Comme il se sentait seul, Youri, ce soldat juif qui effectuait son service militaire dans une base russe ! Un soir, après une dure journée de manœuvres et d’entraînement, il s’assit avec ses compagnons dans la salle de détente pour regarder la télévision.
Le programme s’arrêta un moment pour les publicités. Cette musique... Youri la reconnut immédiatement : mais oui, c’était « Dayénou », la mélodie familière et familiale, celle qu’on chante joyeusement autour de la table du Sédère... La publicité continuait : on annonçait la prochaine fête de « Paskha », de Pessa’h. Rav Dan Krishevski, émissaire du Rabbi et représentant de la Fédération des Communautés juives de CEI à Oufa apparaissait dans un clip et annonçait la prochaine fête de Pessa’h ; il invitait les Juifs à le contacter pour obtenir de la Matsa Chemoura.
Le numéro de téléphone apparut alors brièvement sur l’écran et Youri le mémorisa immédiatement. Dès qu’il eut un moment libre, il téléphona et entra ainsi en contact avec le centre communautaire d’Oufa. Timidement, Youri demanda au rabbin s’il était possible qu’on lui envoie une boîte de Matsot : « Bien sûr ! Avec plaisir ! » répondit le jeune rabbin qui accepta de lui faire parvenir les Matsot par courrier spécial de l’armée : il s’en portait personnellement garant.
Youri était enfin heureux. Quelqu’un pensait à lui et allait s’occuper de ses besoins spirituels.
Mais bien vite, sa joie fit place à de l’appréhension : quelle serait la réaction de ses camarades de régiment ? Ils étaient soit russes orthodoxes, soit musulmans : comment pourrait-il manger de la Matsa devant eux ? De plus, Youri s’inquiétait surtout par rapport à son commandant : un officier de carrière rude et strict qui, dès le début de son service, l’avait pris en grippe.
Pessa’h arriva. Nul n’avait procédé à un nettoyage particulier. Nul ne s’activait particulièrement à la cuisine et on n’entendait évidemment pas des enfants chanter à tue-tête « Ma Nichtana ». Youri décida que ce soir-là, il n’irait pas manger au mess avec ses compagnons, mais il se mettrait seul dans un coin pour manger ses Matsot. C‘est alors que le commandant s’approcha de lui avec son air soupçonneux habituel. Cette fois – Youri en était persuadé – le commandant ne lui ferait pas de cadeau : il lui reprocherait certainement de manger à part ou peut-être de manger de la Matsa... ou les deux... Mais jamais Youri n’aurait pu imaginer la conversation qui allait suivre. Ce commandant qui ne parlait d’habitude que pour aboyer des ordres s’approchait de lui.
« Pourquoi manges-tu cela ?» demanda-t-il, presque tranquillement. Puis il baissa la voix et, comme dans un rêve, Youri l’entendit murmurer : « Ma grand-mère aussi mangeait des galettes semblables… Je ne devrais pas te le dire, mais moi aussi, je suis Juif !»
Vraiment cette nuit était différente de toutes les autres. Une telle révélation, de la part d’un officier si haut gradé... Youri proposa au commandant un morceau de Matsa, mais celui-ci déclina l’offre poliment. Il regrettait sans doute d’en avoir trop dit et il s’éloigna. Etait-il soulagé d’avoir révélé son secret ou le regrettait-il déjà ? Nul ne le sut jamais, mais le reste de la nuit se déroula sans problème.
Surtout... le commandant ne mentionna plus rien de ses origines devant Youri. Et il ne le tourmenta plus non plus.
A la fin de son service militaire, Youri avait eu le temps de réfléchir à tout ce qui lui était arrivé et s’était posé de nombreuses questions sur son identité juive.
Il rentra chez lui à Vladikavkaz, la capitale de la République d’Ossétie du Nord. Il avait été si touché par la gentillesse de Rav Krishevski qu’il se mit au service de la communauté juive de son pays pour organiser un Sédère communautaire.
Et chaque année, à l’approche de Pessa’h, Youri n’oublie pas d’envoyer une boîte de Matsot à son ancien commandant, un Juif isolé dans une base militaire de Russie...
La Fédération des Communautés Juives de CEI est à la pointe du combat pour la renaissance du judaïsme dans l’ancienne Union Soviétique. Plus de mille émissaires du Rabbi de Loubavitch s’activent dans 454 villes disséminées dans les 15 Républiques de l’Est.
Le’haïm
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