Bien que Rabbi Joseph Albo appartienne à la lignée des auteurs les plus illustres de l'époque espagnole, nous possédons peu de détails sur sa vie. On a tout lieu de croire qu'il naquit aux environs de l'année 5150 (il y a de cela plus de 600 ans), dans une petite ville d'Aragon appelée Monréal, en Espagne. Il devait être d'une famille aisée ; il reçut une excellente éducation juive, à l'instar des meilleurs jeunes érudits de son temps. Il fut l'élève du grand philosophe juif Rabbi ‘Hasdaï Crescas et acquit une profonde connaissance de tous les travaux d'érudition de son époque.
Rabbi Joseph Albo avait le don de la parole. Aussi prêcha-t-il, voyageant de ville en ville, dans le but d'encourager ses frères à rester fidèles à la Torah. En ce temps-là, de nombreux missionnaires catholiques essayaient de répandre leurs croyances et tâchaient d'amener les Juifs à se convertir à leur foi. Les sermons de Rabbi Albo, sincères et émouvants, eurent une grande part dans l'effort en vue de contrecarrer les influences non-juives qui constituaient une menace constante, d'autant plus que la situation économique des Juifs empirait de jour en jour.
Bientôt Rabbi Albo était choisi pour faire partie des vingt représentants juifs qui furent élus pour défendre leur foi à la fameuse Dispute de Tortosa.
Ce débat fut organisé par un noble espagnol, Benoît XIII, qui avait été proclamé chef de l'Église par les adversaires du Pape à Rome. C'était un homme intolérant et implacable, qui jouissait d'une très grande influence auprès des cours d'Espagne, et particulièrement celle d'Aragon.
En fait, les vrais promoteurs de cette Dispute étaient Paulos de Burgos et Geronimo de Santa Fé, tous deux nés juifs, mais ayant abjuré leur foi pour l'amour de la puissance et des richesses, et qui se proclamaient de fidèles et fervents catholiques. Geronimo avait étudié le Talmud et se disait une autorité en la matière. Il était le conseiller religieux personnel de Benoît. Faisant croire qu'il désirait prouver sa loyauté envers l'Église, mais en réalité ne souhaitant rien d'autre que de nuire au peuple dont il s'était détaché, il avait persuadé son maître d'organiser ce débat public avec les érudits juifs qui avaient la direction de la pensée juive. Il promit de prouver que le Talmud était le livre du mal et que la foi juive était basée sur la fausseté. Un moine dominicain non moins fanatique nommé Vincent Ferrer se joignit à lui avec enthousiasme.
Un tel débat en ce temps-là, équivalait à une insulte publique aux représentants juifs et à leurs croyances. Mais que pouvaient-ils faire d'autre que d'accepter le défi ?
Vingt érudits furent choisis par les Juifs pour défendre leur foi. À leur tête se trouvait le Grand Rabbin de Saragosse, le Nassi Vidal Benveniste, Rabbi Astrouch Halévy, Rabbi Zérakh, et enfin – et il n'était pas le moindre – Rabbi Joseph Albo. Ces quatre hommes étaient réputés pour leur profonde érudition comme pour leur grande sagesse, ils prièrent D.ieu de les assister dans cette tâche à la fois si délicate et si difficile.
La Dispute s'ouvrit le 7 février 1413 à Tortosa et elle dura sept mois. Soixante-dix cardinaux et archevêques et d'autres hauts dignitaires de l'Église assistaient à l'ouverture. Ils étaient entourés de toute la pompe et la gloire qui convenaient à leur haut rang. Il y avait en outre un millier de personnalités officielles et d'invités, ne nourrissant, ni les unes ni les autres, aucun sentiment amical pour les Juifs en général ni pour fa délégation qui venait défendre une cause qui paraissait « sans espoir ».
Le discours d'ouverture fut prononcé par Benoît XIII. Il y déclara qu'une discussion était inutile quant à savoir quelle était la vraie religion. Tout ce qu'on demandait aux Juifs, c'était de répondre aux arguments de Geronimo « basés » sur les Saintes Écritures. Peu après, les Juifs étaient humiliés par Geronimo lui-même dont le discours contenait des menaces non voilées : « Il serait prudent pour eux de céder, sinon... » D'autres menaces moins explicites, mais aussi claires suivirent.
En dépit de cette conjuration en règle, la délégation juive eut le courage de renverser les plans de Benoît et de ses hommes. L'argumentation s'étira interminablement et souvent éclata en débats orageux. La plupart des délégués juifs eurent constamment le souci de garder une attitude pleine de dignité et de calme à l'égard de leurs véhéments contradicteurs ; néanmoins, Rabbi Albo usa souvent d'un langage non dénué de force dans ses protestations contre les insultes et les fausses accusations lancées par les adversaires. Il devint le porte-parole de la délégation juive. Il affirmait sa foi avec tant de conviction et de clarté qu'il réduisait à néant tout argument avancé par le traître Geronimo et par Benoît lui-même.
Dans leurs efforts répétés pour troubler et provoquer la délégation juive, ses ennemis allèrent jusqu'à faire paraître dans la salle de la Dispute des centaines de malheureux juifs qui, sous les yeux de leurs chefs, témoignèrent de la sincérité de leur conversion à la foi de l'Église. Inutile d'ajouter qu'ils y avaient été amenés par la contrainte ou la corruption. À un moment, Benoît et ses acolytes répandirent des rumeurs selon lesquelles quelques-uns des chefs mêmes de la délégation s'étaient convertis. Pourtant, en dépit de ces basses ruses, Benoît devait voir tous ses plans échouer. Le comportement des Juifs fut toujours empreint de dignité et ils réussirent à détruire tous les arguments accumulés contre eux. Benoît finit par y perdre la face et bientôt le tout-puissant Concile de Constance le dénonça comme « une branche pourrie de l'Église et qu'il fallait couper ».
Ainsi prit fin la longue et pénible Dispute de Tortosa. La tentative d'anéantir la foi juive échoua, mais le sentiment de haine contre les Juifs s'en trouva attisé.
Il en résulta cependant quelque bien. Car cela amena Rabbi Albo à penser aux méthodes de défense du Judaïsme, à formuler les principes de base de la foi juive et à renforcer la confiance en D.ieu, en la Torah et en la rédemption d'Israël par l'intermédiaire du Juste Messie.
C'est en s'appuyant sur ces idées que Rabbi Joseph Albo écrivit son livre fameux « Sefer Ha-Ikarim », le livre des Principes, qui a sa place parmi les écrits juifs les plus remarquables de tous les temps.
Il se compose de quatre parties dont la première fut publiée seule, aussitôt écrite.
Elle fut accueillie avec une telle faveur que Rabbi Joseph Albo lui ajouta trois autres parties dans le but de donner à son œuvre le développement qu'elle méritait.
Les principes fondamentaux de son livre sont la croyance en D.ieu, la croyance en la Torah donnée par D.ieu sur le mont Sinaï, et la croyance en la récompense et le châtiment divins. Mais le but final de la religion se trouve dans la pratique quotidienne des mitsvot qui sont, de loin, plus importantes que toutes les pensées philosophiques.
Le « Sefer Ha-Ikarim » fut un des premiers ouvrages à être imprimé sur la fameuse presse Soncino en Italie, en 1485. Cela suffit à montrer combien la demande en était grande. Depuis, il n'a pas cessé d'exercer son attirance sur les masses pensantes juives et est, maintenant plus que jamais, l'une des sources les plus fécondes et les plus vives de piété et de foi en les vérités du Judaïsme de la Torah.
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