Tissa – Le veau d’or
La neuvième section du livre de l’Exode débute par les dernières instructions données par Dieu au sujet du Tabernacle. Dieu ordonne à Moïse de procéder à un recensement (tissa, en hébreu) en prélevant une pièce d’argent d’un demi-sicle de tout homme adulte. Ces sommes serviraient à l’achat des offrandes destinées à racheter les fautes du peuple. Dieu explique ensuite à Moïse comment construire le bassin où les prêtres se laveront les mains et les pieds avant d’officier dans le Tabernacle, comment préparer l’huile d’onction et l’encens, et lui fait savoir qui devra superviser la construction du Tabernacle. La Torah reprend alors le récit du don de la Torah, qui s’était arrêté à la paracha de Michpatim, et plonge brusquement dans l’épisode tragique du veau d’or. Puis intervient la réconciliation entre Dieu et le peuple, et la descente finale de Moïse du mont Sinaï avec les secondes tables.
Outre ces alternances soudaines entre l’extrême dépravation et la transcendance sublime, la paracha de Tissa semble ne pas être au bon endroit. La première partie – les dernières spécifications du Tabernacle – semblerait mieux placée dans Terouma ou Tetsavé. La seconde partie – l’épisode du veau d’or – devrait apparemment constituer la suite de Michpatim. En outre, si l’on avance quelque peu dans la lecture, on constate que les parachas suivantes reviennent sur le sujet du Tabernacle, car elles en décrivent la construction effective. L’histoire du veau d’or se trouve donc retirée de sa place légitime et intercalée entre les instructions relatives au Tabernacle et sa construction. Pourquoi cela ?
Le nom de la paracha, Tissa, nous en offre un indice. Littéralement, il signifie « tu élèves ». Même si la signification idiomatique est « fais le recensement des Hébreux », le sens littéral implique que le peuple a été élevé à des hauteurs auxquelles il n’aurait pas accédé autrement. Pour le dire plus directement : même après que le but de la création fut accompli par le don de la Torah (Yitro et Michpatim) et l’institution du Tabernacle (Terouma et Tetsavé), il existe toujours des niveaux plus élevés à atteindre.
La question la plus douloureuse dans cette paracha est peut-être la suivante : comment se fait-il que le peuple, après avoir reçu la Torah à peine quarante jours plus tôt, ait commis la faute du veau d’or ? La réponse du Talmud est que « toute l’affaire fut décrétée par Dieu afin de créer un précédent pour celui qui se repent ».1 Dieu manœuvra le peuple en l’entraînant dans cette faute afin de lui faire connaître la douceur de la réconciliation.
Le paradoxe de la faute est que le repentir permet de forger un lien avec Dieu plus solide qu’il ne l’était auparavant. Avant que la faute soit commise, il suffit que la relation avec Dieu ait juste assez de force pour maintenir l’homme sur la bonne voie. Mais, dès qu’il a péché, il se trouve face à la constatation irréfutable que, aussi parfaite que cette relation ait pu sembler, elle n’était ni assez forte ni assez profonde pour l’empêcher de faire ce qu’il a fait.
Aussi, l’homme doit trouver une place en lui où Dieu signifie davantage que la jouissance que son acte a paru lui offrir. Cet exercice s’appelle techouva (« retour » à Dieu) et constitue l’essence du repentir.
Voilà pourquoi Dieu orchestra l’incident du veau d’or. En descendant au plus bas possible, le peuple pouvait alors être élevé aux plus hauts niveaux de la réconciliation. La révélation des treize attributs de la miséricorde de Dieu le montre clairement. Par eux, Il souligne le fait que Son alliance avec le peuple juif transcende leur relation contractuelle avec Lui, et Il prépare ainsi la voie à la techouva.
Ceci explique pourquoi cette paracha débute par le don du demi-sicle : l’argent finance les sacrifices offerts au nom de la communauté, qui rachètent les fautes du peuple. Les détails concernant le Tabernacle rapportés au début de la paracha indiquent que son but est pleinement accompli dans le contexte de la techouva, le thème de Tissa. C’est pourquoi toute cette paracha est intercalée entre les instructions pour la construction du Tabernacle (Terouma et Tetsavé) et sa réalisation effective (Vayakhel et Pekoudei) : son contenu fait bien partie des instructions pour construire le Tabernacle – il en est la dimension profonde. Il est donc approprié qu’il suive la dimension première des instructions et précède la construction proprement dite.
Ainsi, la leçon de la paracha de Tissa est vécue tous les jours de notre vie, nous ramenant constamment à l’objectif de techouva, car c’est ce qui marquera le début de la Délivrance messianique finale.2
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