28:2 Pour la dignité et la splendeur. Les vêtements des prêtres unifiaient les aspects finis et infinis du Divin. La dignité est un barème de l’estime qu’une personne inspire aux autres. En tant que telle, elle fait allusion à la révélation finie de Dieu. La splendeur, par contre, dénote le type de beauté née de l’intégration harmonieuse de caractères contrastés. Une telle harmonie ne peut s’obtenir que s’il existe un dénominateur commun sous-jacent qui harmonise les éléments. Cette force sous-jacente et la beauté majestueuse qu’elle engendre signifient la révélation transcendante et infinie de Dieu.
La fusion de la dignité et de la splendeur dans les vêtements des prêtres est la manifestation de Dieu au-delà des concepts de fini et d’infini – Sa capacité à s’exprimer en termes à la fois finis et infinis – d’une manière susceptible d’être appréhendée par notre perception limitée.1
28:5 La laine turquoise, pourpre et écarlate, et le lin. La Torah interdit normalement le mélange de laine et de lin (chaatnez) dans les vêtements ;2 une exception importante sont les vêtements des prêtres.3
Il existe deux explications classiques de la raison pour laquelle la Torah interdit par une règle générale le mélange de laine et de lin :4
- Il faut éviter les influences négatives.5 Le lin est considéré dans ce contexte comme une influence négative parce que l’offrande de Caïn, le fils mauvais d’Adam, était du lin, tandis qu’Abel, son bon fils, offrit de la laine.6
- Il est nécessaire d’éviter les mélanges nocifs. De ce point de vue, ni la laine ni le lin ne sont intrinsèquement négatifs ; ce n’est que leur mélange qui l’est.
En termes spirituels, la première explication implique qu’il faut empêcher que les énergies spirituelles que Dieu utilise pour soutenir et gouverner les forces du mal et de l’impureté se mêlent avec celles qu’Il emploie pour soutenir et gouverner les forces du bien et de la sainteté.
Or, comme nous l’avons vu précédemment, les forces du mal ont en général pour origine des degrés de sainteté très élevés, mais qui ont subi par la suite quelque chute tragique. Par conséquent, à l’origine, le lin incarne et exprime un degré de sainteté très élevé.7 C’est pourquoi le mélange de laine et de lin est autorisé dans les vêtements sacerdotaux : dans la Divinité révélée du Tabernacle, tous les deux exprimaient leur source spirituelle, et en leur source ils sont tous les deux des forces de sainteté. Leur mélange n’est donc nullement néfaste.
La deuxième explication sous-entend que les diverses énergies spirituelles bonnes et saintes sont destinées à coexister et à coopérer, mais uniquement aussi longtemps qu’elles ne perdent pas leur identité dans le processus. Un mélange interdit provoque une fusion de ces énergies, ce qui a pour effet que l’une ou l’autre, ou les deux, pervertissent la mission qui leur est propre.
D’autre part, dans leur source divine, ces énergies font partie de l’unité totalisante de Dieu, dans laquelle il n’existe pas de diversité ou de séparation démarquant ou distinguant une énergie spirituelle de l’autre.
Ceci explique pourquoi, dans le contexte de la deuxième explication, le mélange de laine et de lin dans les vêtements sacerdotaux est autorisé. Dans la sainteté intense du Tabernacle, même des énergies composites et contradictoires peuvent se raccorder en paix.8
28:28 Le pectoral ne doit pas se détacher. L’éphod couvrait le dos du grand prêtre de sa taille jusqu’aux talons, tandis que le pectoral restait sur le devant, contre son cœur.
Le « dos » représente les aspects de la vie qui peuvent être nécessaires mais qui ne constituent pas notre centre d’intérêt – tout comme nous exprimons de l’indifférence face à quelque chose en lui tournant le dos. En revanche, le « devant » signifie le centre effectif de notre intérêt – tout comme notre visage, qui exprime nos pensées et nos sentiments, se trouve sur le devant de notre corps.9
Le fait que le pectoral ne doive pas se décrocher de l’éphod signifie donc que le grand prêtre n’avait droit à nulle sorte de fossé entre les aspects profonds et superficiels de sa vie. Ce qui est vrai dans nos cœurs idéalistes et inspirés doit s’exprimer jusque dans nos « talons », c’est-à-dire, même dans les aspects banals et routiniers de notre existence.10
28:30 L’ourim et toumim. Le terme ourim signifie « lumières », tandis que toumim est lié au mot hébreu pour « sincérité » et « dévouement » (temimout).11
Par rapport à notre âme divine, l’ourim incarne la conscience éclatante qu’elle a de sa source divine et son ardent désir de fondre en elle. Le toumim représente sa sincérité et son dévouement absolu à l’accomplissement des commandements. Ce dévouement contrebalance l’expérience d’ourim, la soustrayant à son ravissement afin d’entraîner les aspects profanes de la vie et les élever au Divin.
L’ourim et toumim exprime ainsi la dynamique d’« aller et retour »,12 le va-et-vient continuel entre le ravissement extatique et l’humble soumission qui caractérise la vie spirituelle.13
28:35 On en entendra le son. La prière de quelqu’un qui se sent proche de Dieu tend à être calme et paisible, car une telle personne ne fuit rien. En revanche, la prière de quelqu’un qui se sent éloigné de Dieu est généralement exaltée, animée.
La grenade est le symbole du Juif qui, bien qu’en apparence dépourvu de mérites, en est en réalité tout aussi rempli (en raison des commandements qu’il observe), à l’instar d’une grenade regorgeant de graines.14 Ainsi, le son des clochettes au bas de la robe du grand prêtre représentait la clameur du peuple au bas de l’échelle spirituelle, l’exaltation de ceux que l’on compare aux grenades.
De là découle l’impérieuse nécessité de ces clochettes. Un grand prêtre qui ne parvient pas à inclure dans son expérience ceux qui se trouvent au bas de l’échelle est indigne de son office.
Néanmoins, il est un jour de l’année où le grand prêtre pénètre dans l’enceinte intérieure du Tabernacle sans les clochettes : Yom Kippour. Ce jour-là, nous sommes tous comme des anges ; notre lien inhérent avec Dieu se révèle dans le Saint des Saints, de sorte que les clochettes n’y sont pas nécessaires. Même ceux qui se trouvent au plus bas éprouvent un sentiment d’unité calme et silencieuse avec leur Créateur.15
29:1 Voici ce que tu feras. Ayant achevé de transmettre les instructions pour confectionner les vêtements sacerdotaux, Dieu dit à Moïse comment employer ces vêtements afin d’investir les prêtres dans leur fonction. Cette cérémonie d’installation devait se répéter tous les jours pendant une semaine entière,16 du 23 au 29 Adar 2449, la semaine précédant le 1er Nissan. Chaque jour de la semaine, on érigeait le Tabernacle le matin et on le démontait une fois terminés les rites d’investiture. Ce ne fut qu’à partir du 1er Nissan qu’il demeura érigé.
29:2 Une forme angulaire. En termes religieux, les Grecs étaient des païens, et leur philosophie – matérialiste – faisait de l’intellect humain l’arbitre suprême de la vérité. En revanche, le judaïsme – monothéiste – affirme que la source de la vérité se trouve dans l’intelligence divine. Ces deux visions du monde entrent parfois en collision, car il arrive que les exigences de la Torah transcendent l’intellect humain. C’est pourquoi les adeptes de la philosophie grecque combattirent les Juifs et la Torah dans la lutte qui aboutit au miracle de ‘Hanoucca. Il semble donc peu approprié d’introduire un symbole grec dans les rites d’investiture du Tabernacle, l’épicentre spirituel du judaïsme !
La solution à ce paradoxe est que l’huile signifie allégoriquement la perception (‘ho’hma), le premier composant de l’intellect. La simple huile représente l’intellect profane, l’intellect que nous employons pour raisonner et pour comprendre le monde. L’huile sainte – celle qui est utilisée dans les rites des sacrifices – représente l’intellect saint, celui que nous utilisons pour étudier et comprendre la Torah. L’huile d’onction signifie l’intellect qui dépasse la raison, celui de l’âme divine – l’aspect intellectuel de la volonté et de la joie divines.
Seule la sainteté de cette huile, ce stade de l’intellect, peut vaincre et sanctifier l’intellect humain profane, l’orientant totalement vers la sainteté, de sorte que même notre raison « naturelle » parte en quête de l’aspect divin de toutes choses et s’attelle à des fins sacrées. Voici la raison pour laquelle c’est la forme grecque de la lettre kaf qui fut employée pour l’onction dans les rites d’investiture du Tabernacle.17
29:37 Tout ce qui toucherait l’autel sera sanctifié. Dans un sens spirituel, ce principe s’applique à chacun de nous dans notre relation avec la sainteté. Même si tout ce que nous faisons n’est que « toucher » la sainteté – sans mener la relation plus loin qu’un contact externe –, nous devenons saints. Dès lors que nous avons fait connaissance avec une expérience transcendante, nous sommes transformés pour toujours. Nous pouvons essayer d’oublier, de passer outre ou de fuir ; mais notre contact avec le Divin ne nous permettra plus jamais de nous immerger complètement dans la vie profane, de nous griser de loisirs vides, ou d’essayer d’améliorer le monde à travers des moyens purement séculiers.
Il est vrai que la règle selon laquelle tout ce qui touche l’autel devient sanctifié s’applique en premier lieu uniquement aux objets méritant d’être amenés sur l’autel. Cependant, d’un point de vue spirituel chacun de nous tombe dans cette catégorie, car tout Juif possède une sainteté intrinsèque ; le vrai désir de chaque Juif est de faire ce que Dieu ordonne.18
30:1 Tu dois faire un autel pour brûler l’encens. Cette section finale de la paracha de Tetsavé résume son fil conducteur – le fait qu’Aharon, par la puissance de l’essence de Moïse, soit capable de révéler l’essence du Juif, l’aspect de l’âme que nous partageons tous uniformément. Voilà la raison pour laquelle c’est dans cette paracha, centrée notamment sur les vêtements des prêtres, que se trouve le commandement de construire l’autel intérieur, et non dans la paracha précédente (Terouma),dont le thème central est le mobilier du Tabernacle (y compris l’autre autel).
L’un des ingrédients de l’encens était le galbanum. En raison de son odeur nauséabonde,19 cette plante fait allusion à ceux qui commettent des fautes parmi notre peuple. Le fait que le galbanum soit un composant essentiel de l’encens nous enseigne que tous les Juifs constituent une partie indispensable du peuple juif, même si leur comportement est parfois inapproprié.20
Une autre raison au fait de placer ici le passage sur l’autel intérieur, à la fin de toutes les discussions concernant le Tabernacle et l’ensemble de ses composants, est d’indiquer que cet autel a une signification unique, qui dépasse et transcende tous les autres éléments du Tabernacle.
Ce qui était différent à propos de l’autel intérieur était que toutes les autres cérémonies qui se déroulaient dans le Tabernacle avaient des spectateurs. Mais, lorsqu’on brûlait l’encens sur l’autel intérieur, il n’y avait personne d’autre que le prêtre qui le brûlait et Dieu Lui-même.21 En outre, nous avons appris que c’est précisément cette œuvre qui faisait que la Présence Divine se manifeste avec la plus grande intensité dans le Tabernacle.
Cette leçon de l’encens est vraiment d’actualité dans notre monde moderne assourdissant. Le plus haut d’une vie sainte, notamment dans les domaines de la bonté et de la charité, est atteint lorsque personne n’est présent : lorsque nous faisons preuve de générosité sans fanfare, uniquement parce qu’il s’agit de la bonne chose à faire.22
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