A Beer Chéva, Abraham avait établi une auberge – Echel –, ouverte aux quatre vents. Le Talmud explique qu’en dehors de permettre d’accorder l’hospitalité aux voyageurs, l’auberge d’Abraham lui servait également de centre pour faire connaître la vérité du D.ieu unique au monde païen. Quand les invités d’Abraham désiraient le bénir pour sa générosité, il s’exclamait : « La nourriture que vous avez consommée vous a-t-elle été fournie par moi-même ? Vous devriez remercier, louer et bénir Celui qui a fait exister le monde ! »

Mais avec ceux qui, malgré tout, se refusaient à reconnaître D.ieu comme leur Créateur, Abraham utilisait une tactique moins aimable. Le Midrache relate qu'Abraham réclamait alors un prix exorbitant pour la nourriture qui avait été consommée. Quand l’homme protestait, Abraham rétorquait : « Qui vous donne du vin en plein désert, qui vous donne de la viande en plein désert, qui vous donne du pain en plein désert ? ». Et quand l’invité réalisait dans quelle spirale il était tombé, conclut le Midrache, il cédait et proclamait « Béni soit le D.ieu du monde dont la Providence nous a permis de nous restaurer ».

Mais, pourrions-nous nous interroger : quelle valeur une telle proclamation obtenue sous la pression peut-elle posséder ? Ne sont-ce pas que de simples mots, vides de toute conviction quant à la vérité du D.ieu Un et ou de tout désir de Le remercier pour Sa Providence ?

Cependant Abraham avait une vision de l’humanité qui le persuadait que chaque acte, chaque mot, chaque parole ou chaque pensée positifs a de la valeur, quelque « superficiel » ou « hypocrite » qu’il puisse paraître à un œil moins averti. Car, quand Abraham regardait ses hôtes, il ne voyait pas en eux des païens, mais des créatures de D.ieu créées à l’image divine et capables de reconnaître le Créateur et servir Sa volonté.

La plupart du temps, un mot gentil, une main secourable peuvent mettre en lumière ce potentiel. Mais parfois, une âme peut être si enfouie sous les influences négatives et un caractère corrompu qu’une certaine « pression » est nécessaire pour faire céder sa résistance devant un acte divin. (Bien sûr, toutes ces formes de « pression » doivent se faire en accord avec la démarche de la Torah dont les voies sont « des voies de gentillesse et de paix », comme dans le cas de la demande de paiement parfaitement légitime d’Abraham .)

Abraham avait compris que jamais une reconnaissance de D.ieu ne sera hypocrite. Au contraire : la foi et le comportement païens constituent eux l’hypocrisie ultime, car ils dévient du moi et de la volonté profonde de la personne. Quand une créature de D.ieu proclame : « Béni soit le D.ieu du monde dont la Providence nous a permis de nous restaurer », rien ne peut être plus en accord avec son moi le plus profond.