Michpatim – Les lois

Après avoir donné la Torah au peuple juif, Dieu ordonna à Moïse de monter à nouveau sur le Sinaï – cette fois pour quarante jours – afin de lui enseigner les détails des lois de la Torah. La sixième section du livre de l’Exode est, en premier lieu, un recueil des lois (michpatim, en hébreu) enseignées par Dieu à Moïse pendant son séjour sur la montagne. Cependant, la séquence des événements compris dans cette paracha paraît assez confuse. La Torah vient de raconter dans la paracha de Yitro les préparatifs pour le don de la Torah et le don proprement dit, qui eut lieu le sixième jour du mois de Sivan. Puis la Torah se consacre, dans la première partie de la paracha de Michpatim, à expliciter les détails des lois. Or, une fois cette tâche accomplie, Michpatim revient en arrière jusqu’aux préparatifs du don de la Torah. La paracha décrit les préparatifs des quatrième et cinquième jours de Sivan (mystérieusement absents chez Yitro), récapitule brièvement le don de la Torah, et décrit ensuite l’ascension de Moïse destinée à lui enseigner les détails des lois (mystérieusement omis également à la fin de Yitro). Cette séquence déroutante demande explication, car la Torah ne s’écarte pas de la suite chronologique des événements à moins qu’il n’y ait de bonnes raisons à cela.

En effet, en agençant le récit de la sorte, la Torah cherche à mettre en relief l’effet double de la révélation au Sinaï. Comme il a été mentionné au préalable, la Torah est le guide de vie donné par Dieu, mais ce n’est certainement pas que cela. Comme y fait allusion le mot qui introduit les Dix Commandements, Ano’hi,1 « J’ai écrit et donné Mon âme dans la Torah » ; lorsqu’Il nous donna la Torah, Dieu implanta en nous Son essence. Ainsi, le don de la Torah établit une double connexion entre Dieu et le peuple juif : un accord contractuel basé sur les commandements, la récompense et le châtiment ; et un lien d’alliance forgeant un rapport inviolable et éternel entre Dieu et Son peuple. L’accord contractuel s’exprima au moyen des commandements de Dieu ; le lien d’alliance, par les rituels associés à la révélation.

Pour nous aider à reconnaître cette distinction, la Torah décrit ces deux relations indépendamment l’une de l’autre. Le récit du don de la Torah dans la paracha de Yitro traite notamment de l’accord contractuel. Lors de la description des préparatifs de la Révélation, l’accent est mis sur les directives données par Dieu au peuple à ce sujet ; quant à la description de la Révélation, elle comprend les instructions que Dieu donna au peuple, à savoir les Dix Commandements et ceux qui en découlent directement.2 À la suite de la révélation, la Torah poursuit avec les commandements régissant surtout le droit civil, dans le but de démontrer que la loi de Dieu doit imprégner jusqu’aux conventions supposées logiques de toute société juste. Cette suite constitue la première et la plus grande partie de Michpatim.3

À partir de là, Michpatim revient sur les préparatifs au don de la Torah en se concentrant cette fois sur le lien d’alliance, à travers lequel le peuple recevra son identité particulière en tant que peuple saint de Dieu. La paracha décrit alors les préparatifs qu’il fait pour entrer dans l’alliance : comment tous acceptèrent la Torah de manière inconditionnelle en proclamant « nous ferons et nous obéirons » ; comment Moïse écrivit le « livre de l’alliance » ; comment Dieu leur fit élever un autel et y offrir des sacrifices ; et comment Moïse les aspergea du « sang de l’alliance ». Fait remarquable, cette paracha met l’accent sur l’ascension de la montagne ;4 c’est que l’attention est portée ici sur l’alliance, et c’est à travers elle que le peuple juif s’éleva spirituellement et se lia à Dieu.

La séquence du récit devient alors intelligible : la Torah décrit d’abord le caractère contractuel de la Torah dans son intégralité – en reliant toutes les parties de l’événement depuis les instructions préparatoires jusqu’aux Dix Commandements, outre les commandements de l’autel et les commandements exposés dans cette paracha, ceux que Dieu enseigna à Moïse sur la montagne. Après sa description exhaustive de cet aspect de la relation, la Torah entreprend de transmettre sa dimension d’alliance en décrivant ces détails de l’événement, du début à la fin.

Voici donc le message de Michpatim : toute facette de la vie peut en puissance nous relier à Dieu. En englobant l’ensemble de notre expérience, la Torah et la conscience divine qu’elle nous donne deviennent notre vitalité et la substance même de notre vie.5