Il était une fois un riche homme d’affaires qui était un disciple du Tsema’h Tsédek, le troisième Rabbi de ‘Habad. Avant de se lancer dans une entreprise, il veillait toujours à obtenir l’approbation et la bénédiction du Rabbi. D’expérience, il avait appris à écouter attentivement ce que le Rabbi lui disait, et avait ainsi évité de se compromettre dans de nombreuses transactions commerciales d’apparence prometteuses, mais qui auraient mal tourné s’il s’y était engagé.
Une fois, au terme d’une audience, le Rabbi lui dit : « La prochaine fois que tu viendras ici, amène, s’il te plaît, ton cocher », nommant l’homme qu’il souhaitait voir.
Cette requête surprit le visiteur. Jusque-là, le Rabbi ne s’était jamais mêlé de choses telles que de l’identité de son cocher. Il n’avait d’ailleurs jamais rien vu de remarquable au sujet de l’homme que le Rabbi souhaitait maintenant voir. Il savait cependant que le Rabbi avait ses raisons.
Les mois passèrent, et l’homme d’affaires revint à la cour du Rabbi. Comme cela lui avait été demandé, il engagea pour le voyage le cocher que le Rabbi avait cité.
« Invite le cocher à me rendre visite », dit le Rabbi en apprenant que l’homme était en ville.
L’homme d’affaires se précipita rapidement vers la pension où logeait le cocher et lui raconta sa bonne fortune.
« Qui suis-je pour voir votre Rabbi ? », s’interrogea le simple homme, qui se sentait plus à l’aise dans une écurie que dans un bureau plein de livres. L’invitation l’effraya, et il tenta de s’y dérober.
Lorsque le client vit que le cocher n’avait pas l’intention de venir avec lui, il le menaça de ne pas l’engager pour le retour. Cela força le cocher à changer d’avis ; il accepta de venir.
« Chalom Aleikhem ! Chalom Aleikhem ! [Que la paix soit sur vous] », dit le Rabbi au cocher avec un large sourire.
Le cocher, déjà surpris par ces salutations chaleureuses, fut stupéfait lorsque le vénéré rabbin l’invita à revenir le lendemain pour dîner avec lui.
Lorsque le cocher quitta la maison, le Rabbi se tourna vers sa femme, la Rabbanit ‘Haya Mouchka, et lui demanda de préparer des mets spéciaux et des aliments réservés aux fêtes et à ‘hol hamoed pour les servir à leur invité le lendemain.
Pendant ce temps, la nouvelle se répandit à propos du simple cocher qui méritait d’être accueilli comme un roi dans la maison du Rabbi. Beaucoup essayèrent de deviner le sens de ce phénomène. Bientôt, un groupe de jeunes ‘hassidim encercla le cocher, exigeant qu’il se révèle à eux.
« Je ne sais pas pourquoi j’ai été invité à la maison du Rabbi, leur dit-il. Je ne suis ni érudit en Torah ni un saint homme ; Je ne suis qu’un simple cocher. »
Le groupe ne le laissa pas s’en sortir si facilement.
– Peut-être pouvez-vous vous rappeler d’un incident spécial qui vous est arrivé ?, l’interrogèrent-ils.
Le cocher se gratta la tête, essayant de réfléchir.
– Oh, il y a peut-être quelque chose..., marmonna-t-il.
Les yeux des jeunes ‘hassidim se mirent à briller.
– Dites-nous, dites-nous !, scandèrent-ils.
Et le cocher entama son récit.
« Au cours de mes nombreux voyages, je suis parvenu à des villages isolés où il peut parfois n’y avoir qu’une seule famille juive vivant parmi de nombreux gentils. Plus d’une fois, il arriva que les Juifs me demandent si je connaissais un mohel [circonciseur] parce qu’un petit garçon leur était né, et dans toute la région il n’y avait pas de mohelim pour accomplir la brith pour le bébé le huitième jour.
« C’est pourquoi, poursuivit le cocher, j’ai appris les lois de la brith milah et je me suis formé sous la direction d’un mohel expert. Quand je voyage, je prends mon kit de brith milah avec moi. D.ieu merci, j’ai eu le mérite de faire un certain nombre de circoncisions dans plusieurs de ces communautés éloignées.
« Il y a quelques mois, je voyageais à travers une forêt et je me suis égaré. J’ai soudain entendu de forts pleurs qui me brisèrent le cœur. J’ai suivi le son des pleurs jusqu’à atteindre la cabane d’un forestier juif. Les pleurs étaient ceux de sa femme. Elle me dit que son mari était tombé malade il y a quelque temps et était alité, incapable de bouger. Et, aujourd’hui était le huitième jour de la naissance de leur fils. Son mari devait se rendre dans la grande ville pour y chercher un mohel.
– Mais maintenant il ne peut plus bouger, et je ne sais pas quoi faire !, dit-elle avant d’éclater de nouveau en sanglots.
– Ne vous inquiétez pas, ma bonne dame, je suis un mohel !, lui dis-je. La femme, surprise, se calma. Mais il me fallait maintenant trouver un sandak pour tenir le bébé, car le père était trop faible pour se redresser et tenir son nouveau-né. Je sortis sur la route principale, espérant contre tout espoir qu’un juif passerait.
« Soudain, peu de temps avant que le soleil se couche, je vis un Juif marcher dans ma direction.
« Je lui ai sauté dessus comme si j’avais trouvé un trésor. Je lui ai parlé du grand honneur que ce serait pour lui. Au début, il refusa de venir. Mais je l’ai supplié, lui disant : “Un enfant juif attend d’entrer dans l’alliance d’Abraham notre Père ; le père a déjà un pied dans l’autre monde ; et la mère pleure. Comment pouvez-vous être si insensible et continuer votre chemin !?”
« Ces mots firent leur effet, et il accepta de m’accompagner.
« Après la brith, j’ai proposé à l’invité de se joindre à moi pour le repas de célébration de la mitsva. Cependant, il n’y avait rien à manger dans la maison. J’ai sorti mon sac à dos qui contenait du pain et du fromage. Nous nous sommes lavé les mains puis nous nous sommes assis pour manger le repas de mitsva, que nous partageâmes avec la mère.
« Après cela, l’invité suggéra que nous appelions le père de l’enfant pour compléter le zimoun [un quorum de trois hommes pour dire les Grâces après le repas]. Je l’ai regardé avec incrédulité. “Ne voyez-vous pas qu’il est presque de l’autre côté ?” Mais cet étrange invité se dirigea vers le père, et une minute plus tard, l’homme se tenait droit et était conduit à la table par l’invité. Je ne pouvais pas en croire mes yeux !
« Quand nous eûmes terminé la prière après le repas, je sortis une minute pour prendre quelque chose dans mon chariot. Quand je revins dans la maison, je ne vis l’invité nulle part. Il avait complètement disparu !
« Voilà mon histoire », déclara le cocher.
Le lendemain, le cocher se rendit chez le Rabbi où il prit un repas de fête. L’un des fils du Rabbi raconta à son père l’incroyable récit qu’il avait entendu. À la fin du repas, le Rabbi dit à l’assemblée : « Un Juif qui mérita de manger à la même table qu’Abraham notre Père, j’avais très envie de manger avec lui moi aussi... »
Traduit de Bein HaDaguim LiZemirot de Rav Zalman Ruderman, pp. 58-61
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