Le Dr David Barlow de la Boston University est réputé pour son habitude de mettre ses patients mal à l’aise. Si vous essayez d’enlever votre veste dans son bureau, il vous arrêtera net et vous dira de la garder. Il ne veut surtout pas que vous soyez serein et détendu pendant la consultation. Il est content de vous voir aussi inconfortable que possible. Il veut voir de la véritable anxiété.
C’est ce qui fait du Dr Barlow l’un des thérapeutes connaissant le plus de réussite dans le traitement des troubles anxieux aujourd’hui.
Docteur Barlow veut que ses patients affrontent directement leur anxiété. Pourquoi ? Parce qu’il croit qu’il y a une structure de peur programmée dans leur cerveau, un petit animal avec son propre esprit tordu. Pour reprogrammer cet animal, il vous faut le rencontrer lorsqu’il est en pleine action, palpitant de vitalité. Il vous faut découvrir que vous pouvez le battre sur son propre terrain.
Deux voies par delà la nature
Vous n’avez pas besoin d’avoir un trouble anxieux pour avoir un animal intérieur. Il y en a en chacun de nous. Oui, il y a un animal, et vous devez le tenir fermement en bride, le restreindre et l’exploiter. Si vous ne faites rien, il vous déchirera et vous consommera vivant, à travers la rage, la passion, la peur, la dépression, les stupidités – avec les griffes et les crocs dont est doté votre animal personnel. Les autres créatures prospèrent en suivant leur nature. Mais vous, vous êtes un être humain. La nature humaine exige que vous transcendiez la nature.
Il y a deux façons de transcender la nature. Vous pouvez lui livrer une guerre sans fin. Ou vous pouvez la transcender dans une paix totale.
La personne que nous appelons un tsadik est celle qui est sortie de son combat dans la paix.
Quel est le secret du tsadik ? C’est son amour sans bornes. L’âme du tsadik se consume de passion, l’extase de son cœur éclate en flammes, de violentes flammes inextinguibles qui consomment l’animal tout entier, sa chair, son sang et ses os, comme un holocauste amené sur un autel céleste, transformant cette bête dans son essence même, jusqu’à ce qu’elle relève plus de l’ange que de l’être terrestre.
L’animal du tsadik connaît la raison et s’incline devant elle. Il offre volontiers toute la puissance de sa passion à l’âme divine qui l’a maîtrisé et met toute sa force brute à son service. Alors que la plupart d’entre nous – au mieux – attrapent la bête par les cornes de manière à utiliser sa force pour labourer nos champs, le tsadik a déjà dépouillé cette bête de sa grossièreté matérielle et lui enseigné à s’envoler vers les cieux.
Mais quelle est la puissance qui attise ces flammes ? Qu’est-ce qui rend son amour si réel et si exhaustif ?
Derrière l’amour du tsadik, il y a sa vision. Une vision qui perce au-delà des illusions de l’ego humain et sous la façade de la perception corporelle. Car là où vous et moi voyons un monde, le tsadik voit une Lumière Infinie. Là où vous et moi voyons une image statique, le tsadik voit une réalité renouvelée à chaque instant, comme si la fréquence de son âme dépassait la fréquence de rafraîchissement de la création.
Pour nous, ce monde froid et dur est le terrain de la réalité. L’idée d’un Créateur, de la transcendance, de la finalité et du sens, tout cela est une découverte, une révélation, peut-être même une intrusion pour laquelle nous devrions présenter des excuses. Pour le tsadik, cependant, cette révélation est l’arrière-plan, la toile à partir de laquelle toutes les formes émergent.
Pour nous, le monde est évident, et sa source est une révélation. Pour le tsadik, c’est le contraire : la Lumière Infinie est évidente et l’existence de ce monde est source d’ébahissement. Elle est une merveille qui échappe à jamais à l’entendement.
Ainsi, pour le tsadik, les passions animales n’ont jamais commencé à exercer une quelconque domination. Pour nous, en revanche, l’animal est le taulier, et l’âme divine arrive avec ses bagages comme un hôte importun. Quand bien même cette âme parviendra à dicter ses exigence, à exercer le pouvoir et à affirmer sa supériorité, ce corps n’en demeurera pas moins le territoire charnel et terrestre de l’animal, et notre âme sera toujours l’étranger qui doit se plier à ses conventions.
Mais pour le tsadik, D.ieu est un absolu, et il n’y a rien d’autre que D.ieu. De sorte que l’amour du tsadik est lui aussi absolu et, une fois qu’il est enflammé, il ne demeure rien d’autre dans son cœur que cet amour.
L’amour brûle. C’est un feu ardent. Et dans ce feu, il y a la paix.
Alors que dans notre feu...
Alors que dans notre feu à nous, il y a la guerre. Notre propre personnalité est le champ de bataille. L’animal reste un animal, attendant en permanence l’occasion de se libérer de ses rênes et de se débarrasser des entraves de la raison, de la bienséance sociale et de la décence morale. Chaque matin, nous sommes confrontés à une brute encore plus puissante, déjà aguerrie aux stratégies que l’esprit a mises en œuvre la veille pour lui faire obstacle, contre-attaquant avec encore plus de passion, des griffes plus longues et des crocs plus acérés que jamais.
Certains d’entre nous retiennent une colère qui pourrait déchirer nos familles et nos amitiés. Certains refoulent une passion brûlante pour l’interdit. Pour d’autres, chaque journée est passée à échapper à une addiction qu’ils savent destructrice. En affaires, pas un jour ne passe sans avoir à affronter une décision éthique. Chacun avec son épreuve, chacun avec son combat. Et, à chaque fois, la victoire exige de creuser à l’intérieur de soi pour éveiller une source de puissance cachée au plus profond de nous.
Nous luttons pour atteindre cette source, et parfois voilà qu’elle scintille en nous. Parfois même assez brillamment, même si ce n’est que de façon fugace. Sans aucun doute, elle brille à l’intérieur de nous, comme une petite diode demeurant allumée sur un four éteint. Elle nous appelle, comme la voix d’un petit enfant émanant des profondeurs d’une caverne inexplorée.
Et puis, elle nous quitte. Une fois de plus, nous voilà seuls.
La lumière nous laisse, la voix s’éteint, mais sa puissance est toujours là. C’est la puissance du tsadik au-dedans de nous. Parce que dans notre essence, il est nous et nous sommes lui. Et donc la puissance de son amour est notre puissance ; et avec cette puissance, rien ne peut se dresser sur notre chemin.
Et si nous allons demander au tsadik : « S’il te plaît, ne peux-tu pas partager avec moi ton amour ardent ? Ne puis-je pas, moi aussi, vivre dans une paix sereine ? »
Alors le tsadik nous répondra : « Mais ce n’est pas le but. Ce n’est pas pour cela que tu es venu à ce monde. Tu es venu ici pour rencontrer l’animal face à face, pour l’affronter à son niveau le plus primaire et, à cet endroit, le reprogrammer. Moi je ne peux pas le faire, car tant que cet amour brûle lumineusement, l’animal n’ose pas ramper hors de sa tanière. Il n’a aucune substance dans mon monde, car il se dissout simplement dans la lumière.
« Mais toi, tu vas le rencontrer là-bas, dans l’épaisseur de son obscurité. Tu auras du mal à l’apprivoiser, et il se rebellera. Et ainsi tu deviendras plus fort encore, plus fort que tu n’as jamais imaginé pouvoir l’être, jusqu’à ce qu’émergent les pouvoirs de l’essence de ton âme. C’est alors que l’obscurité de cet animal brillera véritablement.
« De sorte que toi, et non moi, changeras le monde. »
Ce concept est présenté dans l’ouvrage séminal de ‘Habad, le Tanya. Il est développé dans de nombreux maamarim, mais voir en particulier les maamarim du Rabbi qui commencent par Padah bechalom nafshi (« Il a racheté mon âme en paix »).
La dernière partie est une élucidation du chapitre 27 du Tanya, telle qu’elle est développée dans de nombreux maamarim.
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