L’actualité est brûlante. Le monde entier a vu deux choses insoutenables : l’agonie d’un homme, suppliant qu’on le laisse respirer, et l’indifférence d’un autre homme, refusant de le laisser respirer. Le bourreau était blanc et la victime était noire. Et cela se passait aux États-Unis, dans le climat que l’on sait.

La question du racisme est sur toutes les lèvres. Sommes-nous voués au racisme ? À la méfiance obligatoire vis-à-vis de l’altérité ?


L’être humain se vit à la fois en tant qu’individu et comme un être social.

Mais son individualité peut le pousser à l’individualisme, puis à l’égocentrisme, puis à l’égoïsme et à leurs corollaires : la méfiance envers l’autre, puis le rejet de l’autre. Et à l’extrême, à la suppression de l’autre.

D’un autre côté, son aspect social qui le pousse à créer une société et une civilisation basées sur des valeurs communes, peut le pousser à vouloir imposer une norme, voire une uniformité, et à gommer toutes différences entre les personnes et entre les cultures au profit de la norme imposée.

Où placer le curseur entre ces deux tendances naturelles de directions contraires, celle de la particularité et celle de l’universalité ?

Ou, pour dire les choses simplement, sommes-nous des Blancs et des Noirs ? Des juifs et des non-juifs ? Des croyants et des athées ? Des hommes et des femmes ?

Ou bien sommes-nous tous égaux, voire tous identiques ?

Notre idéal doit-il être d’être unis, ou bien d’être unifiés ?


De 1990 à 1993, le maire de la ville de New York fut David Dinkins, qui, à ce jour, fut le seul Noir à occuper ce poste.

En septembre 1989, alors en campagne électorale, David Dinkins rendit visite au Rabbi, à Brooklyn. Lors de leur échange, le Rabbi évoqua le fait que la ville de New York constituait un « Melting-Pot », une mosaïque de communautés, et qu’il était nécessaire qu’elles vivent en harmonie, et que chacune puisse renforcer les autres, notamment dans le domaine de la bienfaisance.

Puis le Rabbi exprima le souhait que le Melting-Pot soit si actif (melting-pot signifiant littéralement « chaudron de fusion ») qu’il permettra de révéler qu’au-delà de leurs particularités extérieures, les êtres humains ne sont foncièrement pas différents les uns des autres, étant créés par le même D.ieu, avec la même mission de faire le bien en eux-mêmes et autour d’eux.

En 1991, il y eut les tristement célèbres émeutes raciales de Crown Heights lors desquelles de jeunes Noirs venaient en découdre avec les Juifs pour réagir à la mort dans un accident de la route d’un enfant noir percuté par une voiture conduite par un Juif. Ces émeutes très tendues firent un mort, un étudiant juif australien poignardé par des émeutiers noirs. Le maire Dinkins se rendit à nouveau chez le Rabbi.

Il dit au Rabbi : « J’ai confiance qu’avec les bonnes gens de toutes nos communautés... » Le Rabbi l’interrompit et dit : « Des deux côtés ! », puis M. Dinkins reprit : « ...des deux côtés, nous nous rassemblerons et ferons ce qui est nécessaire pour la protection de tous. » Le Rabbi ajouta alors : « Et oublier qu’il s’agit de deux côtés, c’est un côté, un peuple, unifié par l’administration de la ville de New York. » (Vidéo ci-dessous)


Lors de ces deux échanges, le Rabbi souligna la nécessité de reconnaître d’abord les particularités et les différences, et de les faire coexister dans l’harmonie et la prospérité, puis d’élever cette harmonie à un niveau supérieur de sorte à révéler l’unité profonde de l’humanité.

De quelle manière le Rabbi nous invite-t-il à dépasser la dichotomie individualité/universalité pour associer ces deux forces en un système vertueux ?

Dans ces deux échanges, le Rabbi dit que cela est possible en invoquant une puissance supérieure. La première fois, il évoqua le Créateur de toute l’humanité. La seconde, il parla au maire de New York de l’autorité qui était la sienne en tant que chef de la municipalité.

Pour nous, le message est clair : en premier lieu, il nous appartient non seulement d’accepter et de respecter les différences entre nous – entre individus, ethnies, cultures, religions –, mais également de trouver la manière dont ces différences sont bénéfiques pour tous de sorte à non seulement coexister dans la tolérance, mais à vivre ensemble en harmonie, chacun en étant soi-même.

Une telle coexistence pacifique (en hébreu Chalom, « la paix », signifie également « plénitude »), constitue le moyen d’arriver à la seconde étape qui est de révéler la dimension qui nous unit tous, le divin qui est en l’homme qui émane du D.ieu Unique, Créateur du monde et Source de tout bien.

Et si quelqu’un pense que seul D.ieu peut mener à bien une telle utopie, il lui est rappelé qu’il ou elle est soi-même le « maire » de la « petite ville » que constitue sa vie, son foyer et sa mission sur terre, et que c’est à lui ou elle qu’il incombe de l’administrer avec ces idéaux en puisant les forces dans l’étincelle divine de son âme.