L’étape centrale du passage de l’exil à la délivrance sera la construction du Troisième Temple. C’est l’un des principaux signes conférant au Machia’h le statut de Machia’h bevadaï, « Machia’h avec certitude ».1 Dès lors, c’est seulement lorsque le Temple sera reconstruit que nous saurons avec une totale certitude que nous serons entrés dans l’ère de la délivrance. Il existe toutefois des opinions divergentes sur la question de savoir comment le Temple sera construit.

Dans le Zohar,2 le Troisième Temple est qualifié de binyana deKoudcha berikh Hou, « l’édifice du Saint béni soit-Il », c’est-à-dire qu’il sera construit par D.ieu Lui-même. Rachi3 dit : « Le Temple futur que nous attendons, est déjà construit et parachevé et il se révélera et viendra du Ciel, comme il est dit : “Le Sanctuaire, Ô D.ieu, que Tes mains ont forgé.”4 » Cependant, certains de nos Sages sont d’avis5 que le Temple sera l’œuvre de mains humaines, et c’est ainsi que tranche Maïmonide,6 qui statue que le Temple sera édifié par Machia’h.

Un commandement de la Torah

La loi tranchée par Maïmonide a une base simple : la construction du Temple est un commandement de la Torah (comme il le souligne lui-même au début des « Lois de la Maison d’Élection »), de sorte que les Juifs ont un devoir de construire eux-mêmes le Temple pour accomplir ce commandement. Si D.ieu devait faire descendre le Temple du Ciel, le mérite de l’accomplissement de ce commandement serait refusé au peuple juif. D’un autre côté, le Zohar explique que le Troisième Temple se distinguera de ceux qui l’ont précédé par le fait que ceux-ci furent édifiés par des êtres humains, et de ce fait finirent par être détruits (« binyana debar nach deleit beih kiouma klal – « des édifices humains qui n’ont aucune pérennité »), tandis que le Troisième Temple sera l’œuvre de D.ieu, et sera donc éternel.

Il est expliqué à ce sujet7 qu’il n’y a en réalité pas de contradiction : certaines parties du Troisième Temple seront le fruit d’un travail humain, et d’autres descendront du Ciel. Ainsi, les deux opinions seront réconciliées : comme il s’agit d’un commandement, le peuple juif aura le devoir de construire au moins une partie du Temple, mais les éléments les plus élevés qui assureront au Temple son caractère éternel proviendront, eux, du Ciel.

Cette manière de concilier les deux opinions permet également de comprendre pourquoi Maïmonide ne fait pas mention des éléments « célestes » du Temple : le « Michné Torah » de Maïmonide est un livre de loi, dont l’objet est de statuer sur les devoirs qui incombent au peuple juif, c’est pourquoi il ne traite pas du rôle de D.ieu dans la construction du Temple. En revanche, le Zohar et le Midrash, qui traitent essentiellement de l’aspect profond des choses, mettent en avant la part de D.ieu dans la construction du Temple, c’est-à-dire les éléments qui viendront d’En-haut.

L’association du haut et du bas

La part du peuple juif et celle de D.ieu dans la construction du Temple peuvent être associés de plusieurs manières :

  1. Le Troisième Temple sera construit par le Machia’h, et en lui se « revêtira » le Temple d’en-haut, à l’instar du « feu d’En-haut » qui se revêtait dans le « feu d’en bas » sur l’Autel, au sujet duquel il est dit : « Bien que le feu descende du Ciel, c’est une mitsva qu’il soit allumé par des humains. »8
  2. Sur le verset « Ses portes se sont enfoncées dans la terre »9, le Midrash enseigne10 que les portes du Temple furent englouties dans le sol et sont depuis lors enterrées dans le mont du Temple. Lorsque le Troisième Temple descendra du Ciel, ces portes referont surface et seront fixées à leur emplacement. C’est l’une des manières dont les deux opinions peuvent s’associer : le Temple lui-même descendra du Ciel, mais ses portes seront posées par des mains humaines. Or, comme il est un principe que celui qui pose les portes est considéré comme s’il avait lui-même construit l’édifice, les Juifs seront considérés comme ayant accompli le commandement de construire le Temple.
  3. Il est connu qu’il y a des différences entre les mesures données dans le traité talmudique « Midot » consacré au Temple et la description du Temple donnée dans la prophétie d’Ézéchiel. De nombreux éléments de cette prophétie ne sont pas clairs et leur interprétation ne nous a pas été transmise, de sorte qu’il nous est impossible de les traduire dans des directives de construction. L’association des deux opinions tiendra dans le fait que nous construirons le Temple selon les prescriptions du traité Midot, et les « éléments obscurs » du Livre d’Ézéchiel nous seront révélés et prodigués du Ciel.

La ‘Hassidout – l’enseignement ‘hassidique – insiste sur la nécessité de l’association du travail humain et de la révélation d’En-haut, car c’est cela même qui caractérisera la délivrance messianique : la jonction du « Haut » et du « bas », des « mondes supérieurs » et des « mondes inférieurs », des efforts de l’homme et de l’œuvre de D.ieu. C’est dans le Troisième Temple que cette union se manifestera dans toute sa plénitude.