Nous avons dit que le Choul’hane Aroukh haRav mentionne la justification de la législation halakhique. Quelle sorte de justification ?
Il existe deux types de législateurs halakhiques. Les uns joignent des raisons et des preuves à leurs conclusions, comme c’est le cas de Rabbi A’haï Gaon dans ses Chéiltoth, de Rabbi Its’hak Elfassi, dont l’œuvre est connue sous l’acronyme « Rif », de Rabbi Yossef Caro dans son Beth Yossef et d’autres encore. D’autres énoncent des règles claires et nettes, sous la forme de « lois sans raisons » – pour paraphraser le Midrash : « Une loi que j’ai gravée, un décret j’ai édicté ».1 Un exemple par excellence de cette catégorie est le Choul’hane Aroukh de Rabbi Yossef Caro.
Aucun de ces deux genres législatifs ne peut étancher complètement la soif de l’érudit de la Torah. Le problème de la première catégorie est l’abondance de discussions et de débats, de questions et de réponses qui s’entremêlent et que tous n’ont pas la capacité d’assimiler. Certes, ces discussions sont l’essence même du discours de la Torah ; ce sont elles qui façonnent notre vie ; elles sont la pierre angulaire et le fondement ; sans elles, aucune loi ne peut être déduite et aucune conclusion ne peut être atteinte. Cependant, celui qui souhaite connaître la décision finale et trouver une orientation pratique aura des difficultés à clarifier et à déduire la loi spécifique de la discussion dont elle est l’aboutissement du fait de la complexité de celle-ci.
Le Choul’hane Aroukh de Rabbi Yossef Caro, d’un autre côté, fournit trop de clarté. Comme sur la « table dressée » dont il porte le nom, tout y est disposé pour le lecteur. Mais, dépourvue de justification et d’explication, la prose législative est trop sèche. Essentiellement, le Choul’hane Aroukh n’est qu’un résumé des conclusions à tirer de la longue discussion dans le Beth Yossef, et ses profondeurs ne peuvent être pleinement comprises sans se référer à cet ouvrage. Le grand commentateur talmudique Maharcha2 a fortement critiqué « ceux qui émettent des jugements halakhiques basés sur le Choul’hane Aroukh sans connaître le principe raisonné de chaque question », les qualifiant de « destructeurs du monde » et proclamant qu’« il convient de les réprimander ».3 L’auteur du Tossefot Yom Tov4 affirme que « le grand rabbin, notre enseignant et maître Rabbi Yossef Caro n’a jamais eu l’intention que quiconque détermine la halakha à partir de son livre. À D.ieu ne plaise d’imaginer une telle chose ! »
En raison de la concision énigmatique du Choul’hane Aroukh, de nombreux commentaires ont été rédigés afin d’expliquer la raison et la base des décisions de Rabbi Yossef Caro. Ce sont d’ailleurs ces commentaires qui ont établi le Choul’hane Aroukh comme décisionnaire halakhique prééminent. Néanmoins, la combinaison transparente de la législation et du raisonnement en un seul ouvrage complet n’avait pas encore été réalisée. Nous sommes confrontés à deux mondes distincts : les commentaires, et ce qu’ils commentent. En outre, ces ouvrages ultérieurs ne se contentent pas d’expliquer et de justifier les conclusions du Choul’hane Aroukh. Souvent, ils continuent à débattre de la loi établie, et ils ne sont pas toujours d’accord avec « l’Auteur » [Rabbi Yossef Caro], ni avec Rabbi Moché Isserlès (Rema), dont la Mapa (la « nappe ») orne le Choul’hane Aroukh de ses décisions alternatives. Même lorsqu’ils sont d’accord, la prolongation de la discussion ne fait que saper davantage le caractère ordonné du processus législatif. Le flux et le reflux du débat halakhique s’entremêlent et se confondent avec les lois et leurs raisons.
« Si l’on ne connaît pas la raison de la loi, on ne peut atteindre une connaissance claire et correcte de la loi elle-même ». C’est en suivant ce principe élémentaire qu’il composa le Choul’hane Aroukh.Tel était l’état du canon halakhique jusqu’à l’apparition de Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi. Avec une habileté exquise, il parvint à exprimer la profondeur de chaque loi, expliquant de manière concise sa raison et mettant sa source en lumière. Comme Rabbi Chnéour Zalman l’écrit lui-même, « Si l’on ne connaît pas la raison de la loi, on ne peut pas atteindre une connaissance claire et correcte de la loi elle-même ».5 C’est en suivant ce principe élémentaire qu’il composa le Choul’hane Aroukh.
Dans la littérature halakhique, il existe deux formes de bases pour l’élaboration de la loi, que l’on peut classer en « raisons » et en « sources ». En général, les raisons découlent d’ordonnances et d’injonctions rabbiniques, tandis que les sources concernent les lois bibliques. Ici, nous nous intéresserons principalement au travail de Rabbi Chnéour Zalman dans le domaine du « raisonnement » halakhique. Plus tard, nous nous pencherons brièvement sur sa contribution aux sources halakhiques.
Voici une loi « sèche », telle quelle et sans aucun raisonnement, énoncée par Rabbi Yossef Caro :
Il est interdit de profiter d’un levain appartenant à un Juif qui a été conservé pendant Pessa’h, même s’il a été laissé involontairement ou par accident.6
La même loi est formulée par Rabbi Chnéour Zalman comme suit :
Du levain de grain véritable appartenant à un Juif qui a été conservé pendant la période de Pessa’h, que toute la période de Pessa’h soit passée ou seulement une partie de la période de Pessa’h... il est interdit à tout Juif d’en tirer profit. Ceci est dû au fait que les rabbins ont pénalisé le propriétaire pour avoir transgressé l’interdiction biblique de posséder du levain, et ils n’ont pas voulu faire de différence dans leurs ordonnances, c’est pourquoi il est interdit à tout Juif. De plus, même si le propriétaire du levain ne peut être tenu pour responsable car il était dans l’incapacité de le détruire, ou qu’il n’avait aucune conscience de son existence avant la fin de Pessa’h, les rabbins ont tout de même interdit d’en tirer profit, afin que personne ne laisse du levain jusqu’à la fin de Pessa’h et ne dise ensuite que c’était un accident.
En plus de la clarté, de l’exhaustivité et de l’explication lucide de la loi, plusieurs lois subsidiaires supplémentaires se trouvent dans la formulation de Rabbi Chnéour Zalman. En outre, il nous présente la raison donnée par le Talmud pour laquelle il est interdit de profiter du levain qui a été conservé pendant Pessa’h, la raison donnée par Maïmonide pour laquelle l’interdiction s’applique même dans un cas où le propriétaire ne peut être tenu responsable, et la raison donnée par Rabbi Nissim ben Réouven (connu sous l’acronyme de « Ran » et célèbre pour son commentaire sur le Rif) pour laquelle l’interdiction s’applique à tous.
Dans l’exemple ci-dessus, les explications fournies ne sont pas les propres innovations de Rabbi Chnéour Zalman. Sa contribution consiste à rassembler les éléments les plus pertinents et à les formuler avec une lucidité précise, les fondant en un tout homogène.
Dans d’autres cas, il y a des lois dont les raisons étaient entièrement inconnues et non énoncées. Là où d’autres autorités contemporaines ont exprimé leur perplexité et leur étonnement, Rabbi Chnéour Zalman articule simplement la loi avec son explication, comme s’il n’était pas conscient d’une difficulté antérieure. Un exemple concret de cela concerne les lois de Chabbat relatives à une plante en pot. Selon le Talmud, si le pot a un trou dans le fond, il ne peut pas être placé sur le sol ou retiré du sol le Chabbat, car cela reviendrait à le planter ou à le déraciner.7 Rabbi Yossef Caro écrit cependant que « même si le pot n’a pas de trou, on ne doit pas soulever une plante en pot du sol et la placer sur un support, ou vice versa, que le pot soit en bois ou en terre cuite ».8
Le dernier rabbin de Kovno, Rabbi Avrahom Dov Kahana-Shapira (1870-1943), a écrit que la décision du Choul’hane Aroukh ne semble avoir aucune base dans le Talmud et qu’elle « très déroutante ».9 Après une longue discussion, il arrive à une explication innovante : essentiellement, Rabbi Yossef Caro est d’accord avec la position du Talmud selon laquelle l’interdiction ne s’applique qu’à une plante dont le pot est troué dans le fond, sauf dans le cas où le matériau dont est fait le pot n’est pas assez solide pour empêcher les racines de passer à travers. Les deux grands commentateurs, Rachi et Rabbénou Tam, ne sont pas d’accord sur la question de savoir si cette exception s’applique au bois ou à la terre cuite.10 Dans l’incapacité de parvenir à une conclusion, Rabbi Yossef Caro décida que nous devions être rigoureux et satisfaire aux deux opinions.
Apparemment, le rabbin de Kovno ignorait que son explication « innovante » avait déjà été incluse dans la reformulation de la loi par Rabbi Chnéour Zalman : « Cette interdiction s’applique à un pot de plante avec un trou, mais sans trou, il est permis [de le retirer du sol et de le placer sur un support, ou vice versa]. Cette règle s’applique à un pot en bois, mais s’il est en terre cuite, même un pot sans trou a la même loi qu’un pot avec trou, car la terre cuite ne peut pas faire obstacle aux racines [qui peuvent passer à travers]. Il y a ceux qui disent que c’est le contraire qui est vrai : cette règle s’applique à un pot en terre cuite, mais s’il est en bois, il devient humide à cause de la terre [et les racines peuvent le percer]. Il convient de prendre en compte les deux opinions, et de veiller [à ne pas déplacer un pot de plante], qu’il soit en bois ou en terre cuite, même s’il n’y a pas de trou. »11
Dans certains cas, Rabbi Chnéour Zalman fournit une raison qui n’a ostensiblement aucune source, et qui semble s’écarter complètement des explications données par les autorités halakhiques précédentes. Cependant, au fur et à mesure que de nouvelles sources sont découvertes, celles-ci justifient l’opinion de Rabbi Chnéour Zalman.
Dans certains cas, Rabbi Chnéour Zalman fournit une raison qui n’a ostensiblement aucune source, et qui semble s’écarter complètement des explications données par les autorités halakhiques précédentes. Cependant, au fur et à mesure que de nouvelles sources sont découvertes, celles-ci justifient l’opinion de Rabbi Chnéour Zalman. Un exemple de cela concerne le statut du jour qui suit la fête de Chavouot :
Le jour suivant la fête de Chavouot, il est interdit par la loi de jeûner, car à l’époque du Temple, c’était un jour d’offrandes sacrificielles. En effet, ce jour-là, on offrait le sacrifice de pèlerinage (olat réiya) qu’on n’avait pas pu sacrifier lors de la fête. Bien que cela suive l’opinion de Beth Chammaï, alors que selon Beth Hillel il est permis de sacrifier l’offrande lors de la fête elle-même, néanmoins, étant donné que dans ce cas Beth Hillel s’est conduit selon la décision de Beth Chammaï, et que de nombreux Juifs se conduisaient ainsi en sacrifiant ces offrandes après la fête, le jour suivant la fête est devenu pour eux comme la fête elle-même...12
Beaucoup se sont étonnés de cette explication : Le Talmud ne mentionne nulle part qu’en ce qui concerne cette loi particulière les sages de Beth Hillel ont renoncé à leur propre opinion et se sont conformé à la décision de Beth Chammaï en célébrant le lendemain de Chavouot comme jour de sacrifices. Un passage du Talmud de Babylone suggère que Rabbi Tarfone aurait suivi l’opinion de Beth Chammaï à cet égard.13 Cette possibilité est contredite par le Talmud de Jérusalem, qui déclare explicitement qu’il a adopté la décision de Beth Chammaï dans deux cas seulement, le premier concernant la lecture du Chéma et le second concernant les produits agricoles de la septième année.14
En l’an 5581 (1821), huit ans après la mort de Rabbi Chnéour Zalman, le commentaire talmudique du Tossafiste Rabbi Yichaya di Trani (env. 1180-env. 1250), appelé Tossefot Rid, fut publié pour la première fois. Commentant ce passage du Talmud de Babylone, il écrit :
Bien qu’il soit peu probable que Rabbi Chnéour Zalman ait eu accès à un manuscrit de cette autorité médiévale, ses paroles font écho à celles de Rabbi Yichaya di Trani avec une précision frappante...Cela représente une difficulté, car si tel est le cas, alors Rabbi Tarfone tranche comme Beth Chammaï. Car s’il est d’accord avec Beth Hillel, n’ont-ils pas dit que Chavouot n’est pas suivi d’un jour de sacrifice, car ils offrent des sacrifices le jour même de la fête ? Une explication possible est que l’idée de Beth Hillel est que Chavouot n’est pas suivi d’un jour de sacrifice prescrit par la loi, car légalement, tous peuvent offrir leurs sacrifices lors de la fête elle-même. Cependant, la réalité est qu’il n’y a tout simplement pas assez de temps pour que toute la nation juive puisse offrir ses sacrifices de fête en un seul jour. De ce fait, beaucoup offrent leurs sacrifices le jour suivant, et pour cette raison, le deuxième jour, il est interdit de prononcer des oraisons funèbres [comme Rabbi Tarfone l’a statué]... parce que la plupart des sacrifices étaient offerts le jour suivant la fête.
Bien qu’il soit peu probable que Rabbi Chnéour Zalman ait eu accès à un manuscrit de cette autorité médiévale, ses paroles font écho à celles de Rabbi Yichaya di Trani avec une précision frappante. Bien que Beth Hillel ait pu être en désaccord avec la théorie législative de la décision de Beth Chammaï, cette divergence d’opinion n’a pas créé de différence dans la pratique. Pour des raisons de commodité, les sages de l’école de Hillel offraient eux aussi leurs sacrifices après la fête, et eux aussi célébraient ce jour comme une fête mineure. L’explication de Rabbi Yichaya di Trani fait l’objet d’allusions cryptiques dans l’ouvrage de son élève, l’auteur de Chiltei Guiborim. Mais il demeure stupéfiant que Rabbi Chnéour Zalman ait pu paraphraser la solution élégante suggérée par cette autorité antérieure avec autant de précision et de simplicité.
Les sources de la halakha dans le texte biblique proviennent d’un système d’exégèse articulé et appliqué dans les textes rabbiniques, parmi lesquels la Michna, le Midrash, le Sifra, le Sifri, le Mekhilta, le Talmud de Babylone et le Talmud de Jérusalem. Dans le Choul’hane Aroukh de Rabbi Chnéour Zalman, ces sources bibliques sont toujours citées au fil de la législation halakhique. Toutes les lois ne peuvent pas être rattachées à un texte biblique : certaines sont des traditions orales reçues à l’origine par Moïse au Sinaï (halakha leMoché miSinaï), d’autres sont simplement dictées par la logique. Chaque fois que cela est pertinent, ces sources sont également citées par Rabbi Chnéour Zalman. Comme il le fait lui-même remarquer, il n’est pas suffisant d’apprendre la loi seule ; il est nécessaire d’étudier « la législation, les récits talmudiques (aggadah) et l’exégèse – c’est-à-dire le Talmud, qui explique les raisons des lois présentes dans les textes michnaïques, et leur source exégétique dans les versets bibliques. Les lois qui ne trouvent pas leur source dans un verset biblique sont une tradition de Moïse au Sinaï, ou sont dictées par la logique ».15
Les sources de certaines lois sont parfois vagues ou non spécifiées. Rabbi Chnéour Zalman explicite toujours le verset biblique, et explique clairement comment la loi en est déduite. Ici aussi, nous pouvons trouver des exemples d’innovation et d’illumination.
Un exemple concerne le commandement de prolonger le jeûne de Yom Kippour au-delà des limites techniques du dixième jour du mois de Tichri. Cette loi est déduite d’un verset biblique qui dit : « Vous vous affligerez le 9 du mois, le soir ; du soir jusqu’au soir, vous observerez votre jour de repos ».16 L’implication est que l’on doit commencer le jeûne le soir du 9 et le poursuivre tout au long du 10 jusqu’au soir suivant.17
Cependant, cela ne fait que nous informer qu’il nous est commandé d’étendre les limites du jeûne en le commençant tôt. Où est-il sous-entendu que le jeûne doit également être prolongé à sa fin, dans le début du onzième jour du mois ? Le Talmud désigne laconiquement comme source les mots « du soir jusqu’au soir ».18 Rachi explique que les mots « jusqu’au soir » connotent le sens de « jusqu’à et y compris le soir suivant ». Le problème avec cette interprétation est que la connotation du mot « jusqu’à » fait l’objet d’un débat ailleurs dans le Talmud ; certains sont en effet d’avis qu’il signifie « jusqu’à et y compris », mais d’autres sont d’avis qu’il signifie en fait « jusqu’à, mais non compris ».19
C’est peut-être en raison de ce débat que Rabbi Chnéour Zalman a choisi d’adopter l’explication donnée par Rabbi Aharon ben Avraham ‘Haïm de Fez (1555-1632) dans son commentaire Korbane Aharon sur le Sifra (un commentaire tannaïtique du Lévitique), plutôt que celle donnée par Rachi qui généralement fait davantage autorité. Selon ce commentaire, la loi est déduite au moyen d’une méthode exégétique de comparaison appelée hékech. La juxtaposition des mots « du soir » et « jusqu’au soir » implique que les détails de la loi qui en découlent respectivement doivent être similaires : de même que le premier soir le début du jeûne est avancé de façon à inclure une partie du neuvième jour du mois, le second soir, le jeûne se prolonge dans le onzième jour du mois.20
« Les hommes de valeur ne pouvaient pas trouver leurs mains pour comprendre... ils couraient de-ci de-là à la recherche des mots de ces grandes autorités antérieures de mémoire bénie, sans pouvoir les trouver. »
Des références aux sources de Rabbi Chnéour Zalman apparaissent dans les marges de l’ouvrage, mais je ne sais pas qui les a recueillies. Il est possible qu’elles aient été notées par l’auteur lui-même, ou par quelqu’un d’autre. Quoi qu’il en soit, ces mentions ne sont pas complètes. Chaque loi n’est pas accompagnée d’une référence de source.21
À cet égard, il convient de prendre en compte ce que Rabbi Chnéour Zalman a écrit dans son introduction aux lois sur la vente du levain :
Il est bien connu de ceux qui excellent dans l’étude de la halakha que de nombreux ouvrages des autorités antérieures de mémoire bénie n’avaient pas encore été publiés à l’époque des autorités ultérieures de mémoire bénie – telles que le Taz, le Maguen Avraham et d’autres qui les ont suivies – et qu’ils n’ont été découverts que récemment, comme cela apparaît clairement dans le Chita Mekoubétset [un recueil de commentaires publié au 16ème siècle] sur plusieurs traités talmudiques...
Que voulait transmettre Rabbi Chnéour Zalman à travers cette remarque ? Il semble qu’il ait ainsi fait allusion à la base de certaines de ses propres décisions dans cet appendice aux lois de Pessa’h dans le Choul’hane Aroukh haRav.
Ces lois concernent la vente de levain à un non-juif avant la fête de Pessa’h. L’objet de cette vente est de contourner l’interdiction de posséder du levain pendant la fête. Souvent, ces ventes étaient effectuées avec l’accord que le non-juif revendrait le levain à son propriétaire précédent à la fin de la fête. Pour des raisons pratiques, certaines autorités étaient enclines à valider une telle vente même si seulement une somme d’argent symbolique changeait de mains, le reste restant entre les mains de l’acheteur sous forme de prêt. Rabbi Chnéour Zalman affirme qu’une telle vente est invalide « selon les grandes autorités antérieures, de mémoire bénie ».
Dans une responsa halakhique sur le sujet, le frère de Rabbi Chnéour Zalman, Rabbi Yehouda Leib de Yanovitch, a noté que ces mots ont causé une certaine confusion : « Les hommes de valeur ne pouvaient pas trouver leurs mains pour comprendre... ils couraient de-ci de-là à la recherche des mots de ces grandes autorités antérieures de mémoire bénie, sans pouvoir les trouver »22 Rabbi Yehouda Leib explique ensuite ce à quoi son frère faisait référence, en se basant sur ce que Rabbi Chnéour Zalman lui-même lui a dit : « Son fondement initial est basé sur la Chita Mekoubétset sur [le traité talmudique] Bava Metsia, et il [Rabbi Chnéour Zalman] a dit que ce n’est pas pour rien qu’il a mentionné cet ouvrage dans son introduction, car il a ainsi laissé entendre que c’est de là qu’il a tiré ses propos... » Rabbi Yehouda Leib prouve alors que selon plusieurs autorités antérieures citées dans cet ouvrage, laisser le reste de la somme sous forme de prêt entre les mains de l’acheteur invalide la vente. (Pour cette raison, Rabbi Chnéour Zalman a établi qu’une tierce partie devait garantir la vente afin de la rendre valide même sans l’échange de la totalité de la somme. Cette innovation de Rabbi Chnéour Zalman est acceptée et utilisée dans de nombreux milieux, y compris dans la ville de Jérusalem.)
Cette « allusion » n’est pas seulement pertinente dans ce cas particulier. De nombreuses choses écrites par Rabbi Chnéour Zalman qui, à première vue, semblent n’avoir aucune source sont en fait toujours ancrées dans des fondations solides qui, si elles ne sont pas à l’endroit le plus évident, existent assurément ailleurs.
Prochainement : « 3ème partie : analyse et arbitration »
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