quitta et regagna son hôtel. Sans perdre un instant le vieil ami entreprit le tour des fabriques, s'activant de l'une à l'autre et passant, pour le compte de son jeune protégé, de nombreuses commandes des plus belles marchandises qu'il trouva.

De son côté, le jeune homme, rentré à son hôtel, commença à faire des plans pour profiter du mieux qu'il pût des amusements que lui offrait la Grande Ville. Mais cela ne dura pas car, le jour même, notes et factures ne tardèrent pas à affluer de la part des différents fabricants ; et bientôt le travail se compliqua, son rythme s'accrut de jour en jour au point que notre jeune commerçant n'eut plus, durant son séjour dans la Grande Ville, un instant pour penser à autre chose. Il passait son temps à vérifier les factures, à inspecter les marchandises, à en surveiller l'emballage et ainsi de suite. Puis vint le moment où tout l'argent qu'il possédait fut dépensé en achats de marchandises de toutes sortes. Il alla donc chez le vieil ami afin de le remercier et prendre congé de lui.

« Mais vous m'avez tellement occupé, plaisanta le jeune homme en faisant mine de se plaindre, que je n'ai pas eu une seule occasion de m'amuser ! »

« Mon cher jeune homme, répondit le sage et vieil ami, tu devrais m'être très reconnaissant de t'avoir occupé continuellement à faire de si bonnes affaires. J'ai vu bien des jeunes gens venir dans cette Grande Ville. Ils arrivent avec l'intention d'acheter eux aussi de la marchandise, mais ils l'oublient aussitôt et se laissent prendre dans l'engrenage des faciles tentations. Avant qu'ils n'aient eu le temps de s'en apercevoir, voilà que tout leur argent a été dépensé pour rien. Ils s'en retournent alors chez eux, penauds et les mains vides. Tandis que toi, tu rentreras chargé de belles marchandises et tu peux considérer ton avenir comme assuré. »

Voici donc le fond de la pensée de Rabbi 'Hananyah : D.ieu désirait que nous soyons dignes. A notre arrivée dans cette Grande Ville, nombreuses sont les tentations. C'est pour que nous puissions les combattre que D.ieu nous a donné une grande Torah et beaucoup de préceptes. Le souci d'acheter de belles marchandises (la Torah et les Mitsvot) nous occupe. Ainsi non seulement notre vie sera bien remplie, heureuse et digne, mais aussi la Torah que nous étudions et les préceptes auxquels nous nous conformons nous rendent dignes et purs. Nous devons remercier D.ieu pour la Torah et les Mitsvot ; elles ne sont pas un fardeau, au contraire elles sont le cadeau le plus précieux qu'il nous a offert et elles nous donnent la mesure du grand amour qu'il nous porte.