Dates et horaire du jeûne
1. Le 13 Adar (veille de Pourim) qui commémore le combat que les Juifs durent livrer contre leurs ennemis, il est coutume de jeûner. Ce jeûne porte le nom de « Jeûne d’Esther ».
2. Lorsque le 13 Adar tombe Chabbat (Pourim tombe alors dimanche), le jeûne est différé au jeudi (11 Adar) qui précède. Ce choix est dicté par le fait qu’il ne convient pas de reporter le jeûne à la veille (vendredi 12 Adar) par égard à l’honneur du Chabbat. De même, il n’est pas possible de le reporter au lendemain (comme dans le cas des autres jeûnes qui tombent Chabbat) puisque le dimanche 14 Adar est le jour de Pourim.
3. L’obligation de jeûner ne commence qu’à l’aube (« alot hacha’har »), et non pas depuis la veille, et se termine à la tombée de la nuit (apparition des étoiles). Il faudra consulter à ce sujet le calendrier.
4. Il est permis de se lever avant l’aube pour déjeuner, à condition d’avoir eu l’intention de le faire avant d’aller se coucher. En l’absence d’une telle intention, l’acceptation du jeûne se ferait tacitement au moment d’aller se coucher. Telle est la Halakha pour les Séfaradim.
5. Pour les Ashkenazim (et selon la coutume ‘Habad), il serait néanmoins permis de boire dans un tel cas. Selon eux, l’habitude générale de se lever dans la nuit pour boire après le repas constitue une intention implicite. Il est toutefois préférable que cette intention soit explicitement exprimée.
6. Pour les hommes, à cause de l’obligation qu’ils ont de faire la lecture du Chéma à partir de l’aube (« alot hacha’har »), il ne sera pas permis de commencer un repas avec du pain dans la demi-heure qui précède. Un tel repas qui comprendrait au moins un kabeitzah de pain (environ 60 g) doit donc commencer une demi-heure avant le début du jeûne.
7. Lorsque le jeûne a lieu le 13 Adar, il n’est pas permis de commencer à manger avant d’avoir écouté la lecture de la Méguila, le soir de Pourim. Les Sages ont ainsi prolongé l’interdiction de manger de crainte d’en venir à oublier la lecture de la Méguila. En cas de grande nécessité (une personne âgée par exemple, pour qui le prolongement du jeûne est difficile), il sera cependant permis de manger ou de boire en quantité inférieure à un kabeitzah (en. 60 g).
Le devoir de jeûner
8. Certains décisionnaires pensent que le Jeûne d’Esther revêt une gravité plus grande que les autres jeûnes1 dans la mesure où il fait partie des obligations mentionnées dans la Méguila (« Divreï Kabalah »). Il est ainsi observé, selon cet avis, en souvenir des trois jours de jeûne décrétés par la Reine Esther, d’où le nom de Jeûne d’Esther.
9. Selon eux, les femmes enceintes (à partir de la fin du troisième mois) et les femmes dans les 24 mois qui suivent leur accouchement (même si elles n’ont pas allaité), sont tenues de jeûner, contrairement aux autres jeûnes (à l’exception du jeûne du 9 Av et celui de Kippour), pour lesquels elles n’ont pas l’obligation de jeûner (la coutume étant néanmoins de jeûner lorsqu’elles ne sont pas souffrantes).
10. Selon cette opinion, elles ont toutefois la possibilité, lorsqu’elles sont souffrantes, de reporter le jeûne à une date ultérieure, étant donné que le jeûne décrété par Esther (trois jours consécutifs) a lui-même eu lieu au mois de Nissan. Le choix du 13 Adar (veille de Pourim) n’a donc été fait qu’à titre préférentiel.
11. À l’opposé, la majorité des décisionnaires est d’avis que ce jeûne n’est pas en relation avec le jeûne décrété par Esther. Certains considèrent qu’il s’agit d’un jeûne institué par les Sages en souvenir du jour du 13 Adar lorsque les Juifs, implorant la miséricorde divine pour avoir le dessus sur leurs ennemis, observèrent eux-mêmes un jour de jeûne. Dans ce contexte, l’appellation « Jeûne d’Esther » pourrait trouver une explication dans le fait que les Juifs aient choisi de jeûner le 13 Adar, tout en sachant que cela aurait pu les affaiblir dans le combat contre leurs ennemis, à l’instar d’Esther qui a préféré jeûner alors qu’elle devait chercher à trouver grâce aux yeux du roi.
12. Selon cette deuxième opinion, ce jeûne ne comporte pas plus de gravité que les autres jeûnes. Il y a donc lieu de permettre aux catégories de femmes mentionnées plus haut de s’abstenir de jeûner si cela leur est très pénible (tout comme pour les autres jeûnes).
13. D’autres décisionnaires considèrent ce jeûne comme une coutume qui a été instaurée en souvenir du combat qu’ont livré les Juifs le jour du 13 Adar, bien qu’eux-mêmes n’aient pas observé le jeûne en raison de la bataille. L’appellation « Jeûne d’Esther » trouve alors son explication dans le fait que seule Esther, qui ne tombait pas sous le coup du décret d’Haman, avait observé le jeûne ce jour-là.
14. En pratique, de nos jours, l’opinion généralement admise est de considérer ce jeûne comme une coutume, conformément au troisième avis cité ci-dessus. À ce titre, le « Jeûne d’Esther » bénéfice de certains allégements quant à l’obligation de jeûner.
15. Les femmes enceintes (à partir de la fin du troisième mois) et les femmes dans les 24 mois qui suivent un accouchement (même si elles n’ont pas allaité) ne sont pas tenues de jeûner. De même, une personne faible ou légèrement souffrante peut être exemptée (après avoir obtenu l’accord d’une autorité rabbinique).
16. Les jeunes mariés, dans les sept jours de réjouissances qui suivent leur mariage, ne sont pas tenus de jeûner. Ils n’auront par ailleurs pas l’obligation de remplacer ce jeûne par un autre jour (de même que toutes les personnes qui sont exemptées du jeûne).
17. Toutefois, les personnes en bonne santé, même si elles se trouvent en voyage et que le jeûne leur est pénible, devront s’astreindre à jeûner. De même, il faut, à titre éducatif, initier les enfants à jeûner quelque temps avant l’âge de Bar Mitsva (ou Bat Mitsva).
Brith Milah le jour du jeûne
18. Lorsqu’une Brith Milah (circoncision) a lieu le jour du Jeûne d’Esther certains permettent au père de l’enfant au Mohel et au « Sandak »,2 pour qui c’est un jour de fête, de ne pas jeûner (tout au moins après la cérémonie).
19. Lorsqu’il s’agit du Jeûne d’Esther qui est devancé au jeudi 11 Adar, tous sont d’accord qu’il est permis à ces trois personnes de ne pas jeûner.
20. Dans ce dernier cas, certains décisionnaires permettent même aux convives de prendre part à la Séoudat mitsva (repas servi en l’honneur de la circoncision), à condition d’observer le jeûne le lendemain (vendredi 12 Adar). Cet avis s’appuie sur la première opinion citée précédemment qui soutient que le Jeûne d’Esther peut être reporté en cas de nécessité. Il a cependant déjà été dit que cette opinion n’est pas celle qui est suivie.
« Anénou » récité par les fidèles
21. Les jours de jeûne collectif tel que le Jeûne d’Esther, le passage Anénou doit être incorporé dans la prière de la Amida, à la 16ème bénédiction (« Choméa tefilah »). Dans ce passage nous invoquons la Miséricorde divine en ce jour de jeûne que nous observons.
22. La coutume chez les Ashkenazim et ‘Habad est de ne pas mentionner ce passage à l’office du matin, de crainte de devoir interrompe le jeûne (pour des raisons de santé) après avoir déclaré dans ce passage que nous jeûnons. À l’office de l’après-midi, ce passage peut être récité sans crainte, puisqu’un jeûne partiel (d’une demi-journée) aura déjà été observé.
23. Chez les Séfaradim, la coutume est néanmoins de le réciter dès l’office du matin. Selon eux la mention du jeûne qui est faite dans ce passage peut se rapporter au jeûne observé par l’ensemble de la communauté en ce jour (même si lui-même ne complétera pas le jeûne).
24. En cas d’oubli, il sera possible de reprendre avant d’avoir fait la mention du Nom de D.ieu à la conclusion de cette bénédiction (« Choméa téfilah »). Au-delà, il n’y a pas lieu de reprendre. Il suffira de réciter ce passage à la fin de la Amida, avant le second « Yéhi ratsone ».
« Anénou » récité par l’officiant
25. Lors de la répétition de la Amida (aux offices du matin et de l’après-midi), l’officiant doit également mentionner ce passage. Dans son cas, ce passage prend la forme d’une bénédiction qui se conclut par « Baroukh... haoné léamo Israël bé-ète tsarah ». Cette bénédiction doit être intercalée entre la 7ère bénédiction (« Goël Israël ») et la 8ème bénédiction (« Rofé ‘holé amo Israël »).
26. En cas d’oubli, il sera possible de reprendre, tant que la mention du Nom de D.ieu à la conclusion de la 8ème bénédiction n’a pas été faite.
27. Au-delà, ce passage devra être repris par l’officiant à la 16ème bénédiction (« Choméa téfilah »), sous la même forme qu’il a été récité par les fidèles (sans dire « haoné léamo Israël bé’ète tsarah »).
Chez ‘Habad et dans de nombreuses communautés la forme de bénédiction est conservée, et doit être combinée à la bénédiction « Choméa téfilah » sous la forme : « Baroukh... haoné léamo Israël bé-ète tsarah ve-choméa téfilah ».
28. Si l’oubli s’est prolongé au-delà, l’officiant devra reprendre ce passage à la fin de la dernière bénédiction de la Amida qui conclut par « Hamévarekh èt amo Israël bachalom ». Chez ‘Habad la forme de bénédiction est encore maintenue dans ce cas.
29. En outre, cette bénédiction ne peut être récitée lors de la répétition de la Amida qu’on présence de 10 fidèles qui jeûnent ; telle est la coutume séfarade. Selon d’autres avis, la présence de 6 ou de 7 fidèles qui jeûnent est requise. Chez ‘Habad cette bénédiction est récitée en présence d’au moins 3 personnes qui jeûnent et de 7 autres qui ont mangé (à cause de leur état de santé) de manière « permissible » (en quantité faible et à intervalles espacés, selon les prescriptions de la Halakha).
30. De même l’officiant devra lui-même observer le jeûne pour être autorisé à officier. Dans le cas contraire (s’il est le seul à savoir officier), il ne lui sera pas permis de réciter le passage Anénou sous forme de bénédiction. Il devra le mentionner à la bénédiction de « Choméa téfilah » sous la même forme qu’il a été dit par les fidèles dans la Amida à voix basse. Il devra de plus modifier la formule : « Béyom tsom taaniténou » (en notre jour de jeûne) par : « Béyom tsom hataanite » (en ce jour de jeûne).
La lecture de la Torah
31. À l’occasion du jeûne, quel que soit le jour de la semaine, une lecture publique de la Torah est faite aux offices du matin et de l’après-midi. Cette lecture qui commence par les mots « Vayé’hal Moché » traite du pardon de la faute du Veau d’Or obtenu par Moïse.
32. Ces lectures ne peuvent avoir lieu qu’avec la participation d’au moins trois personnes qui observent le jeûne ; telle est la coutume chez ‘Habad. Dans d’autres communautés, la présence d’au moins six de ces personnes est exigée.
33. Trois personnes sont appelées à cette occasion. Seules les personnes qui observent le jeûne devront être appelées à cette lecture qui se fait en raison du jeûne.
34. Cependant, s’il arrive que quelqu’un qui ne jeûne pas ait été appelé à la lecture de l’office du matin, il sera autorisé à « monter » lorsque le jeûne a lieu un lundi ou un jeudi (puisque ces jours sont normalement des « jours de lecture »).
35. Si par contre, il a été appelé à l’office du matin un autre jour de la semaine, ou à l’office de l’après-midi quel que soit le jour de la semaine (dans ces cas la lecture se fait seulement à cause du jeûne), les avis sont partagés pour savoir s’il est autorisé à « monter ». Il devra donc veiller à ne pas être appelé. Si toutefois il est appelé et qu’il se trouve gêné (en raison de son statut religieux) d’avouer qu’il ne jeûne pas, il pourra accepter de « monter » en accord avec l’avis de ceux que le permettent.
36. Chez les Ashkenazim et ‘Habad on a coutume de lire une Haftarah (réservée aux jours de jeûne) à l’issue de la lecture de la Torah à l’office de Min’ha. C’est le troisième appelé (qui est dans ce cas le Maftir) qui fait la lecture de la Haftarah accompagnée des bénédictions appropriées.
37. Lors de la lecture de la Torah le jour de jeûne, il est coutume chez les Ashkénazim et ‘Habad que les fidèles disent à voix haute certains passages de cette lecture, qui sont ensuite repris par l’officiant.
38. À l’office de Min’ha, le jour de jeûne, la bénédiction des Cohanim doit être récitée par l’officiant lors de la répétition de la Amida, alors que celle-ci est généralement omise à cet office.
39. Le jour du « Jeûne d’Esther » qui a lieu la veille de Pourim (lorsque le jeûne n’est pas anticipé), les supplications quotidiennes (« ta’hanoun ») ne sont pas récitées à l’office de Min’ha en raison de la fête de Pourim qui commence dans la soirée.
Le « Ma’hatsit HaChékel »
40. En souvenir du « Ma’hatsit HaChékel » (Demi-Sicle) qui était jadis prélevé au mois d’Adar (voir chapitre 2), on a coutume de faire un don symbolique à la Tsédaka avant Pourim. Selon l’enseignement de nos Sages, ce fut grâce au mérite de la mitsva du « Ma’hatsit HaChékel » que les sombres projets d’Haman purent avorter.
41. Chez ‘Habad on a coutume de le faire le jour du Jeûne d’Esther, avant l’office de Min'ha, même lorsque le jeûne est devancé. Dans d’autres communautés, on a coutume de le faire le soir de Pourim, avant la lecture de la Méguila. En cas d’oubli, il est possible de le faire le matin de Pourim, avant la lecture de la Méguila, comme c’est la coutume dans certaines communautés.
42. En souvenir de ce « Demi-Sicle », on a coutume de donner une pièce dont la valeur est la moitié de la monnaie locale. La coutume la plus répandue est de donner pour le « Ma’hatsit HaChékel » trois de ces pièces, en souvenir des trois offrandes que les Juifs apportèrent à Moïse pour la construction du « Michkane » (Sanctuaire) dans le désert.
43. Dans certaines communautés, la coutume veut que seuls ceux qui étaient tenus de donner le « Ma’hatsit HaChékel » à l’époque du Temple fassent cette donation. Il s’agit des hommes âgés de vingt ans et plus. Certains pensent qu’à partir de treize ans, les garçons étaient tenus d’apporter le « Ma’hatsit HaChékel ». Selon d’autres avis, les femmes aussi étaient tenues de faire ce prélèvement.
44. Dans d’autres communautés, la coutume est que le père fasse cette donation pour sa femme et pour chacun de ses enfants (quel que soit leur âge). Certains vont jusqu’à donner pour un enfant encore dans le ventre de sa mère.
Les Rabbis de ‘Habad avaient l’habitude de donner pour la Rabbanite et pour leurs enfants en bas âge. Dans tous les cas, celui qui a donné une fois pour son enfant est tenu de continuer à le faire les autres années.
45. Une coutume, jadis répandue, consistait à ce que les jours de jeûne, après l’office de Min’ha, le Rav de la communauté prononce un sermon devant la congrégation, afin d’éveiller les fidèles à la téchouvah (repentir), et à les encourager dans le service de D.ieu. Ces dernières années, à l’initiative du Rabbi de Loubavitch, cette coutume a été réintroduite, et connaît une grande diffusion.
Rejoignez la discussion