Pour bon nombre de gens, un élément important de la vie est de chercher « l’essence ». Qu’est-ce que cela veut dire ? demandent-ils. Qu’est-ce que cela veut vraiment dire ? Ceux qui posent la question peuvent être des jeunes qui considèrent le monde autour d’eux avec cynisme et raillerie, des étudiants à l’université, des routards en Extrême-Orient, des femmes au foyer faisant la queue au supermarché, des hommes d’affaires à la fin d’une journée de bureau, des retraités bavardant sur un banc dans un square. La personne et l’endroit peuvent changer, mais la question reste la même : quelle est l’essence de la réalité ? Qu’est-ce que tout ceci signifie ?

La Paracha de cette semaine apporte à cela une réponse précieuse. Le peuple juif quitte enfin l’Égypte où il a été asservi pendant de très nombreuses années. Il se dirige maintenant vers la terre d’Israël. C’est là que la Torah nous dit, « Et Moïse prit les ossements de Joseph avec lui. »1

Joseph, vice-roi d’Égypte, avait demandé à ses frères qu’après son décès, quand ils finiraient par quitter l’Égypte, ils prennent avec eux ses restes pour les enterrer en Terre Sainte.

Cela évoque l’importance de la Terre d’Israël dans la conscience du Peuple Juif. Et pourtant, le terme employé – « ossements de Joseph » – a une résonance un peu étrange. En fait, il s’agit là du mot employé par Joseph lui-même avant qu’il ne meure : « D.ieu vous sauvera et vous prendrez mes ossements avec vous. »2 Mais pourquoi avoir mis l’accent sur les os ? Il est sûr qu’une expression plus élégante aurait pu être utilisée, quelque chose un peu plus respectueux ?

Rien n’est écrit dans la Torah sans raison et cette expression vient également nous donner une leçon.

En hébreu, le mot pour « ossements » (atsamot) est étymologiquement très proche du mot qui signifie « essence » (atsmiout). Les « ossements » de Joseph renvoient au squelette matériel de Joseph, la charpente de son corps. L’« essence » de Joseph évoque, quant à elle, celle de son âme. Moïse prit le cercueil contenant les restes du corps de Joseph pour l’enterrer en Terre d’Israël, mais il prit également l’essence de Joseph.

Quelle était donc cette essence de Joseph que Moïse emporta ? C’était l’aspiration à aimer et à s’occuper d’autrui : à rapprocher ceux qui ressentent qu’ils sont éloignés.

Pourquoi est-ce là l’essence de Joseph ? À sa naissance, Joseph reçut son nom de sa mère, Rachel, qui dit : « Que D.ieu m’ajoute un autre fils. »3 Joseph (Yossef en hébreu) signifie « ajouter ». Le sens littéral de cela est qu’il s’agissait d’une prière pour avoir un second fils, mais la ‘Hassidout explique que cela exprime le sens profond du nom de Joseph et de son être tout entier : aider chaque personne à s’ajouter et s’inclure parmi le peuple juif, et en particulier celui ou celle qui se sent « autre » et retiré(e) de la communauté.

C’est là l’essence de Joseph et l’héritage éternel qu’il laissa à Moïse et à l’ensemble du Peuple Juif : nous devons nous consacrer à faire de l’ « autre », un « fils ». À chercher ceux qui sont loin et à les rattacher à leurs racines. À les aimer et à prendre soin d’eux.

Telle est l’essence que Moïse et le peuple juif prirent avec eux quand ils quittèrent l’exil d’Égypte et entreprirent leur voyage vers la Terre Sainte. Telle est aussi notre essence, alors que nous nous apprêtons à quitter notre exil, dans notre voyage vers la Rédemption. C’est là l’essence du Judaïsme et de la vie.4