Lundi 18 avril 2005
Jeunes mariés, nous arrivons dans ce pays étranger qui a si longtemps fait la une des journaux américains : le Vietnam ! Nous ne connaissons ni la langue, ni les usages. Et nous n’avons presque pas de provisions pour Pessa’h à cause d’une stricte restriction des bagages.
Le premier Sédère commence samedi soir ; Ra’hel et moi devons préparer une cuisine cachère pour Pessa’h et concocter un repas de fête pour soixante-quinze personnes. Espérons que les Matsot et le vin arriveront à temps depuis Hong Kong.
A l’hôtel, nous réservons plusieurs chambres. Nous déposons nos bagages et, sans même prendre le temps de nous installer, nous téléphonons à Naomi Lee, une femme juive dont le numéro nous a été communiqué par le Rav Mordechai Avtzon, directeur de ‘Habad à Hong Kong. Elle nous emmène à Coop Mart : nous emportons pratiquement tout le magasin ! Casseroles, plats, ustensiles divers, verres en plastique, etc... Nous remplissons sept chariots.
De retour à l’hôtel, nous commençons une première série de coups de téléphone.
Mardi
Les invitations pour le Sédère avaient été envoyées auparavant ; les gens répondent maintenant, pour la plupart par Internet. En attendant, nous nous rendons au magasin d’électroménager pour acheter les mixers, fours et autres nécessités de cuisine.
Soudain, Internet ne fonctionne plus. Nous en avons terriblement besoin pour les réservations. Nous appelons la direction de l’hôtel. Nul ne peut accéder à Internet maintenant, nous dit-on. Nous attendons quelques heures et nous rappelons. Il paraît que le serveur Internet de Singapour ne fonctionne plus non plus. Donc il n’y a plus de contact Internet dans toute la ville ! Nous sommes consternés.
Mercredi
Retour à Coop Mart. Nous avons besoin de soixante-quinze couverts, de plats, de plaques de four, de papier aluminium, de boîtes plastique, de pichets et la liste continue de s’allonger.
Nous retournons à l’hôtel avec cet énorme chargement.
Les yeux du personnel chargé de nous aider sont exorbités. La direction nous rappelle que nous n’avons pas le droit d’organiser une réception. Nous les rassurons : ce ne sera pas une réception, juste un dîner entre amis...
Retour au magasin d’électronique pour acheter un congélateur, une cuisinière à gaz et un four. Puis détour par le marché où nous achetons des caisses de fruits et légumes. Oui, nous serons livrés à l’hôtel le lendemain matin. Épuisés, nous nous couchons à vingt heures. Enfin ! Mais c’est le calme avant la tempête !
Bien vite le téléphone sonne : « Monsieur Sudak ! Nous ne permettons pas l’usage du gaz dans les chambres ! »
Or, tout cet équipement se trouve sur le camion. La direction de l’hôtel accepte qu’il reste toute la nuit dans le camion, dans la cour. Après, on verra.
Jeudi – cinq heures du matin
Je me réveille en sueur à cause d’un cauchemar : la livraison de fruits et légumes sera-t-elle refusée ? Tout un camion pour un couple de touristes...
J’informe l’homme à moitié endormi à la réception que j’attends beaucoup de nourriture parce que je dois cuire des repas pour toute une semaine, pour la fête de Pâque : « Cuire ? Et avec quoi, Mr Sudak ? Le gaz est interdit dans l’hôtel. Mais ne vous inquiétez pas, je ferai livrer votre commande dans votre chambre ! »
Je respire. Au fait, il n’était pas là la veille. D’où connaît-il mon nom ? D’où connaît-il ce problème de gaz ?
La commande arrive et nous stockons ces fruits et légumes dans une chambre à coucher. Nous faisons fonctionner à fond l’air conditionné, créant ainsi une chambre froide improvisée.
Tous le personnel de l’hôtel veut nous aider. La nouvelle a vite circulé : nous les payons royalement ! Un dollar de l’heure ! Au Vietnam, c’est une somme énorme !
A vingt heures trente, nous avons rendez-vous avec la directrice de l’hôtel et lui expliquons : « Nous préparons un dîner auquel participeront certains des vos clients les plus importants : le consul général des Etats-Unis ainsi que celui du Chili : comment faire ? »
Elle réfléchit puis nous propose la grande salle à manger. Ravis, nous acceptons. Mais elle insiste : « Pas de gaz ici ! » Comment allons-nous faire ?
Ra’hel dispose maintenant d’une armée de domestiques. Tous préparent les salades, pressent citrons et oranges, font tremper tous les légumes dans une solution anti-bactérienne puis les rincent à l’eau minérale. Il faut aussi enlever les étiquettes de chaque assiette et de chaque couvert : cela prend des heures ! Ra’hel est devenue experte en communication non-verbale mais gestuelle !
Vendredi
Le saumon arrive. Dans la poissonnerie, on a trouvé – par miracle – un couteau jamais utilisé qui nous permettra de préparer les filets dans notre cuisine de Pessa’h. Pour raisons de cacherout.
Deux heures avant Chabbat
L’ambassade israélienne de Hanoï nous recommande Sam. Cela fait dix ans qu’il habite ici ; il est juif et vit avec une Vietnamienne ; leurs enfants sont élevés dans cette culture. Il accepte de participer à notre Sédère à condition que tout commence à l’heure et que cela se termine tôt. Je lui assure qu’il en sera ainsi et je prie silencieusement en ce sens !
Le saumon dégage une odeur appétissante. Ra’hel est fantastique ! Comment a-t-elle réussi ?
Nous recevons un e-mail d’un couple américain. Leur fils John habite au Vietnam : « Il n’est pas intéressé à venir. Pouvez-vous le contacter par e-mail ? Il ne veut plus rien avoir à faire avec nous ! » J’essaie plusieurs fois de contacter leur fils, notre frère juif. Pas de réponse. Mais à la dernière minute, John arrive pour le Sédère !
Samedi soir
Ra’hel accueille les convives en invitant les femmes et jeunes filles à allumer les bougies de la fête.
La salle est en forme de « L » avec une double porte entre les deux parties. Je décide de séparer les convives entre ceux qui parlent anglais et ceux qui parlent l’hébreu. Je me tiens entre les deux et tâche de synchroniser les deux salles. Nous chantons dans les deux langues.
Minuit
Le premier Sédère est terminé. Un vrai succès ! Nous sommes absolument épuisés mais formidablement heureux. C’était incroyable. Nous avons hébergé soixante-quinze convives, y compris un groupe amené par le consul américain à Ho Chi Minh, qui est devenu un très bon ami.
Comment Ra’hel a-t-elle réussi à servir un repas gastronomique dans ces conditions ? C’est au-delà de la compréhension humaine ! C’est un miracle de dur labeur, d’ingéniosité, d’aide certaine de la part du Rabbi qui nous a envoyés ici et d’aide divine.
A propos de John : durant presque tout le Sédère, il est resté renfermé en lui-même et n’a pas participé. Mais, à la fin du Sédère, son visage était rouge d’émotion, on sentait qu’il était touché. Les larmes aux yeux, il remarqua : « De tout ce que mes parents ont fait pour moi dans toute ma vie, vous mettre en contact avec moi pour le Sédère était la plus belle preuve d’amour ! »
Aussi compliquée et angoissante qu’elle fût, cette semaine a été la plus belle de notre vie !
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