26:1-2 Lorsque tu entreras dans le pays. Au sens allégorique, la notion d’« entrer dans le pays » se rapporte à la descente de l’âme dans le corps. Cette descente est considérable, car l’âme abandonne sa demeure spirituelle pour se trouver mise au défi par une matérialité tellement écrasante qu’elle en vient à obscurcir totalement le Divin. Pourtant, cette descente est en fin de compte un événement joyeux, un véritable présent « que te donne l’Éternel, ton D.ieu », car, avant sa descente dans le corps, l’âme peut uniquement éprouver le degré de conscience divine inhérent à la « place » qu’elle occupe sur l’échelle de la spiritualité. Or, au fur et à mesure qu’elle accomplit sa mission dans le monde matériel, elle acquiert la capacité d’expérimenter des niveaux de conscience divine bien plus élevés. Ainsi, sa descente dans ce monde se traduit par une ascension – une fois qu’elle aura quitté le monde – à un degré de révélation divine plus élevé que celui qu’elle n’avait jamais connu.1

26:5 Un Araméen. Les deux événements que nous mentionnons lorsque nous apportons les prémices des fruits sont le secours de D.ieu à Jacob quand Laban tenta de le tuer,2 et les sévices auxquels nous soumirent les Égyptiens. Il est clair que D.ieu fit nombre d’autres bienfaits pour nous et les patriarches. Pour quelle raison alors est dévolue à ces deux événements précis une mention spéciale ?

La réponse en est que par l’offrande des prémices nous remercions D.ieu à la fois de nous avoir procuré la terre d’Israël et de nous y avoir installés de façon permanente – de nous avoir pourvus d’un foyer. Cela est souligné par le fait que nous avons été tenus d’exécuter ce commandement non pas immédiatement après notre entrée dans le pays, mais à la suite de sa conquête et de son peuplement.3 C’est la raison pour laquelle nous mentionnons, lors de cette offrande, les deux périodes précédentes de notre histoire où nous avions une certaine forme de résidence quelque part et D.ieu nous protégeait. Jacob vécut chez Laban vingt ans durant, et le peuple juif vécut en Égypte pendant deux cent dix ans.

Cela explique également pourquoi cette prière de remerciement inclut en outre la mention de la protection passée donnée par D.ieu. Avant d’entrer dans notre propre pays, nous avons vécu quasiment en permanence parmi des hôtes hostiles. Ainsi, nous remercions D.ieu de nous fournir une terre à nous, où nous pourrons vivre en sécurité et nous consacrer à l’accomplissement de notre mission Divine de façon autonome.4

26:10 Puis tu remettras les fruits au prêtre. Bien que des parties des sacrifices soient aussi consommées ou employées par les prêtres, les prémices sont uniques en ce sens qu’aucun élément n’en est consumé par le feu de l’autel.

La raison en est que, tandis que tous les autres sacrifices expriment nos efforts divers pour nous rapprocher de D.ieu (c’est le sens du mot hébreu pour « sacrifice », korban), les prémices dénotent l’attitude que nous devons garder à l’égard notre participation au monde matériel. Nous ne devons pas détruire la matérialité, mais l’élever afin d’y révéler sa sainteté intrinsèque même lorsqu’elle garde son statut matériel.5

26:15 Jette sur nous un regard bienveillant depuis Ta sainte demeure. La personne énonçant ces propos témoigne du dévouement passionné, au-delà des limites de la logique, que ressent le peuple juif envers D.ieu. En échange de cette dévotion « irrationnelle », nous demandons à D.ieu de nous traiter de même, « irrationnellement », et de couronner nos efforts par un succès qui surpasse ce à quoi s’attendrait la raison.

Nous ne devons pas considérer une telle dévotion irrationnelle à D.ieu comme quelque chose de facultatif ou de supplémentaire ; D.ieu exige que nous nous mettions sans cesse au défi afin de prouver, à Lui comme à nous-mêmes, que notre dévouement à Lui et à la mission de notre vie ne connaît pas de limites. En retour, Il déversera sur nous Ses bénédictions illimitées, transformant même des situations désastreuses en autant d’expressions de bonté.6

26:18 Il t’avait mis à part. Selon Rachi, l’expression « mettre à part » (להאמיר) implique, d’un côté, l’acte de séparer et de distinguer, et de l’autre la gloire, dans le sens où la gloire personnelle est le bien le plus prisé, pour ainsi dire. Le texte qu’il cite à l’appui de cette dernière signification est : « Tous les transgresseurs se glorifient (יתאמרו). »7

D.ieu nous a « mis à part » du mal et des méfaits. Notre nature divine et notre vrai moi intérieur nous placent bien au-dessus de toute implication avec le mal et, par cela même, nous rendent foncièrement incapables de mal agir.

Dans le sens de « gloire », cette expression se réfère au fait que, même lorsque nous fautons et nous engageons dans des actes qui nous éloigneraient de D.ieu, nous possédons l’aptitude à retourner à Lui. On nous a enseigné que le repentir motivé par l’amour ardent de D.ieu transforme en mérites même les fautes volontaires,8 ce qui signifie que nous sommes bénis non seulement par la capacité d’abandonner à tout moment les conduites et habitudes négatives – défiant ainsi les forces naturelles de l’inertie et de l’habitude –, mais que nous pouvons même convertir nos actions négatives passées en motivations pour un agir positif. Ainsi, ce qui était auparavant négatif deviendra désormais quelque chose de glorieux et de méritoire. Ce processus accroît la gloire de D.ieu dans le monde, dans la mesure où il démontre que D.ieu peut Se manifester non seulement dans les éléments de réalité qui sont a priori saints (ou neutres, mais réceptifs à la sainteté), mais encore dans ceux qui sont a priori antithétiques à la sainteté.

Dans ce contexte, voici le sens profond du verset cité par Rachi : à travers le repentir, le transgresseur peut accroître la gloire de D.ieu dans le monde.9

27:2 Le jour où vous traverserez. Pour renforcer son alliance avec D.ieu ainsi que son engagement à maintenir cette alliance par l’étude de la Torah, le peuple avait pour tâche prioritaire, une fois entré dans le pays, de réaffirmer cette alliance de manière solennelle. En premier lieu, les Juifs devaient ériger un monument commémorant leur traversée miraculeuse du Jourdain. À leur approche de la rive est, le fleuve cessa de couler, ce qui leur permit de le traverser à pied sec. Comme il a été mentionné,10 ils devaient traverser le fleuve avec l’intention d’expulser les peuples qui occupaient à l’époque le territoire. Pendant que le peuple traversait le fleuve, Josué eut pour tâche de rassembler douze grandes pierres tirées du lit du fleuve en un amoncellement11 assez élevé pour qu’il demeure visible par-dessus les eaux après que le fleuve reprendrait son cours, à titre de mémorial de ce passage miraculeux.12

27:9 Ce jour. La quête de nouveauté est un élément inhérent à notre humanité. Aussi, Moïse dit au peuple juif qu’il devenait chaque jour le peuple de D.ieu. L’alliance entre D.ieu et le peuple juif s’établit une seule fois, par le don de la Torah au mont Sinaï. Mais D.ieu la renouvelle jour après jour avec chacun de nous. En conséquence, nous devons considérer le renouvellement personnel quotidien de notre relation avec D.ieu avec autant d’intérêt et d’enthousiasme que s’il se produisait pour la première fois – car il en est bien ainsi !13

28:2 Te poursuivront et t’atteindront. À Roch HaChana, D.ieu établit quels seront nos moyens de subsistance et notre santé pour l’année à venir. Pourtant, nous prions chaque jour pour la santé, la subsistance et bien d’autres bénédictions divines. En quoi cette prière quotidienne est-elle nécessaire si tout a déjà été décrété à Roch HaChana ?

Ce verset fournit la réponse à cette question : les bénédictions de D.ieu nous « poursuivent » puis nous « atteignent ». À Roch HaChana, toutes les bénédictions nécessaires à leurs fins descendent (nous « poursuivent ») jusqu’à un certain degré de la réalité, où elles restent en réserve en attendant d’être entraînées plus loin (de nous « atteindre ») dans le monde matériel. Les conduits nous permettant de les faire descendre vers nous sont notre prière quotidienne et notre dévouement à D.ieu.14

7 Ils fuiront devant toi. Ils ne seront pas tués, mais seulement empêchés de nous porter dommage. Nous voyons à partir de là que, lorsque le peuple juif suit les directives de la Torah, il n’obtient pas la bénédiction divine pour lui uniquement, mais pour le monde entier. Même nos ennemis sont autorisés à vivre en paix et en sécurité dans leur propre pays, interdits de nous nuire de quelque manière que ce soit.15

28:15-68 Toutes les malédictions suivantes iront vers toi. Comme nous l’avons expliqué à propos des malédictions dans la paracha de Be’houkotaï,16 toutes ces malédictions sont en réalité des bénédictions déguisées.

28:47 Dans la joie. Il en découle ici que nous avons effectivement servi D.ieu mais sans joie, et c’est pour cette raison que nous avons été envoyés en exil.17 Mais si tel est le cas, mérite-t-on un châtiment aussi terrible pour la seule raison d’avoir manqué de nous réjouir ? La réponse est que même quelqu’un qui s’est engagé à servir D.ieu ne peut échapper à au moins des fautes mineures, comme il est écrit : « Il n’existe personne de juste sur terre au point de [toujours] faire le bien et ne jamais fauter. »18 Mais si nous servons D.ieu avec joie, dénotant par là notre bonheur d’être Ses serviteurs, Il en est gratifié, ce par quoi l’attribut divin de la justice devient neutralisé. Même si nous méritons d’être punis, notre joie à servir D.ieu L’inspire à passer outre, pour ainsi dire.19

29:8 Afin que vous réussissiez. Le mot hébraïque pour « que vous réussissiez » (תשכילו) signifie également « que vous compreniez ». Ainsi, ce verset implique que, si nous observons les commandements de D.ieu, nous comprendrons tout ce que nous devons faire.

Il existe beaucoup d’aspects de la vie dans lesquels nous luttons pour déterminer comment agir de la manière qui s’avérerait la plus positive au sens spirituel. Lorsque nous vivons conformément aux directives de la Torah, nous devenons sensibles à la volonté de D.ieu. Cela nous aide donc à comprendre comment agir conformément à Sa volonté dans les domaines de la vie qui ne sont pas directement régis par des commandements spécifiques.20

Tout ce que vous ferez. Les paroles de réconfort de Moïse continuent dans le premier verset de la paracha suivante : « Regardez autour de vous ; quoique vous ayez déjà irrité D.ieu en de nombreuses occasions, vous tous êtes toujours fermement dressés. Tout comme le jour, que la nuit vient à surmonter mais qu’il surmonte ensuite à son tour, vous avez joui par le passé de moments de calme, et en jouirez davantage dans l’avenir en dépit de toutes les souffrances que vous pourriez éprouver entre les deux. Et ce sont précisément les moments sombres de la vie qui vous fortifieront, vous permettant de résister pour toujours. »

Les huit derniers versets de cette paracha contiennent en outre les paroles prononcées par Moïse à l’intention du peuple lorsqu’il le rassembla une fois de plus le 7 Adar – le jour de son décès, comme lui-même le savait – pour son troisième et ultime discours. Par ces paroles, il présente la nouvelle alliance avec D.ieu où il les fera entrer :21 en ce jour, Moïse convoqua tout Israël et leur dit : « Vous avez vu de vos yeux tout ce que l’Éternel a fait en Égypte, à Pharaon, à tous ses serviteurs et à tout son pays, les grandes épreuves que tes yeux ont vues, et ces grands signes et prodiges. Ces miracles, vous les avez sans doute appréciés ; ils vous ont enseigné à croire en la toute-puissance de D.ieu et à respecter Sa parole. Mais cela ne suffit pas. Vous devez aussi apprendre à apprécier profondément les bienfaits de D.ieu, au point que cela vous inspire à vous attacher à Lui par amour. Cependant, jusqu’aujourd’hui l’Éternel ne vous a pas donné un cœur pour connaître, des yeux pour voir et des oreilles pour entendre, autrement dit, les moyens d’apprécier Ses grands bienfaits, et en particulier [ici Moïse poursuivit au nom de D.ieu], comment Je vous ai conduits à travers le désert quarante ans durant, au cours desquels vos vêtements ne se sont pas usés sur vous ni ta chaussure ne s’est usée sur ton pied. Du pain, vous n’en avez pas mangé, et du vin nouveau ou du vin vieux, vous n’en avez pas bu ; mais vous avez mangé la manne miraculeuse et bu l’eau de la source miraculeuse, afin que vous sachiez que Je suis l’Éternel, votre D.ieu. Dans la mesure où ces miracles se sont produits à plusieurs reprises, ils sont devenus pour vous une seconde nature, et vous avez commencé à les prendre comme venant de soi. Dès lors, vous n’avez pas été inspirés à vous attacher à Moi par amour. » Reprenant la parole à titre personnel, Moïse dit : « À présent que vous vous préparez à entrer sur le pays, il vous est particulièrement important de vous attacher à D.ieu, car dès lors que vous entrerez dans une existence plus naturelle, vous risquerez davantage d’attribuer vos réalisations à des prouesses personnelles plutôt qu’à la bonté de D.ieu. Ce sentiment illusoire d’autosuffisance peut vous conduire à vous rebeller contre Lui. Vous avez déjà commencé à relever ce défi : vous êtes venus en ce lieu, le territoire situé à l’est du Jourdain, et le roi Si’hon de ‘Hechbon et le roi Og de Bachan ont marché à notre rencontre pour livrer bataille, et nous les avons battus. Nous avons pris leur pays et l’avons donné en héritage aux tribus de Ruben et de Gad, et à la moitié de la tribu de Manassé. Aussi, il se peut bien que vous vous sentiez quelque peu fiers étant donné vos réussites, et flattés par la réputation que vous avez acquise parmi les peuples voisins. En conséquence, pour devenir suffisamment empreints de la bonté de D.ieu au point de vous attacher à Lui par amour, et pour ne pas devenir des personnes vaniteuses, vous garderez les termes de cette alliance en les étudiant diligemment et les mettrez en pratique afin que vous réussissiez dans tout ce que vous ferez. On sait que l’élève a besoin de quarante ans pour comprendre pleinement l’enseignement de son maître ; pour cela, D.ieu a été indulgent avec vous jusqu’à présent. Mais dès lors que près de quarante ans se sont écoulés depuis que vous avez reçu la Torah, D.ieu commencera à vous astreindre aux termes de cette alliance ; c’est pourquoi vous devez prendre grand soin d’étudier la Torah et de suivre tous ses enseignements. »22

Besoin de quarante ans. Moïse n’entendait certainement pas qu’il faut quarante ans pour comprendre la signification de toute leçon que nous aurions entendue de notre professeur, car (a) il inclut les victoires sur Si’hon et Og dans la liste des miracles qu’il nous a demandé de prendre à cœur, et elles se produisirent peu de temps avant ses discours adressés au peuple ; (b) il ne s’était pas écoulé quarante ans depuis que le peuple avait entendu bien des enseignements de la Torah, car tous n’avaient pas été communiqués au mont Sinaï – en fait, le peuple en entendit un grand nombre peu de temps avant, dans le cadre du second discours d’adieu de Moïse ; (c) l’acte de comprendre un enseignement est, somme toute, fonction des aptitudes de chaque élève en particulier comme de l’effort qu’il investit dans l’étude.

En fait, Moïse signifiait que l’élève a besoin de temps pour intérioriser la méthodologie de l’enseignant et son approche analytique du savoir. Ce n’est qu’après avoir observé comment l’enseignant aborde chaque sujet et chaque défi de manière progressive que les méthodes de l’enseignant feront corps dans l’esprit de l’élève comme une méthodologie cohérente. Après avoir appréhendé et fait sien le processus de réflexion de l’enseignant, l’élève sera en mesure de l’appliquer à tout nouveau sujet qui se présentera à ses yeux.

Aussi, Moïse signifiait ici qu’à présent que quarante ans s’étaient écoulés depuis le moment où les Juifs se virent exposés pour la première fois à la Torah et à sa vision du monde, et qu’ils eurent l’occasion de témoigner des voies de D.ieu au cours des années suivantes, ils étaient suffisamment « mûrs » pour conduire leur vie en pleine conformité avec les intentions de la Torah et être tenus pour responsables de leurs actes.23