La Michna énumère cinq événements tragiques qui se sont produits le 17 Tamouz, jour de jeûne institué par les prophètes et les sages :
Le 17 Tamouz, les tables furent brisées, le sacrifice perpétuel fut interrompu, les murailles de Jérusalem furent percées, Apostomos brûla [le rouleau de] la Torah et plaça une idole dans le Sanctuaire.1
Alors que la plupart de ces événements tragiques sont bien connus de l’histoire juive, il est très peu fait mention de l’identité d’Apostomos. Quand a-t-il vécu et quand exactement a-t-il brûlé le rouleau de la Torah ? Est-il également celui qui a placé l’idole dans le Temple, ce qui est listé comme l’élément suivant dans la Michna ?
Ce qui nous laisse peut-être tout aussi perplexes, c’est que, tout au long de la longue et parfois amère histoire du peuple juif, il ne fut malheureusement pas rare que les oppresseurs de notre peuple brûlent un rouleau de la Torah. Qu’est-ce qui rend cet événement tragique unique au point d’être l’une des raisons du jeûne du 17 Tamouz ?
Le Talmud de Babylone ne semble pas apporter beaucoup de lumière sur cet incident. Commentant la source de cette affirmation dans la Michna, le Talmud déclare simplement que « c’était une tradition » qu’Apostomos ait brûlé la Torah.2
Grec ou Romain ?
Selon certaines opinions, Apostomos était un général ou un officier grec.3 Cela situerait cet incident durant la période hasmonéenne du Second Temple. Selon d’autres, il était un officier romain,4 ce qui situe l’incident vers la fin du Second Temple ou même peu après la destruction du Temple.
Le rouleau de Moïse
En plus des différentes opinions concernant l’identité d’Apostomos, il existe différentes opinions quant au rouleau de la Torah qui fut brûlé. Certains tentent de faire correspondre cet incident avec d’autres cas rapportés de destruction de rouleaux de la Torah, ce qui pourrait apporter un éclairage supplémentaire sur l’identité d’Apostomos.
Certains commentaires affirment que le rouleau (ou les rouleaux, voir plus loin) brûlé par le général grec était en fait le rouleau de la Torah trouvé par le grand prêtre ‘Hilkiyahou sous le règne du roi Josias, lors de rénovations effectuées dans le Premier Temple. Certains commentaires expliquent que le rouleau trouvé par ‘Hilkiyahou était en fait l’un des rouleaux originaux de la Torah écrits par Moïse lui-même.5
Nombreux sont ceux6 qui remettent en question cette affirmation, notant que, selon toute probabilité, le rouleau fut caché avec l’Arche d’Alliance vers la fin de la période du Premier Temple. Comme le dit le Talmud, « les œuvres de Moïse sont éternelles et n’ont pas été détruites ». De plus, ce parchemin aurait dû survivre à l’exil babylonien.
Le rouleau d’Ezra
Certains identifient le rouleau brûlé à la Torah écrite par Ezra le Scribe au début de l’ère du Second Temple. Il s’agissait du rouleau de la Torah faisant le plus autorité et il était utilisé pour copier et vérifier l’exactitude de tous les autres rouleaux de la Torah.7 Selon certains, la destruction de ce rouleau a peut-être eu lieu au cours d’une campagne visant à brûler et à éradiquer tous les rouleaux de la Torah qui étaient trouvés.8
Certains disent9 que la destruction par le feu des rouleaux de la Torah eut lieu au cours du règne d’Antiochus Épiphane (de l’histoire de ‘Hanouka), ou que celui-ci fut lui-même Apostomos, car les Grecs brûlèrent les rouleaux de la Torah pendant leur persécution des Juifs.10
Avec Rabbi ‘Hanina ben Teradyone
Rabbi ‘Hanina ben Teradyone fut l’un des dix martyrs brutalement assassinés par les Romains. Le Talmud11 raconte que, pendant les persécutions d’Hadrien, les Romains enroulèrent un rouleau de Torah autour de Rabbi ‘Hanina ben Teradyone, l’un des grands rabbins de son temps, et le brûlèrent vif en plaçant des touffes de laine trempées dans l’eau sur son cœur afin qu’il meure d’une mort lente et douloureuse. Certains pensent que c’est la destruction de ce rouleau de Torah qui est mentionnée dans la Michna.
La difficulté de cette explication réside dans le fait que l’ouvrage de l’époque talmudique Meguilat Taanit mentionne l’assassinat de Rabbi ‘Hanina sur le bûcher comme un incident distinct qui se produisit le 27 Sivan.12
Un officier romain
Certains identifient cet incident avec le récit de Flavius Josèphe : aux alentours de l’an 50, un officier romain s’empara d’un rouleau de la Torah qu’il brûla en public en prononçant des paroles injurieuses et moqueuses.13 Cet incident faillit provoquer une révolution, mais le procurateur romain Cumanus apaisa la population en faisant décapiter l’officier romain.14
Où cela eut-il lieu ?
Le Talmud de Jérusalem15 cite deux opinions sur le lieu où Apostomos brûla le rouleau de la Torah. Selon l’une d’entre elles, cela se passa au col étroit de Lod (Lydda), et selon d’autres, au col étroit de Tarlosa.
Certains considèrent que le fait que cela ait eu lieu à Lod conforte les deux dernières opinions, car ces incidents auraient eu lieu dans cette région.16
A-t-il également placé une idole dans le temple ?
Un autre indice possible quant à l’identité d’Apostomos est un débat que nous trouvons dans le Talmud de Jérusalem17 sur la façon dont il faut lire la partie suivante de la Michna : « ... et plaça une idole dans le Sanctuaire ».
Selon une tradition, il s’agit d’une continuation de l’affirmation précédente, et il faut lire « et il – c’est-à-dire Apostomos – plaça une idole dans le Sanctuaire ».
Cela conforterait les opinions selon lesquelles Apostomos était grec et que sa destruction du rouleau eut lieu pendant la période du Second Temple, à une époque où le Temple était profané.
Cependant, selon l’autre opinion du Talmud de Jérusalem, cette phrase doit être lue comme une affirmation séparée, et le placement de l’idole dans le sanctuaire eut lieu pendant la période du Premier Temple et fut le fait du roi Menaché, fils du roi ‘Hizkiyah (Ézéchias).
Il découle de cette dernière opinion que l’incident d’Apostomos brûlant le rouleau de la Torah n’a pas nécessairement été lié à la profanation du Second Temple et a pu être le fait des Romains à une époque ultérieure.
L’importance historique du brûlement du rouleau de la Torah
Comme nous l’avons noté, les commentaires s’interrogent sur l’importance de l’événement du brûlement du rouleau de la Torah par Apostomos, au point de le placer sur le même plan que d’autres tragédies nationales.
S’il s’agissait effectivement du rouleau d’Ezra ou si cet acte avait été commis au cours d’une campagne de destruction et d’éradication de tous les rouleaux de la Torah, cela expliquerait pourquoi il est cité comme l’un des cinq événements tragiques du 17 Tamouz. Et si nous disons, comme certains le font, que c’était la première fois qu’un rouleau de la Torah fut brûlé délibérément et publiquement, ouvrant la porte aux fois suivantes, cela peut aussi aider à expliquer l’importance de cet événement.18 Cependant, d’autres expliquent que ce rouleau de la Torah n’avait rien de particulier par rapport aux autres. Dans ce cas pourquoi cet incident se distingue-t-il des autres ?
Toutefois, cela même, expliquent les commentaires, est l’idée enseignée par la Michna : chaque rouleau de la Torah est inestimable pour le peuple juif, car la Torah est notre vie et notre identité. Ainsi, la destruction d’un seul rouleau de la Torah, tout « ordinaire » qu’il soit, est du même niveau que ces événements nationaux cataclysmiques.19
Puissions-nous mériter l’accomplissement de la prophétie selon laquelle ces jours seront finalement transformés en jours de joie et d’allégresse avec la venue de Machia’h, puisse-t-elle advenir rapidement de nos jours !20
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