Lorsqu’un jeûne tombe un Chabbat : de l’affliction à la réjouissance
Lorsque le 17 Tamouz tombe un Chabbat, le jeûne est alors reporté au lendemain. On peut considérer une telle exception sous deux jours différents :
A priori, il semble que le Chabbat n’ait pas d’incidence sur le jeûne en lui-même. En effet, l’affliction du jeûne garde toute sa vigueur, si ce n’est que, ne pouvant être vécue le Chabbat, le jeûne est repoussé au lendemain.
Cependant, le fait que le Talmud enseigne que le jeûne est « repoussé » (nid'hé) par le Chabbat (et non « reporté ») indique que, loin de n'être qu'un simple événement calendaire, cet évènement constitue à la fois une allusion et un présage de l’annulation définitive du jeûne, dont le principe est exprimé dans le Talmud par l’opinion de « Rabbi »1 concernant le jeûne du 9 Av qui tombe un Chabbat : « Puisqu’il est repoussé (du Chabbat), qu’il soit repoussé (définitivement) ! »2 Or, si un tel principe s'applique au 9 Av, il en va a fortiori de même pour le 17 Tamouz, qui est un jeûne moins rigoureux. Cette abrogation sera effective lors de l’ère messianique, comme le statue Maïmonide :
Le jeûne repoussé est un avant-goût de l’ère messianique« Tous ces jeûnes seront abrogés au temps de Machia’h. Non seulement cela, mais ils seront dans l’avenir des jours de fêtes, de joie et d’allégresse... »3
D’après cela, il est possible d’avancer que lorsque le jeûne est repoussé et remplacé par la joie et le plaisir liés au Chabbat, cela constitue un avant-goût de ce qui prévaudra lors de l’ère messianique.
Cette transformation s’explique par le fait qu’un jour de jeûne possède deux aspects, l’un positif et l’autre, négatif. En surface, il s’agit d’un sujet négatif, un jour d’affliction, mais, profondément, il s’agit d’un sujet bénéfique, comme l’exprime le verset : « Un jour agréé par D.ieu. »4
Ainsi en est-il du 17 Tamouz, qui, superficiellement, marque le début de la destruction de Jérusalem et de l’exil. Cependant, il est notoire aussi que la « descente » en exil n'a pour but que l'élévation qui s’ensuivra. Or, c'est la finalité des choses qui exprime leur essence profonde. Il en ressort que l’essence de ce jour est d’être une préparation à la Rédemption. Du reste, la date même de ce jour y fait allusion, car 17 est la valeur numérique de « tov », « bon ».
Cela corrobore le commentaire que le Talmud donne sur la prophétie :
« Le jeûne du quatrième [mois]... sera pour la Maison de Judah joie et allégresse... » – Zakharie 8, 19
Comment peut-on appeler ces jours simultanément « jeûne » et « joie et allégresse » ? Lorsqu’il y a la paix, ils sont appelés « joie et allégresse », lorsqu’il n’y a pas de paix, ils sont appelés « jeûne ».5
Ce qui signifie qu'en temps d’exil (quand « il n’y a pas de paix »), on ne perçoit que l’aspect superficiel de ce jour, c’est-à-dire l’affliction. Cependant, lorsque viendra la Délivrance, l’essence véritable de ce jour qui est la joie et l’allégresse deviendra perceptible.
Ainsi, quand un jeûne tombe le Chabbat, c’est son essence positive et joyeuse qui se révèle, car le Chabbat est un jour propice, lié à la Délivrance messianique.6
Le repas du Chabbat : un avant-goût du festin de la Délivrance
Cette qualité particulière s’exprime essentiellement à travers le repas du Chabbat, car, à l’opposé de l’idée de jeûne, c’est un devoir de consommer des mets de qualité le jour du Chabbat.7
Lorsqu’un jeûne tombe le Chabbat, il convient d’abonder en nourriture et en boisson encore plus qu’un Chabbat habituel.Je dirai même que, pour exclure toute idée d’affliction le Chabbat, il convient d’abonder en nourriture et en boisson lorsqu’un jeûne tombe le Chabbat, encore plus qu’un Chabbat habituel.
Il y a, en cela, également une allusion à l’élévation absolue constituée par l’abrogation des jeûnes dans les temps futurs, quand aura lieu le festin que D.ieu donnera pour les Justes lors duquel on consommera la chair du Léviathan (poisson) et celle du Chor Habar (viande), et l’on boira le « vin préservé » (conservé en ses raisins depuis les six jours de la Création).8 Et, bien que les enseignements des maîtres ‘hassidiques abondent en explications de la symbolique mystique de ce festin, il n’en sera pas moins un festin matériel (car la pleine rétribution des temps futurs ne sera pas donnée au Jardin d’Éden, mais précisément dans notre monde matériel, à des âmes revêtues de leurs corps).
Et cela inclut aussi, en plus des trois repas du Chabbat, celui du Mélavé Malka, qui suit immédiatement le jour du Chabbat. Il convient donc d’y abonder également en nourriture plus que les autres samedis soirs, car ce repas est appelé « le repas de David, le roi Machia’h »9 et met en valeur le rapport à l’ère messianique lors de laquelle les jeûnes seront abrogés pour devenir des jours de fête.
Deux aspects de la Délivrance
En plus de la qualité inhérente aux Chabbats qui tombent à l’intérieur des « Trois Semaines » d’affliction, la présente année (5751 [1991], N.d.T) présente la qualité particulière que le début de cette période, le 17 Tamouz, tombe un Chabbat (tout comme sa conclusion, le 9 Av).
Il est expliqué dans la ‘Hassidout que ce sont les trois Chabbats qui tombent dans la période des Trois Semaines qui effectuent leur tikoun, leur « réparation » spirituelle. Or, cette réparation s'effectue différemment selon que le premier Chabbat marque le début de cette période ou non :
D'ordinaire, lorsque le premier jour des Trois Semaines est un jour de semaine, le Chabbat qui suit vient apporter une réparation analogue à un soin qui vient guérir une blessure ou une maladie préexistante. Dans ce cas, l’accent est mis sur l’aspect négatif des Trois Semaines, celui qu’il faut réparer.
La Délivrance comme « solution à l’exil » ou comme sujet en soi ?En revanche, lorsque le Chabbat intervient dès le début des Trois Semaines, l’accent est d’emblée mis sur l'aspect positif de cette période, sa nature profonde, qui est d’être une préparation à la Délivrance lors de laquelle elle sera transformée en période de joie et d’allégresse.
Ce concept apparaît, également, dans la paracha de Balak :
Il est notoire que les fêtes qui jalonnent l’année juive ont toujours une relation avec les parachiot des semaines dans lesquelles elles tombent. Or, les parachiot des Trois Semaines sont généralement Matot, Massei et Devarim. Et lorsque Matot et Massei sont jointes, le premier Chabbat est alors celui de la paracha Pin’has. De plus la paracha qui précède, Balak, ne tombe jamais à l’intérieur des Trois Semaines, mais, seulement à de rares occasions, le premier jour de cette période, le 17 Tamouz, dont le jeûne est alors repoussé au lendemain, comme nous l’avons vu.
La raison profonde à cela est que, bien que les deux parachiot Balak et Pin’has fassent référence à la Délivrance, elles présentent une différence entre elles : la Délivrance qui apparaît dans Pin’has, lue au coeur des Trois Semaines, intervient comme une réparation et un remède à l’exil qui s’exprime ces jours-là. En revanche, la Délivrance qui apparaît dans la paracha de Balak qui, pour être « plus élevée » que les jours d’affliction des Trois Semaines, les précède, ne met pas en valeur la réparation et la sortie de l’exil, mais fait référence à la Délivrance messianique dans sa plénitude, comme sujet en soi, auquel il conviendrait d’aspirer quand bien même il n’y aurait aucun exil.
Cela s’exprime dans les termes mêmes de la référence à la Rédemption qui apparaît dans notre paracha : la paracha de Balak ne fait aucune mention de l’exil.10 Bien au contraire, il y est fait référence aux élévations que connaîtra le peuple d’Israël, qui s’élèvera de degré en degré jusqu’à atteindre celui de la Rédemption :
« Ce peuple, il vit solitaire, il ne se confondra pas avec les nations », « Voyez ce peuple se lève comme une lionne... »11
Et ainsi de suite, jusqu’à la prophétie relative au Machia’h :
« Je le vois, mais ce n’est pas encore l’heure, je le distingue, mais il n’est pas proche ; une étoile a jailli de Jacob et un sceptre se dressera d’Israël... »12
L’accent sur le côté positif des « Trois Semaines » dans les générations récentes
De même que le fait que le 17 Tamouz tombe un Chabbat met en valeur l'aspect positif que recèle ce jour, comme nous l’avons expliqué plus haut, il en va de même pour l’ensemble des Trois Semaines au cours des toutes dernières générations : à mesure que nous approchons de la Délivrance, la perception de la destruction du Temple et de l’exil liée à ces jours diminue et on entrevoit de plus en plus leur véritable essence, la Rédemption.
Cela est encore plus perceptible dans notre génération, car elle est marquée par un « ‘hidouch », un élément nouveau : si de tous temps, le mois de Tamouz fut évocateur de malheurs, dans notre génération en revanche, ce mois a été marqué par la révélation d’une source de joie et de délivrance, à savoir la libération de mon beau-père le Rabbi, Nassi (chef) de notre génération, le 12 et 13 Tamouz.13 Cette libération constitua une délivrance pour l’ensemble du peuple juif, comme il l’écrivit lui-même dans sa célèbre lettre :
« Ce n’est pas moi uniquement que D.ieu à délivré le 12 Tamouz, mais tous ceux qui aiment notre sainte Torah, ceux qui observent les Mitsvot, et également toute personne désignée par le nom d’Israël. »14
En particulier quand on sait que cette libération amorça l’étape finale de la « diffusion des sources de la ‘Hassidout à l’extérieur », lors de laquelle celle-ci atteint sa plénitude et qui constitue la toute dernière préparation à la Délivrance.
La raison de l’apparition de cet « élément nouveau » dans notre génération est que, d’après tous les signes donnés par nos Sages, nous sommes actuellement au seuil de la venue du Machia’h et ainsi, même quand arrive le moment de commémorer la destruction du Temple et l’exil, l’accent est mis sur le côté positif, le bien profond qu'il recèle : la préparation à la Délivrance.
Aujourd’hui
Si ceci était valable à l’époque de la libération du Rabbi précédent, aujourd’hui, après que nous ayons passé tant de temps à parfaire notre travail en exil, il ne fait pas le moindre doute que le temps de la Délivrance est déjà arrivé. Et selon l'expression de nos Sages : « Toutes les échéances (données pour la venue de Machia’h) sont déjà révolues. »15 Et la condition de Techouva (le retour à D.ieu) (comme le stipule ensuite le Talmud : « La Délivrance ne dépend plus que de la Techouva ») a déjà été pleinement réalisée, y compris l'idée évoquée dans le Zohar, selon laquelle « Machia’h vient faire faire Techouva aux Tsadikim »,16 par l’étincelle de Machia’h présente en chacun de nous.17
Dès lors, il est certain que le 17 Tamouz (qui tombe un Chabbat) et dans l’ensemble des Trois Semaines ces temps -ci, l’accent est mis sur l'idée de Délivrance, et plus sur le fait que ces jours sont une préparation à la Délivrance, mais sur la foi que la Délivrance vient véritablement ce Chabbat-ci, avant même le début des Trois Semaines qui deviendront donc de fait des jours de joie et de fête.
Un rajout dans l’étude des sujets liés au Machia’h et à la Délivrance
De tout ce qui précède, il ressort qu’il doit y avoir, cette année, un regain particulier dans un domaine lié à la période actuelle : l’étude des lois relatives à l’édification du Temple, compilées et tranchées par Maïmonide, selon la coutume répandue depuis plusieurs années. Cette coutume est basée sur le Midrache qui enseigne que, à travers l’étude de ces lois, on accomplit le Commandement de construire le Temple, car D.ieu a dit au prophète Ézéchiel :
« Du fait que Mes enfants se trouvent en exil, la construction de Mon Temple devrait être délaissée ?... La lecture de sa construction dans la Torah est aussi grande que sa construction elle-même. Va et dis-leur de s’occuper à lire la forme du Temple dans la Torah et en récompense, Je leur accorderais le même mérite que s’ils s’étaient affairés à sa construction. »18
Ainsi, puisque nous nous tenons au seuil de la Rédemption qui est amenée à se concrétiser de façon imminente, il est évident que l’étude des lois relatives au Temple cette année doit s'effectuer d’une façon radicalement différente :
Il faut commencer à « vivre » l’ère messianique en étudiant ce sujet dans la TorahIl s’agit pas d’étudier dans le but de réparer le manque issu de la destruction du Temple, mais d’exprimer son désir ardent d’accéder à la qualité et à la perfection du troisième Temple, dont il est dit : « Plus grande sera la splendeur de ce dernier Temple que celle du premier »,19 une grandeur qu'on ne connut jamais (ni dans le second Temple, ni dans le premier, ni dans le Tabernacle fait par Moïse), et n’a donc pas été susceptible d'être détruite et viendra parfaire la qualité du Tabernacle, et celle du premier et du second Temple.
En outre, cette étude doit se faire avec une conscience empreinte d’une certitude absolue qu’il ne s’agit pas de « Hilkheta leMechi’ha », une étude qui ne se verra concrétisée que dans le monde futur, mais d’une loi qui sera concrètement applicable dans l’instant même qui suivra, car « le Sanctuaire que nous attendons est (déjà) construit (en Haut), et (immédiatement) il se dévoilera et descendra du ciel »,20 en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire !
Ceci corrobore ce qui a été dit récemment21 au sujet du regain tout particulier dans l’étude de la Torah dans les sujets de la Rédemption et du Machia’h, dont l’objectif n’est pas (seulement) d’accélérer et de rapprocher la venue de Machia’h et la délivrance, mais essentiellement de commencer à « vivre » avec les concepts de Machia’h et de la délivrance, « vivre avec le temps » de l’ère messianique, par le fait que l’esprit est rempli et pénétré de la compréhension de ces sujets tels qu’ils apparaissent dans la Torah. L’esprit le relaie ensuite au cœur qui en est pénétré émotionnellement pour aboutir à une conduite – décliné dans les trois dimensions de la pensée, la parole et l’action – appropriée à cette époque spécifique, dans laquelle nous nous tenons au seuil de la Rédemption.
Dépasser le voile tendu sur la divinité
Il y a lieu de s’étendre sur la nécessité et la vertu d’étudier la Torah dans les sujets traitant du Machia’h, de la délivrance et de la construction du troisième Temple comme moyen d'entrer dans l’ère messianique :
Bien que le Talmud ait enseigné que le Machia’h viendra « à notre insu »,22 cela ne contrindique nullement une réflexion approfondie au sujet du Machia’h et de la Délivrance [et, au premier chef, la prise de conscience du fait que nous nous tenons déjà au seuil de l’ère du Machia’h, car toutes les échéances ont été dépassées et l’on a déjà fait Techouva et tous les aspects du service divin ont été parfaitement parachevés comme nous l’avons dit plus haut]. En effet, « à notre insu » signifie ici « qui est au-delà de notre conscience »,23 ce qui signifie qu’après avoir pénétré notre conscience (grâce à la réflexion et l’approfondissement, etc.), ce sujet transcende et dépasse notre conscience.
La Torah a le pouvoir de transformer la nature de l’hommeOr, malgré le « shtourem », le « vacarme » que l’on fait à ce propos ces derniers temps, alors que nous avons vu de grands bouleversements qui témoignent de l’évolution du monde dans le sens de l’avènement messianique,24 nous voyons qu’il demeure difficile d’inculquer la conscience et le sentiment que nous nous tenons véritablement au seuil de l’ère messianique au point que les gens commencent à « vivre » avec les sujets du Machia’h et de la Délivrance...
La raison en est que l’intervention divine reste dissimulée au sein des événements prodigieux dont nous avons été témoins.
Le seul recours est l’étude de la Torah dans les sujets du Machia’h et de la Délivrance, car la Torah (qui est la sagesse de D.ieu qui transcende ce monde) a le pouvoir de transformer la nature de l’homme. En effet, quand bien même un homme ressentirait qu’il est encore – à D.ieu ne plaise – à l’extérieur du sujet de la Rédemption (parce qu’il n’a pas encore quitté son exil intérieur), grâce à l’étude du sujet de la Délivrance dans la Torah, il s’élèvera à une condition de Délivrance et commencera à vivre ce sujet, en ayant conscience et en ressentant que le Machia’h arrive.
Adapté du discours du Rabbi
du Chabbat Balak, 17 (« Tov ») Tamouz 5751 (1991)
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